Retours d'expériences

Le vrai carburant d’Autolib, c’est l’informatique !

Par La rédaction, publié le 10 septembre 2013

Alors qu’Autolib’ vient de déposer plainte pour espionnage contre un sous-traitant de BMW, retour sur ce qui fait la réussite de la voiture en libre-service : son informatique de pointe. Un système capable de localiser à tout moment 1 100 véhicules en moyenne.

L’affaire a été révélée ce 9 septembre par Le Figaro et devrait faire grand bruit alors que s’ouvre le salon automobile de Francfort. Autolib’, société du groupe Bolloré, a déposé plainte pour espionnage industriel contre P3 Group. Ce sous-traitant en ingénierie de BMW aurait été missionnée par le constructeur allemand dans le cadre de son projet de véhicule électrique I3.

A plusieurs reprises cet été, deux techniciens, se faisant passer pour des agents de maintenance, seraient intervenus de façon suspecte sur les bornes de rechargement à l’aide de matériel informatique. La plainte, déposée auprès du procureur de Paris, évoque notamment une “intrusion dans un système automatisé de données”. De fait, Son succès, Autolib’ doit d’abord son succès à son informatique de pointe, “faite maison”.

Une informatique bâtie en moins de dix mois. Bâti en moins de dix mois, le système d’information est capable de gérer 40 000 réservations par semaine, sait localiser à tout instant 1 100 véhicules en circulation en moyenne et connaît la charge de chaque batterie. Pour le créer, Autolib’ s’est appuyé sur deux entités du groupe Bolloré : Polyconseil pour la partie informatique ; IER pour la communication intelligente (le M2M, machine to machine) et les bornes de rechargement.

Et l’on parle bien de création. Car les protagonistes ne pouvaient pas s’appuyer sur une solution déjà existante, et les équipes de Polyconseil n’avaient à leur actif que la réalisation d’un portail Wi-Fi pour les rames du TGV Est. Mais l’équipe de polytechniciens, de 30 ans en moyenne, a su faire preuve de pragmatisme. Elle a utilisé un framework open source, baptisé Django, et a présenté une maquette en cinq mois. “ A ce stade, nous savions juste faire fonctionner le service avec une borne et une voiture ”, se souvient Sylvain Géron, directeur associé de Polyconseil.

 

Le plus dur restait à venir. Lors du lancement précommercial, le 2 octobre 2011, tout le monde était sur le pont pour tester le service qui comptait alors 60 véhicules et 30 stations : clients internes du groupe Bolloré ou salariés d’Autolib’. C’est alors que les petits génies de la programmation ont le plus transpiré. “ Il a fallu résoudre un par un tous les cas non prévus dans un parcours standard, raconte Sylvain Géron. Certains utilisateurs rangent mal le câble d’alimentation électrique, d’autres ne referment pas la trappe de branchement. ”

L’inauguration sans accrocs du service Autolib’, le 5 décembre 2011, relève donc du tour de force. D’autant que la conception d’un système de cette dimension, capable de surveiller des véhicules de location allant d’un point A à un point B, est une grande première. “ On appelle ce dispositif un système de trace directe. Il doit associer n’importe quel véhicule à n’importe quelle borne, ce qui nécessite des algorithmes très complexes ”, relève Sylvain Géron.

Dans les faits, l’utilisateur passe son badge sans contact RFID sur une borne de location. Celle-ci envoie un signal ADSL à l’ordinateur central qui identifie le conducteur et lui attribue une voiture à retirer à l’une des bornes de chargement de la station. Lorsqu’il passe son badge sur le véhicule, le système sait qui a utilisé quoi et où. Lorsque, une fois arrivé, le conducteur passe son badge sur la borne de charge, le système reconnaît l’endroit exact où il a raccordé la voiture. Et met à jour aussitôt la situation du parc de véhicules. La géolocalisation n’entre donc pas en jeu ici. Elle ne sert qu’à suivre les véhicules entre deux bornes et à déclencher une alarme s’il vient à sortir du périmètre d’utilisation du service Autolib’.

“ Ceux-ci ont une tendance naturelle à aller vers la banlieue ”, observe Sylvain Géron. Une équipe de régulateurs de la flotte de Bluecar, basée au centre opérationnel d’Autolib’ à Vaucresson (Hauts-de-Seine), envoie alors des instructions sur les smartphones de 400 “ ambassadeurs ”, des hommes en bleu géolocalisés en permanence, qui arpentent la Capitale pour déplacer les véhicules. Mais le véritable coup de maître d’Autolib’ fut la mise en place, en avril 2012, d’un système de réservation qui a fait grimper les abonnements en flèche.

Grâce à lui, l’utilisateur a la possibilité de réserver sa Bluecar depuis son iPhone, le Web ou par téléphone trente minutes avant son départ. Mieux, sa place à l’arrivée est garantie pendant une heure et demie ! Une fonction qui a, bien entendu, augmenté la complexité des scénarios gérés par le système d’information : il a fallu créer un statut “ réservé à la location ” pour les voitures concernées (la borne de charge devient alors bleue), et faire en sorte que les autres utilisateurs ne les voient plus.

Relation humanisée. Mais l’informatique a beau être partout, Autolib’ a pris le parti d’humaniser sa relation avec les clients. “ Nous ne voulions pas de serveur vocal interactif, précise Morald Chibout. L’utilisateur tombe toujours sur un téléconseiller. ” De même, les cinq à sept minutes que dure la procédure d’abonnement dans les stations principales (reconnaissables à leurs bulles) sont assistées par visioconférence ? une première ! “ C’était une volonté appuyée de Vincent Bolloré, qui y voyait une incitation forte à l’abonnement ”, souligne Sylvain Géron.

Rien n’a été laissé au hasard. Résultat : le succès d’Autolib’ est tel que Vincent Bolloré a annoncé, lors du dernier salon de l’automobile, que le service pourrait atteindre l’équilibre économique dès 2014, avec quatre ans d’avance sur les prévisions. Cela correspond au seuil des 50 000 abonnés à l’année (dits premium) qui compenseraient la charge financière estimée à environ 50 millions d’euros, supportée par le groupe seul. L’enjeu commercial est de taille : Bolloré souhaite installer des systèmes similaires à Bordeaux et Lyon avant la fin de l’année.

Un centre de contrôle piloté par des polyvalents

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