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Alain Moustard : « Préservons une informatique française avant qu’il ne soit trop tard »

Par La rédaction, publié le 07 octobre 2009

Le DSI de Bouygues Telecom s’interroge sur la pertinence du modèle offshore. Pour cet expert de l’univers IT, il faut avant tout chercher à rapprocher les spécialistes en technologies de l’information des métiers.

Cela serait essentiellement lié aux différences linguistiques et culturelles, vécues chez nous comme des obstacles sérieux. Cependant, d’autres arguments, sans doute plus valables, devraient utilement nourrir la réflexion de nos entreprises : et si la clé de la réduction des coûts résidait au contraire dans une proximité renforcée entre les experts IT et les métiers de l’entreprise ?

Conserver la proximité IT-métiers

Dans l’objectif de maîtriser leurs dépenses, les entreprises qui pratiquent l’externalisation en offshore jouent sur une unique variable, le coût de la main-d’œuvre. Ce faisant, elles oublient de mener une réflexion infiniment plus structurante : un contrôle durable ne passe-t-il pas avant tout par davantage d’agilité, de réactivité, de maîtrise de l’architecture du système d’information (SI), et des processus cœur de métier ?

Le déploiement de méthodes agiles, rendu possible par la proximité des métiers, constitue une source d’économie et d’efficacité avérée. Elles évitent les effets tunnel, propices aux dépenses non contrôlées, en favorisant les échanges directs entre utilisateurs et informaticiens. Elles autorisent par exemple la mise en place de prototypes ou de maquettes, qui aident à découvrir en amont les problèmes de conception, et autorisent leur correction à moindre coût. Elles évitent même, parfois, la rédaction d’un cahier des charges souvent complexe, lorsqu’elle intervient dans le cadre de développements d’activités nouvelles ou peu industrielles.

Ces méthodes agiles sont également propices à l’internalisation de compétences dans des domaines critiques. Ce que l’on gagne d’un côté par un TJM (taux journalier moyen) indien plus compétitif, peut rapidement être perdu si l’on considère les charges liées aux surcoûts intermédiaires nécessaires au pilotage de tels projets.

Privilégier les méthodes agiles et réduire les coûts

L’existence d’un savoir-faire technique en interne limite ces intermédiaires et contribue à optimiser les dépenses globales. On conserve en outre la maîtrise des applications, de l’architecture du SI et des budgets. Les objectifs annoncés par les tenants de l’externalisation laissent aussi entrevoir des réductions de coûts de 30 à 50 % sur une période de trois à cinq ans.

Ces objectifs de performance sont réalisables si l’on tient compte d’autres pratiques, telles que les méthodes agiles, les plateaux projet et l’internalisation de compétences, qui aident à mieux maîtriser les chaînes de valeur et à sortir plus rapidement de la crise.

Garder la maîtrise du système d’information

Mais nous devons aussi nous poser la question à plus long terme. La généralisation de l’offshore ne risque-t-elle pas d’affaiblir, voire de faire disparaître une partie de la profession des informaticiens en France ? Et donc de générer d’autres problèmes plus dommageables : impacts sociaux, perte de la connaissance et de la maîtrise du SI de son entreprise, dépendance d’acteurs étrangers pour la maîtrise applicative, etc. ?

Face au développement de l’offshore, laissons de la place et des emplois à nos ingénieurs informaticiens français. Croire que l’on peut construire une architecture SI agile, choisir un progiciel du marché et piloter de gros contrats fournisseurs sans maîtriser un minimum les métiers de base de l’informatique, est à mon sens erroné.

Ne plus vouloir faire du développement ou de la production par soi-même nous condamne pour le futur. La recherche d’une politique d’équilibre in-off doit nous motiver, car quand nous n’aurons plus d’experts IT en France, il sera trop tard pour réagir. Mais je n’ose imaginer que cela soit possible !

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