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Ces Français qui résistent au bulldozer Amazon

Par La rédaction, publié le 03 mai 2013

Le site créé par Jeff Bezos devrait représenter un quart de l’e-commerce mondial à l’horizon 2026. Nul ne semble pouvoir freiner son expansion. Pourtant, quelques enseignes françaises lui tiennent la dragée haute. Voici leurs méthodes.

C’est bientôt l’anniversaire de votre femme et vous partez en quête du cadeau qui fait mouche ? Imaginons que le dernier sac maxi de chez Vanessa Bruno lui ait tapé dans l’œil. Une recherche sur Google montre que le précieux objet est en vente chez Elle Passions, Galeries Lafayette, Brandalley ou encore Placedestendances.com. Il est même disponible d’occasion chez Priceminister. Mais quid d’Amazon ?

L’Américain le propose bien, lui aussi, mais n’arrive qu’en bas de la deuxième page de résultats. Eh oui : le leader mondial du commerce électronique n’est pas le meilleur partout. Il n’en reste pas moins un concurrent redoutable et redouté. Avec 48 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2012 et 152 millions de clients, le monstre créé par Jeff Bezos en 1994 fait figure de rouleau compresseur de l’e-commerce. Mais plusieurs cybermarchands français s’organisent pour lui tenir la dragée haute. Concurrence frontale, niche ou services en plus… Nous avons passé en revue les stratégies qu’ils ont adoptées.

En six mois, le Français a déjà reçu 300 vendeurs sur ses pages “ C le marché ”. Son offre de produits a bondi de 100 000 à 400 000 références et, fin décembre, “ C le marché ” réalisait 10 % de l’activité du site. Cette stratégie agressive permet à Cdiscount de tirer son épingle du jeu. Son chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros en 2011 a grossi de 16 % en 2012. De l’aveu même de Jean-Charles Naouri, le PDG du groupe Casino, le site n’est que faiblement rentable. Néanmoins, il gagne de l’argent.

La PME est présente sur Amazon, mais aussi sur Fnac, Rueducommerce, Pixmania, Priceminister et La Redoute. “ Nous sommes pragmatiques et nous adaptons à la façon de consommer de nos clients ”, explique Rocco Romano, le gérant. Même certaines grandes enseignes y viennent. Monoprix a créé la surprise, en janvier dernier, lorsqu’il a ouvert sur Amazon une boutique de mode proposant un millier de produits différents. “ Nous avons été parmi les premiers à disposer d’un espace consacré à notre seule marque ”, explique Patrick Oualid, directeur du e-commerce de Monoprix. S’il se refuse à communiquer les chiffres de ses ventes, il confesse des montants “ déjà significatifs ”.

“ Amazon vend de tout. Or dans la mode, le merchandising, l’accompagnement et le conseil sont essentiels. C’est pourquoi des sites experts de cet univers nous conviennent mieux ”, explique Julie Bigot, la directrice marketing et communication de Naf Naf. L’Allemand Zalando, tout comme le Français Brandalley, cultivent ainsi leur positionnement bien identifié avec succès. Zalando, fondé en 2008, a engrangé 510 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011, un montant qu’il devrait avoir doublé en 2012. Les ventes de Brandalley, elles, ont atteint 110 millions d’euros en 2011. Le site, auquel 350 marques de mode font appel, vise une croissance de 20 % par an.

Son rival Showroomprivé a, lui, connu 60 % de croissance en 2012 avec des revenus de 250 millions d’euros. La grande force de ces sites ? Brader sans écorner l’image des marques qui leur confient leurs stocks, grâce à un art consommé de la mise en scène de chaque vente. Un savoir­faire qui ne s’improvise pas. “ Notre modèle de pure player semble parti pour exister longtemps. Amazon peine à combiner notre métier avec le sien ”, estime Thierry Petit, PDG et fondateur de Showroomprivé. Les choses pourraient cependant changer plus vite qu’attendu. En 2010, Amazon a racheté le numéro 1 espagnol de la spécialité, BuyVIP (7,5 millions de membres). Mais ne s’est pas encore décidé à lui faire franchir les Pyrénées…

Le site de vente de meubles Miliboo, qui a levé 2 millions d’euros pour accélérer son développement, en a fait l’acquisition. Sa stratégie de différenciation ? Elargir son catalogue de produits. “ En neuf mois, nous avons multiplié notre offre par cinq. On ne propose plus cinq tables basses, mais 45 ”, explique Landri Ribeiro, directeur du marketing Web de Miliboo. Afin de maintenir un taux de transformation élevé, le choix devait rester simple pour les clients, d’où le recours à Netwave. Un investissement avisé. Le taux de conversion sur Miliboo a progressé de 14 % depuis novembre 2012, un record quand les grands sites se battent pour quelques dixièmes de point. Grâce à sa technologie miracle, le spécialiste du meuble a presque doublé son chiffre d’affaires l’an dernier.

Altarea Cogedim (bâtisseur de centres commerciaux) veut aller au bout de cette logique. Il a racheté Rueducommerce pour créer un nouveau type de galeries commerciales multicanales. La Foncière propose actuellement aux enseignes locataires dans ses centres commerciaux de connecter leur site Internet à celui de Rueducommerce. Pour chaque achat, ce dernier perçoit une commission, pouvant varier de 6 à 12 %.

Plus d’une trentaine d’enseignes ? plutôt du prêt­à­porter de milieu de gamme ? ont déjà signé pour cette formule. “ Amazon n’a pas un contact comparable avec les marques­enseignes présentes dans l’Hexagone. Elles le regardent comme un acteur puissant, mais potentiellement dangereux pour elles ”, estime Alexandre de Lamarzelle, directeur général de Rueducommerce. A terme, les clients récupéreront leurs achats en ligne dans les centres commerciaux. Une tentative originale de combiner le meilleur des deux mondes, ce qu’Amazon n’est pas près de réaliser.

[VIDEO] Visite du centre logistique d’Amazon de Saran (Loiret)

Avec près de 15 000 visiteurs par mois, Amazon reste le leader incontesté du e-commerce français. Il profite du boom continu du commerce électronique. Au troisième trimestre 2012, près de 29 millions d’internautes ont consulté au moins un des sites du top 15 des cybermarchands établi par la Fédération des entreprises de vente à distance (Fevad). Les nouveaux acheteurs en ligne sont surtout les seniors (65 ans et plus). Et les femmes consomment désormais autant sur le Web que les hommes.

La France a-t-elle raison de soutenir le cybermarchand américain ?

S’il est un sujet qui fait bondir les cybermarchands hexagonaux, c’est bien celui des aides que reçoit de l’Etat français le géant américain. Amazon a ainsi touché 1,125 million d’euros de subventions pour son entrepôt de Saône-et-Loire. Arnaud Montebourg (photo), le ministre du Redressement productif, s’est rendu sur place pour annoncer la création de 1 000 postes dans le futur quatrième entrepôt français d’Amazon. “ Ils vont bénéficier d’aides de l’Etat alors qu’ils ne sont ni sur la même TVA ni sur la même fiscalité, s’écrie un concurrent outré. Comment peut-on faire ça ? C’est scandaleux ! ”

Amazon est en effet domicilié au Luxembourg pour échapper à la TVA française et se livre à des montages complexes pour minimiser ses impôts sur notre territoire. Pour 1,63 milliard d’euros de chiffre d’affaires réalisé en France (estimation Euromonitor), il n’en déclarerait que 110 millions au fisc… et seulement 5 millions de bénéfices. Des montages qui flirtent avec les limites de la loi : en dépit de ses protestations, Amazon devra s’acquitter d’un redressement fiscal de 200 millions.

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