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IBM condamné dans un contentieux qui l’opposait à la Maif

Par La rédaction, publié le 09 mars 2010

Le constructeur devra verser 11 millions d’euros à la mutuelle, en réparation de l’échec de la mise en place d’un projet de CRM. Le TGI de Niort a donné raison à la Maif qui reprochait à IBM d’avoir sciemment sous-estimé les délais et le coût du projet pour décrocher le marché. Le constructeur a fait appel de la décision.

Le tribunal de grande instance de Niort a tranché en faveur de la Maif dans le contentieux qui l’opposait au géant de l’informatique IBM. Révélée par un journaliste de La Nouvelle République, la décision de justice datée du 14 décembre dernier est sans concession pour IBM.
Le litige portait sur un projet de mise en place d’un système de gestion de la relation avec les sociétaires, basé sur le progiciel Siebel, et mené entre 2004 et 2006 par IBM. Le tribunal a donné raison à la mutuelle qui reprochait, en premier chef, au constructeur de l’avoir délibérément trompé sur les délais et la faisabilité technique du projet, dans les conditions contractuelles définies, afin de décrocher le marché. Un camouflet pour le constructeur qui se voit condamner à verser 11 millions d’euros en guise de préjudice, alors qu’il réclamait lui-même des dommages et intérêts.

Rappel des faits. La Maif lance un appel d’offres en 2004 pour refondre son système de gestion de la relation client. IBM est retenu. Fin mai, l’assureur commande une étude préparatoire afin de parfaire l’analyse de la solution cible. A la suite de cette prestation, les deux parties signent un contrat d’intégration, le 14 décembre 2004, pour un prix forfaitaire et définitif de 7,3 millions d’euros environ.

Un dérapage rapide du projet

Très vite le projet dérape. Dès le mois de février 2005, l’assureur ressent un certain ralentissement. En septembre 2005, il accuse déjà six mois de retard sur le calendrier. La Maif demande alors, par voie de recommandé, un dédommagement à IBM. Les deux parties s’accordent, comme cela se pratique généralement dans ce genre de litige, sur un règlement à l’amiable.
Ce dernier prévoit un report du pilote initialement prévu pour avril 2006 à début 2007, et une majoration de 3,5 millions d’euros du coût du chantier, sans modification du périmètre initial du projet.
La signature de cet amendement au contrat est prévue pour le 15 novembre 2005 sur présentation par IBM d’une analyse détaillée, assurant une meilleure visibilité du projet. Mais la veille de la signature, IBM constate, suite à cette étude d’impact, que le projet n’est pas « techniquement réalisable dans les conditions initialement envisagées ».

Malgré un nouveau protocole d’accord, le climat s’envenime

Un nouveau protocole d’accord est signé le 22 décembre 2005. Ensuite les discussions s’enveniment, la Maif pointant le manque de visibilité du scénario alternatif proposé par IBM. En juin, l’assureur finit par décliner l’offre de 15 millions d’euros proposée par IBM, la jugeant exorbitante au regard du forfait initial (7,3 millions d’euros). Quelques mois après débute le marathon judiciaire.

Au final, le tribunal de grande instance de Niort a statué sur la validité du contrat d’intégration initial du 14 décembre 2004. Il a estimé que le constructeur a présenté à la Maif, en dépit de l’étude préparatoire, un projet affecté d’une « lacune majeure » en violation « aux normes et règles de l’art ». En s’engageant sur un planning et un prix forfaitaire arrêtés avant le stade de la prise en compte des conceptions détaillées, il a estimé que le constructeur avait pris un « risque fort » pour obtenir le marché.

IBM reconnu coupable d’avoir sciemment trompé la Maif

Le tribunal reproche au constructeur d’avoir gardé le silence sur le risque encouru en termes de dérapage du prix et du calendrier. Pour conclure finalement à l’annulation du contrat d’intégration pour cause de dol (soit, en droit français, une manœuvre d’un cocontractant dans le but de tromper son partenaire). Une décision rare dans le domaine des services informatiques (voir encadré).
Ce type de dérapage de projet d’intégration est courant. Mais les litiges entre client et prestataire se règlent plus rarement en justice. Le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Niort est en tout cas un signal fort à l’intention des SSII prêtes à tout pour décrocher des contrats.

« Une décision extrêmement rare »

Christiane Féral-Schuhl, avocate associée du cabinet Féral-Schuhl Sainte-Marie, spécialisé en droit des technologies de l’information :

Il est difficile de s’engager sur un prix ferme et forfaitaire dans un projet d’intégration, ne serait-ce qu’en raison de nouvelles demandes d’évolution de la part du client. Ce genre de litige arrive donc couramment si le contrat n’a pas bien anticipé les conditions dans lesquelles le périmètre va pouvoir évoluer, ou encore les éventuels ajustements réclamés par le client. Ces conflits se règlent plus souvent par des accords amiables que devant les tribunaux. Une annulation de contrat est en revanche assez rare. Le juge a estimé ici qu’IBM avait fait des promesses qu’il savait ne pas pouvoir tenir pour remporter le marché. A ma connaissance, rares sont les décisions qui prononcent la résolution d’un contrat pour « manœuvre dolosive »,  comme dans le cas présent. Tel que l’on peut comprendre le jugement, il s’agit d’un vice de consentement lié à une promesse abusive de la part du prestataire. C’est effectivement un signal fort donné par le tribunal de grande instance de Niort envers certaines pratiques des prestataires. La décision est d’autant plus sévère que l’exécution provisoire a été ordonnée, c’est-à-dire le versement immédiat des sommes demandées, alors que l’appel de cette décision est prévisible.

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