

Gouvernance
Vivatech : notre avenir dépend-il vraiment de la technique ?
Par La rédaction, publié le 09 juillet 2025
Ceux qui feront la France de demain ne seront pas seulement des inventeurs, mais des « faiseurs ». Et cela commence par reconnaître la gestion de projet comme compétence stratégique nationale pour naviguer dans les transformations qui s’annoncent.
Par Keren Deront, Head of Markets – Europe, Project Management Institute
Dans l’imaginaire collectif, le progrès a longtemps eu le visage de l’ingénieur. En France plus qu’ailleurs, nous avons élevé l’innovation technique au rang de salut républicain. Mais au fil des éditions de Vivatech, un autre profil s’impose dans les coulisses de la transformation : celui du chef de projet, véritable architecte du changement. À l’heure où l’intelligence artificielle et la robotique redéfinissent nos sociétés, la gestion de projet ne se limite plus à l’exécution – elle devient la compétence clé qui transforme les possibilités technologiques en réalités concrètes.
Les transformations de demain exigent des compétences en orchestration
Face aux mutations accélérées de notre économie, l’étude “Talent Gap” du Project Management Institute révèle un besoin criant : d’ici 2035, les entreprises devront pourvoir près de 30 millions de postes en gestion de projet dans le monde, dont 3 millions en Europe. Sans ces compétences, le PIB mondial pourrait s’effondrer de 285 milliards d’euros. Car dans les secteurs les plus critiques, les enjeux ne résident plus uniquement dans la capacité à innover, mais dans celle à orchestrer efficacement cette innovation.
Prenons le cas du plan France 2030. Il est structuré autour d’une approche projet, coordonnée par des équipes interministérielles. Car face à la complexité des transitions en cours, l’approche en silos n’est plus tenable. Pour transformer les ambitions en résultats, il faut des femmes et des hommes capables de faire dialoguer ingénieurs, juristes, data scientists, experts RSE et décideurs.
Cette logique n’est pas propre à la France. L’Inde et la Chine ont déjà fait de la gestion de projet une priorité nationale, afin de piloter de grands programmes industriels. C’est un enjeu de souveraineté et de compétitivité. Car sans chefs de projets, les idées restent des PowerPoint.
Le défi : préparer les talents à piloter le changement
C’est là que le bât blesse. La plupart des formations initiales, y compris dans les filières d’excellence, continuent de marginaliser la gestion de projet. Selon la Conférence des Grandes Écoles, 80 % des jeunes diplômés travaillent en mode projet dès leur premier emploi, alors qu’à peine 30 % ont reçu une formation adéquate. C’est un paradoxe français : on envoie nos talents sur des terrains stratégiques sans les équiper des bons outils.
Outre-Rhin, le constat est tout autre. Le project-based learning est intégré dès l’université. On y apprend à collaborer, à planifier, à arbitrer. Le résultat ? Une culture projet qui irrigue l’ensemble de l’économie et renforce sa résilience face aux transformations.
Il est urgent de bâtir un plan national pour intégrer la gestion de projet dans les parcours éducatifs français. Ce n’est pas qu’une question de méthodes, c’est une question de compétences stratégiques : le “Triangle des talents”, conceptualisé par PMI, montre que le chef de projet performant d’aujourd’hui maîtrise trois dimensions complémentaires : les modes de travail, les “power skills” (leadership, communication, résolution de problèmes) et le sens des affaires qui permet d’aligner projets et stratégie globale.
Des compétences pour piloter l’incertitude des transformations
Il faut désormais accepter une vérité troublante : nous ne savons plus définir précisément ce que seront les métiers dans cinq ans. L’IA générative bouleverse les contours du travail intellectuel. La robotique redéfinit les gestes. Le no-code démocratise la création logicielle. Face à ces accélérations, les organisations tâtonnent.
Dans ce brouillard, le chef de projet devient pilote de l’incertitude. Il planifie sans figer. Il structure sans bloquer l’innovation. Il sait que l’objectif peut évoluer, mais que les principes comme la transparence, l’agilité et le consensus, doivent rester solides. C’est précisément cette capacité d’adaptation structurée qui sera déterminante pour traverser les transformations de demain.
Certaines entreprises françaises l’ont bien compris. Back Market, en structurant ses équipes projets en mode agile, a su accompagner une hypercroissance maîtrisée. Decathlon mise sur des product owners formés à la gestion de projet pour garantir l’impact de ses innovations durables. Chez Airbus, les programmes IA sont pilotés par des structures projets transverses mêlant experts techniques, juristes et spécialistes RSE. Partout, c’est la capacité à orchestrer le changement qui fait la différence.
Investir dans les compétences de gestion de projet, c’est préparer l’avenir
Alors, notre avenir dépend-il de la technique ? Aussi brillante soit-elle, la technique ne garantit ni l’impact, ni l’éthique, ni la durabilité. Dans un monde où l’incertitude devient la norme, la gestion de projet est la discipline qui transforme le potentiel technologique en valeur tangible.
Les professionnels certifiés en gestion de projet l’ont d’ailleurs bien compris : ils bénéficient en moyenne d’un salaire 18% supérieur à leurs pairs, signe que le marché valorise cette compétence cruciale. Car la gestion de projet n’est plus une simple méthodologie d’exécution, c’est une compétence stratégique pour naviguer dans les transformations, articuler les savoirs, structurer les transitions et créer les conditions de la réussite collective.
Alors non, notre avenir ne dépend pas seulement de la technique. Il dépend de notre capacité à former des femmes et des hommes capables de la transformer en réalité partagée. Et cette capacité porte un nom : la gestion de projet.
À LIRE AUSSI :

À LIRE AUSSI :

À LIRE AUSSI :
