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Le big data à l’épreuve des nouveaux comportements des internautes

Par La rédaction, publié le 28 août 2013

Conscients des dérives du big data, un nombre croissant d’internautes tentent de contrer l’exploitation commerciale de leurs données personnelles. Une nouvelle donne dont doivent tenir compte les Google, Facebook et autres Twitter.

On ne présente plus le concept de big data. Une étude de Gartner a fait récemment beaucoup de bruit, alimentant généreusement le buzz autour de la notion de big data. Censée être une sorte de nouvel eldorado l’exploitation des données pourrait, selon le cabinet d’études, générer plusieurs millions de création d’emploi dans le monde.

Il est indéniable que cette mode du big data constitue l’un des phénomènes les plus intéressants de l’ère numérique que nous vivons. Des entreprises aux cabinets d’études, des pouvoirs publics aux services de renseignements, des fournisseurs aux stockeurs et exploitants de cette fameuse data, tout le monde est aujourd’hui concerné d’une façon ou d’une autre, à commencer par tous les utilisateurs des réseaux pris au sens large.

La science, la finance, la santé (avec des analyses prédictives basées par exemple sur les requêtes dans les moteurs de recherche), les télécommunications sont autant de champs d’application, de territoires potentiels ou la donnée pourrait être extraite, analysée avec comme but ultime sa monétisation.

Le volume (nécessitant des capacités de stockage et de traitement encore inconnues il y a quelques années), la variété (les données sont aujourd’hui hétérogènes, partielles, multilangues, multiformat) et la vitesse (Twitter génère 7 téraoctets de données chaque jour) sont les trois grands défis qui se posent aujourd’hui.

Ce phénomène est d’abord social et culturel. Il est lié au fait qu’Internet devient peu à peu la matrice de notre existence, ou pour reprendre une formule courante aujourd’hui,  le « centre nerveux » de nos sociétés post-modernes. La connectivité et l’utilisation des réseaux touchent ainsi aujourd’hui à tous les domaines de la vie sociale : nous consommons de l’information, des loisirs, nous posons des questions sur des marques et des services, nous achetons toutes sortes de produits, recherchons commentons des biens de consommation de plus en plus variés… Autant de data que nous semons tous (ou presque) chaque seconde, sans forcément en avoir conscience.

Internet intervient à chaque étape de notre existence. Internet n’est plus seulement un nouveau marché à conquérir, un terrain de conquête, il est en train de devenir LE marché, embrassant chaque recoin de notre existence. Or cette data devient une métamonnaie au sein de ce marché, permettant de donner de la valeur à des comportements et à des usages en évolution constante.

La notion de « privacy », une épée de Damoclès pour les géants du web

Pour autant, n’oublions pas que cette data nous est fournie par les utilisateurs, par nous, par chacun et ce de façon plus ou moins consciente. Or, les utilisateurs se montrent de plus en plus aguerris, de moins en moins naïfs, et conscients que ses traces numériques sont aujourd’hui potentiellement récupérées, traitées et exploitées par des tiers.

En effet, après une phase initiale de découverte et d’apprentissage, tout le monde commence à comprendre que chaque publication, achat, interaction… sur un réseau (social, mobile…) peut être exploitée. Il est à ce titre fascinant d’observer des phénomènes de « résistance » plus ou moins aboutis et conscientisés.

On sait par exemple que la notion de privacy développée aux Etats-Unis est comme une épée de Damoclès au-dessus des stars du Web comme Facebook, Linkedin ou Twitter. Cette question du respect et de la non-exploitation/diffusion des données personnelles est devenue un sujet sociétal, institutionnel (portée par la Cnil par exemple en France) et politique très prégnant. Les effets psychologiques du scandale récent des écoutes de la NSA n’y est sans doute pas complétement étranger mais il s’agit aussi d’une tendance de fond.

Un autre phénomène de « résistance passive » est celui du web-éphèmère. Analysé par la sociologue Sarah Perez qui parle de « la croissance de l’Ephémique » (créant le mot-valise mixant éphémère et numérique). Ce mot décrit simplement le fait d’utiliser des plates-formes et des réseaux de publications sociales qui détruisent quasi systématiquement les données partagées.

Snapchat est devenu en quelques mois le porte-étendard de ce phénomène en réalité aussi vieux que le web lui-même. On trouve en effet depuis les premiers groupes de discussion la volonté de dissimuler ses données personnelles et son identité « réelle » notamment sous la forme du « pseudonymat ».

Faisant le constat que « The Web is not a static thing. It grows and shifts to reflect the society it serves. » Sarah Perez démontre qu’un mouvement de rébellion amène bon nombre d’utilisateurs (pour la plupart très jeunes) à choisir des réseaux ne permettant aucun stockage et, a priori, aucune exploitation des informations partagées.

Dans la même optique, une étude récente du Pew Institute expliquait que près d’un adolescent américain sur deux évite maintenant d’utiliser les fonctionnalités de géolocalisation sur les app mobiles.

On voit donc que si le marché du big data se développe et va devenir le « nerf de la guerre », par exemple, dans le marketing ou le secteur de la communication, il devra aussi faire face à une adaptation constante des usages. La bataille de la donnée ne fait que commencer. A nos sociétés de rester vigilantes et de créer les garde-fous indispensables.

 

 

 

Dimitri Granger

 

 

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