Data / IA
Orange valide ses contenus marketing grâce à l’IA générative
Par Thierry Lévy-Abégnoli, publié le 11 décembre 2025
L’opérateur avait besoin d’une solution pour automatiser la validation des contenus marketing produits massivement par ses collaborateurs. L’offre étant jugée embryonnaire, Orange a codéveloppé Brand Checker avec la jeune société Off-Works, une réponse maison ayant vocation à être commercialisée. Avec des résultats déjà probants.
Orange produit quotidiennement de nombreux contenus marketing – textes, images, vidéos – potentiellement diffusés sur ses canaux internes ou externes et par toutes ses filiales. Leur volume est d’autant plus important que l’opérateur a déployé un outil utilisant différents LLM afin de permettre aux employés de générer ces contenus.
En 2023, la direction a lancé une réflexion afin d’instaurer des règles visant à faire respecter la charte de la marque ainsi que les différentes règlementations. « Nous nous sommes alors interrogés quant aux outils à mettre en œuvre pour faire comprendre l’importance de ces règles », explique Anne Imbert, directrice de la publicité et de la marque Orange. L’idée était d’automatiser la validation (ou pas) des contenus produits afin de soulager le comité chargé de cette tâche. Le cas échéant, l’outil devait également expliquer avec pédagogie les raisons pour lesquelles telle ou telle proposition n’était pas validée.
Lorsque la réflexion commence fin 2023, il apparaît qu’un tel outil n’existe pas sur le marché. Orange est alors sollicité par la jeune société Off-Works qui l’accompagnait déjà autour de projets de gestion de la marque et d’accompagnement au changement lié aux usages de l’IA. Le constat est sans appel. « Certains outils du marché intégraient un workflow de validation, comparaient deux versions d’un contenu ou encore, vérifiaient la conformité de façon très basique, comme le contrôle de la couleur du logo », se souvient Marine Liboz, fondatrice d’Off- Works.
Les deux partenaires décident de développer ensemble un outil bien plus ambitieux qui sera baptisé Le Brand Checker. Le cahier des charges impose un usage extrêmement simple car dédié aux experts comme aux non-experts. Il faut simplifier les dépôts de contenus pour obtenir une validation ou un refus accompagné d’un rapport complet. Le Brand Checker doit également prendre en compte les spécificités du canal, de l’usage ou du pays. Enfin, il faut que l’outil soit parfaitement intégré dans l’écosystème d’Orange.

Pour faire agréer un contenu marketing, il suffit aux collaborateurs d’Orange de le déposer dans l’outil Brand Checker pour obtenir une validation ou un refus accompagné d’un rapport explicatif complet.
Co-construction d’une solution SaaS
Une architecture est rapidement adoptée : les contenus à valider seront soumis à différents LLM du marché – en l’occurrence ChatGPT, Claude et Gemini – dont la pertinence des réponses, la réactivité et le coût seront comparés.
Puis le rapport sera généré par le meilleur des trois, qui peut varier selon le type de contenu ou l’usage. Par exemple, tel LLM sera plus performant pour tester la typographie, tandis que tel autre détectera mieux la conformité d’un logo. Mais évidemment, en amont, les règles et la charte graphique auront fait l’objet d’un apprentissage.
Dans la mesure où il était difficile de faire du deep learning sur des LLM externes, le choix se porte sur un apprentissage par prompt. « Nous avons réalisé pendant environ trois mois un énorme travail sur la marque afin d’identifier et classer les guidelines, ainsi que les cas d’usage existants et jugés clairs, puis nous les avons promptés », précise Marc Pichoir, directeur de projet opérationnel d’Off-Works. Réalisé pour une durée assez longue car les guidelines évoluent peu, ce travail de prompt engineering a été particulièrement soigné. « Il fallait absolument éviter les grosses erreurs car l’outil aurait été rejeté », justifie Marine Liboz.
Anne Imbert
Directrice de la publicité et de la marque Orange
« Au-delà d’une simple validation, nous voulions un outil à vocation pédagogique qui explique clairement les refus ou les peut-être. »
Des causes de refus expliquées en détails
L’utilisation de l’outil est des plus simples. Il suffit de déposer un contenu en précisant l’usage envisagé, comme la diffusion sur les réseaux sociaux ou l’impression. Le Brand Checker génère ensuite en quelques secondes un rapport, selon plus de 100 critères qui concernent le taux de conformité avec les guidelines, la cohérence du ton, ou encore le respect de la charte graphique et des règles juridiques. Il est utilisé aussi bien par les équipes internes d’Orange que par les prestataires externes et permet d’industrialiser les validations tout en garantissant la cohérence de la marque à l’échelle internationale.
L’outil met notamment en évidence les points sur lesquels il a un doute, et en cas d’invalidation, il en explique clairement les causes – couleurs, mise en page ou façon dont une photo a été prise. La cause invoquée peut être plus complexe, comme la non-conformité d’une photo par rapport à l’usage responsable des écrans par les enfants. Les rapports ne sont pas seulement indicatifs. « Si le Brand Checker émet un oui catégorique, la validation peut être directe, sans remontée vers un expert », explique Anne Imbert.
Le Brand Checker a en outre été intégré à l’écosystème d’Orange. Il est ainsi connecté au DAM (Digital Asset Management) de l’opérateur, au Brand Site (centralisation des guidelines, assets et règles d’usage) et au Content Factory AI (industrialisation de la production grâce à l’IA générative). Cela permet par exemple, potentiellement, de contrôler directement des contenus existants ou générés par IA. « Un outil tiers comme celui d’Adobe n’aurait pas pu être aussi intégré », estime Anne Imbert.
Une commercialisation en mode SaaS
Dès le début du projet, il était prévu que le Brand Checker pourrait être commercialisé en mode open source au-delà d’Orange. Il a ainsi pris la forme d’un outil SaaS dont Orange est le premier client. Pour l’opérateur, cela permet de mutualiser les efforts d’évolution et de maintenance. « Dans cette optique, nous sommes en train de dupliquer la plateforme et nous avons déjà des contacts avancés avec des prospects », affirme Marine Liboz.
Cet acteur bénéficiera alors de son expérience avec Orange. « L’effort de prompt engineering, réalisé pendant plus de trois mois par itérations, sera considérablement raccourci pour les autres clients. »
Vers l’intégration des éléments réglementaires
Off-Works fera en outre évoluer sa solution pour aller au-delà des critères de la marque. Il s’agirait par exemple de vérifier des éléments réglementaires comme les mentions « ne pas donner aux enfants » sur les emballages. Il s’agirait également de contrôler des critères factuels ou sujets à interprétation, comme la longueur des phrases ou l’absence de jargon.
De son côté, Orange reste en veille car, comme l’indique Anne Imbert, si « lorsque nous avons entamé la réflexion, nous devions absolument développer une solution car il n’existait rien de mature, nous restons à l’écoute car le marché évolue rapidement. »
Le projet en Chiffres
3 mois de prompt engineering
170 critères d’évaluation
10 000 sessions en phase de tests

L’entreprise Orange
Activité : Opérateur télécom
Effectif : 128 000 salariés
CA : 40,25 Md€
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