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Réussir sa stratégie low-code no-code dans la durée
Par Alain Clapaud, publié le 08 juin 2023
Plus que de simples solutions de développement low cost, le low-code/no-code (LCNC) représente une nouvelle étape dans la façon dont on va développer les applications dans le futur. Moins de technologie, plus d’IA : le développement ne sera plus limité aux ingénieurs et va s’ouvrir à tous… à la condition que la DSI parvienne à canaliser les initiatives des métiers.
C’est le phénomène du moment dans le secteur du logiciel. Le no-code et le low-code suscitent un énorme intérêt auprès des créateurs de start-up, mais aussi des entreprises de toute taille. La promesse de ces solutions est particulièrement ambitieuse : créer des applications plus rapidement – donc à moindre coût – et mieux, permettre à tout un chacun de réaliser les applications dont il a besoin, sans disposer pour autant des compétences d’un développeur professionnel. Une évolution perçue par beaucoup comme une bouée de sauvetage face aux coûts des développements, au manque chronique de développeurs, et au sempiternel surbooking de la DSI. Vive les développeurs citoyens (citizen developers) et l’autonomie des métiers !

En août 2021, le cabinet de conseil en stratégie Gartner intégrait douze acteurs dans son Magic Quadrant low-code(voir encadré). Le buzz autour de ces nouvelles approches est tel que tout éditeur de progiciel se doit désormais d’avoir une solution low-code, voire no-code, pour permettre aux utilisateurs de créer eux-mêmes leurs écrans, leurs workflows et leurs « micro-applications ». SAP est donc désormais aussi de la partie. Face aux perspectives de croissance de ce marché, les offres pullulent. AWS a dévoilé Application Composer, son propre outil de développement low-code. Et les éditeurs de plateformes RPA (Robotic Process Automation) sont en train de se positionner. Le clan no-code est lui aussi actif. Derrière les plus populaires que sont AirTable, Bubble, Notion, Flutterflow, Webflow, Make ou encore Zapier, de nouvelles plateformes arrivent régulièrement sur le marché. Si bien que les DSI ont forcément du mal à savoir sur quelle solution baser leur stratégie.
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Des stratégies d’adoption bien différentes
Les entreprises qui se sont tournées vers le LCNC l’ont fait avec des approches différentes. Julien Vacher, fondateur de Phydius, un collectif de développeurs no-code, souligne que ce sont les start-up qui furent les premières à s’intéresser au no-code : « Développer une application coûte très cher et il y a une pénurie de développeurs sur le marché. Les start-up se sont naturellement tournées vers le no-code afin de créer rapidement et à peu de frais le MVP de leur future application et ainsi convaincre les investisseurs d’aller plus loin. »
De nombreuses PME et des grands comptes se sont intéressés au low-code en tant qu’alternative au développement traditionnel, afin de casser les coûts de développement et de raccourcir drastiquement les délais pour obtenir leurs applications. Ainsi, pour développer la version 2 de son application mobile SludgeAdvanced de traçabilité des boues d’épuration, Suez est passée d’une approche classique au low-code sur OutSystems. Zenioo est sans doute l’exemple le plus extrême puisque ce nouvel entrant du secteur de l’assurance a bâti sa plateforme de A à Z sur la solution low-code d’OutSystems (voir encadré p.52). Avec une IT restreinte à deux personnes seulement et une équipe de huit personnes chez un prestataire, l’intégralité de la plateforme destinée aux courtiers d’assurance a été montée en quelques mois. Le service a été lancé en avril 2021 et traite aujourd’hui 125 000 requêtes de tarifs par jour.
Si les applications no-code ont pu remplacer des feuilles Excel et des traitements manuels dans de nombreux cas, on voit aussi de plus en plus de PME créer des applications extrêmement ambitieuses sur des plateformes low-code.

Ainsi, en 2019, l’Agence Nationale pour l’Habitat (ANAH) a choisi Pega pour déployer rapidement le service MaPrimeRenov avec un impératif gouvernemental de déployer ce nouveau service en moins de huit mois. La rapidité de construction du service n’était pas le seul critère. L’enjeu était également de pouvoir s’assurer d’une automatisation maximale du processus, avec un nombre de demandes acceptées multiplié par neuf après l’ouverture du service.
Cette apparente simplicité du développement peut aussi être un piège. Ophélie Gorizian, chef de projet Transformation Digitale chez Siparex, raconte son choix de la solution de l’éditeur Simplicité : « Il y a deux ans, nous cherchions une solution pour créer rapidement des workflows, car notre métier de fonds d’investissement est très processé, avec notamment des campagnes annuelles d’évaluation des process RH, etc. Nous nous sommes tournés vers Simplicité car la solution permet de créer très facilement des applications sur-mesure. Et cela de manière continue : nous pouvons modifier rapidement l’application en fonction des demandes des utilisateurs ; la maintenance est facile. » Après le succès de la première application, un second projet est lancé pour gérer cette fois l’onboarding des nouveaux collaborateurs. Mais il faudra quatre mois pour que la responsable se décide enfin à lancer l’application : « Nous ne savions pas où nous arrêter tant les idées se multipliaient. Nous avons enfin sorti une première version, puis effectué par la suite des modifications, sans souci. »
Échapper à l’usine à gaz et au « vendor lock-in »
Du fait de la simplicité apparente des outils et d’une promesse de coûts de développement plus faibles, certaines PME développent d’énormes applications sur-mesure extrêmement ambitieuses et implémentant de très nombreuses fonctionnalités. « Le vrai risque du no-code, c’est de voir les applications se transformer en usines à gaz, commente Julien Vacher. La simplicité du développement fait que les utilisateurs sont tentés d’ajouter de plus en plus de fonctionnalités à leur application de base. Celle-ci n’est pas pensée dans sa globalité dès le départ et devient de plus en plus complexe dans le temps. » Ces applications tentaculaires posent à la fois une problématique de maintenance, mais aussi de criticité et de dépendance de l’entreprise vis-à-vis de l’éditeur qui héberge la plateforme. « Ce sont des outils propriétaires, avec les avantages et inconvénients de l’approche. L’avantage pour la PME, c’est qu’elle se soustrait complètement aux problématiques de sécurité qui sont entièrement gérées par l’éditeur. Pour un grand groupe, une dépendance forte à un éditeur no-code peut poser question. » L’expert estime qu’un moyen d’échapper à ce « vendor lock-in » est de s’appuyer sur différents outils no-code, en fonction de la nature des applications. Il souligne surtout la nécessité de travailler sur les structures de données, afin de pouvoir ensuite les exporter et reconstruire l’application chez un autre fournisseur si l’éditeur venait à disparaître. La logique applicative ne sera, elle, pas réutilisable : les plateformes LCNC n’affichent aucune compatibilité entre elles, et il y a peu de chances que ce soit un jour le cas.
Le low code / no code pour traiter la dette technique
Si le low-code est particulièrement intéressant pour développer de nouvelles applications, pour résoudre les problèmes exprimés par les métiers, il peut aussi être utilisé par les DSI pour traiter l’obsolescence des applications. « L’un de nos clients, une PME, avait une application très lourde, complexe à faire évoluer et essentielle pour son fonctionnement, explique Jean-Michel Durocher, CEO de l’éditeur TimeTonic. L’obsolescence de cet applicatif rendait le travail des équipes extrêmement difficile au quotidien. Nous avons interfacé TimeTonic avec cet ERP et notre approche “data first” nous permet d’accéder à toutes les données fournisseurs, de facturation ou RH, pour créer de nouvelles applications sur cet existant. »

Nouvelle brique de la Power Platform de Microsoft, Managed Environments permet de gérer les multiples applications créées par l’écosystème des citizen developers de l’entreprise.
Pega, un éditeur bien connu dans la gestion des processus et de la relation client, s’est aujourd’hui fortement positionné sur le low-code, avec notamment un studio de développement ciblant les citizen developers. Romain Delalande, manager Solutions Consulting Industry & Services chez Pega, souligne : « Nous constatons depuis 2015 la progression des solutions low-code sur les applications cœur de l’entreprise, notamment dans le CRM et l’ERP. Des DSI choisissent Pega avec des objectifs de modernisation de leur système d’information et de réduction de la dette technique. Pega leur permet de construire des processus métiers, de définir un parcours utilisateur, puis de le porter sur différents canaux. Des DSI ont ainsi posé Pega par-dessus un vieil ERP ou un vieux CRM pour délivrer une expérience utilisateur moderne tout en captant les données dans l’ancien système. » Parmi ses grands clients français, l’éditeur compte Orange Business Services qui a choisi Pega il y a une dizaine d’années pour construire une application stratégique, la gestion de la préparation et de la livraison de ses commandes. « Ils ont ainsi amélioré l’automatisation des workflows et réduit de 50 % les retours arrière dans la supply chain. Six applications ont ainsi été consolidées en une seule », précise le manager.
Organiser des communautés de citizen developers
Comme le souligne Jean-Michel Durocher de TimeTonic, il existe de multiples voies d’adoption du low-code, y compris dans un même groupe : « Nous sommes dans une quinzaine de divisions chez Engie. Dans certaines, nous avons tout développé pour eux. Dans d’autres, ils se sont appuyés sur un partenaire. Dans d’autres encore, ce sont les équipes elles-mêmes qui ont travaillé sur l’outil. Ce qui leur manque aujourd’hui, c’est une centralisation et une diffusion encore plus large de la disponibilité de l’outil au sein de la structure. »
De nombreuses grandes entreprises ont lancé une démarche visant à faciliter l’adoption de ces outils par ceux de leurs utilisateurs métiers qui ont l’appétence de devenir citizen developers. Néanmoins, donner accès à un outil spécialisé ou à la Power Platform de Microsoft, dans le cadre des abonnements Microsoft 365, ne suffit pas pour garantir l’adoption de l’outil par des utilisateurs métiers déjà mobilisés sur leurs tâches quotidiennes. Il faut réellement créer des communautés de pratiques, stimuler les utilisateurs les plus motivés. Une pratique commune est d’identifier les utilisateurs les plus enthousiastes et d’en faire les « héros internes », les référents qui iront prêcher la bonne parole dans leurs business units. « Nous conseillons d’avoir des référents internes, ajoute Jean-Michel Durocher. À partir du moment où l’on devient autonome sur la solution, confier l’outil à un stagiaire ou un prestataire temporaire n’est clairement pas une bonne stratégie. Il faut confier une maîtrise complète du projet à un éditeur intégrateur ou à un partenaire qui sera chargé de la maintenance des applications développées, voire de former des gens en interne afin de capitaliser sur la valeur d’outils qui évoluent encore très rapidement. »
Pour stimuler la création d’une communauté de citizen developers, Danone a ainsi lancé un hackathon s’appuyant sur les solutions data et LCNC de Google et de Microsoft. Une initiative gagnante, considère Virginie Infanti, directrice de l’entité Business Applications de Microsoft : « Il y a plusieurs façons d’aborder le no-code. Cela peut être une stratégie d’entreprise qui part du service informatique afin de pousser l’innovation auprès des métiers qui connaissent mieux leurs propres problématiques. Cela peut aussi venir directement des métiers, avec des experts qui veulent résoudre leurs problèmes du quotidien de manière plus rapide et agile. » La responsable évoque le cas d’Ikea, où un collaborateur travaillant en magasin a développé lui-même une application pour mieux gérer ses stocks et ses commandes. Ce « champion » du low-code a finalement rejoint les équipes IT.
Une solide gouvernance des usages du low code s’impose
Tous les experts s’accordent sur l’importance du rôle de la DSI dans la bonne adoption du LCNC dans l’entreprise. À la fois pour stimuler et assister la communauté des citizen developers, mais aussi pour accompagner les usages et éviter une explosion cambrienne des applications « maisons » impossibles à maintenir.
La mise en place d’une gouvernance du LCNC est un passage obligé pour une DSI qui doit cadrer ces nouvelles pratiques. Attention, toutefois, à ne pas se montrer trop dirigiste et restrictif quant à l’usage de l’outil. Un utilisateur peut toujours opter pour une solution web s’il juge les contraintes et process fixés par la DSI trop contraignants. L’approche la plus légère est de créer un formulaire et un petit workflow pour permettre à un utilisateur métier de déclarer l’application qu’il souhaite créer, et ainsi d’obtenir, après accord de la DSI, l’accès aux données qu’il requiert.

Pour Olivier Rafal, cofondateur de Wenvision, la première phase de la mise en place d’une gouvernance consiste à acculturer les utilisateurs, à leur présenter les outils mis à leur disposition et à expliquer les cas d’usage de ces outils. « La DSI peut proposer des modules de formation, susciter la création de communautés de pratiques, avec un Product Manager IT qui gère le déploiement de l’outil et assure un support auprès des utilisateurs métiers, en même temps qu’il “engage” des citizen developers. Son rôle n’est toutefois pas d’assister chacun d’entre eux. » Dans ce modèle, c’est la communauté de pratiques qui constitue le système d’entraide entre ces collaborateurs.
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Le consultant suggère de mettre en place une matrice d’aide à la décision : « Une dizaine de questions simples posées en amont vont permettre de décider si l’application peut être développée par le citizen developer, ou si elle doit générer une demande de projet auprès de la DSI. » Dans le doute, l’utilisateur métier peut défendre son projet auprès de son référent local et décrocher le « Go ». L’estimation dépend de la criticité de l’application dans l’activité de l’entreprise, des données manipulées ou encore du niveau de complexité du projet. Une application qui va potentiellement enfreindre le RGPD écopera d’un feu rouge, tandis que l’automatisation d’un calcul technique en remplacement d’une feuille Excel recevra certainement un feu vert. Certaines grandes entreprises ont affiné l’approche et mis en place une véritable équipe IT pour porter la communauté low-code. C’est le cas de Toyota Motor North America (TMNA), dont les employés ont déjà développé plus de 400 applications sur la Power Platform de Microsoft. Des milliers d’employés ont été formés. Lorsque l’un d’eux veut créer une application, il doit enregistrer son projet. Sa demande va suivre un worflow d’approbation passant par son manager, les architectes, le juridique ou encore la cybersécurité. S’il ne décroche pas l’accord, il pourra continuer à travailler sur son projet, mais ne pourra pas partager son application avec ses collègues. S’il décroche un « Go », l’application pourra être partagée dans l’entreprise et le centre d’excellence lui apportera un soutien technique. L’objectif de Toyota est que 80 % des applications soient développées par des citizen developers, éventuellement assistés par les informaticiens sur les projets complexes. Ensuite, l’utilisation réelle des applications est suivie en permanence par le centre d’excellence : celles qui sont oubliées de tous sont décommissionnées ; celles qui rencontrent du succès bénéficient d’un soutien plus important. « Le cadre de gouvernance doit être adapté à chaque entreprise, souligne Olivier Rafal. L’IT doit s’impliquer, comme c’est le cas chez Toyota, mais elle ne peut pas fournir un support à une telle application si elle n’est pas mise dans la boucle dès l’émergence de l’idée. »
Ce type d’industrialisation pointe le besoin d’outils de gestion du parc d’applications ainsi créées. Microsoft a apporté un élément de réponse, lors de la dernière conférence Ignite, avec l’annonce de Managed Environments pour sa Power Platform. Nul doute que tous les éditeurs vont devoir monter en puissance sur ce type d’outils qui accompagneront les entreprises dans le succès de leurs stratégies LCNC.

Préfacé par le fondateur de Bubble, l’ouvrage d’Alexis Kovalenko, Erwan Kezzar et Florian Reins est le livre référence du
no-code. Il est accessible tant aux informaticiens qu’aux chefs de projets web, aux créateurs de start-up ou aux patrons de PME qui chercheraient un autre son de cloche que celui de leur ESN habituelle. Ce livre est une véritable mine d’informations sur le no-code : sa philosophie, ses principaux acteurs, mais aussi sa place dans l’histoire de l’informatique. Les lecteurs à la recherche d’informations pratiques sur les capacités de ces outils, leurs principaux cas d’usage, et l’organisation à mettre en place pour faire fonctionner une stratégie « no-code ops » y trouveront leur compte.
Édition Eyrolles,
Parution décembre 2022, 337 pages, 34 €
« Nous avons réalisé en trois mois ce qu’April Assurance a créé en trois ans »
TÉMOIN – Hervé Larcher, CTO et directeur des projets stratégiques chez Zenioo

« Zenioo a été créée en 2020. Mon challenge était de construire la plateforme complète en quelques mois seulement. J’ai accepté le défi à la condition d’utiliser OutSystems, une solution sur laquelle j’avais mené plusieurs projets auparavant, en particulier avec leur partenaire Do It Lean. Il ne s’agissait pas seulement de construire une application, mais la stratégie complète de l’entreprise sur OutSystems. Et l’ensemble de notre IT est aujourd’hui porté par cette solution low-code.
Notre plateforme se connecte à celles des assureurs et nous packageons des offres pour les courtiers, qui peuvent ensuite s’appuyer sur notre plateforme si eux-mêmes n’en ont pas. Nous nous connectons ainsi à une centaine de services, pour faire de l’OCR, du contrôle d’identité, chercher des tarifs, vérifier les souscriptions, et le tout sur plusieurs marchés.
Je ne sais pas sur lesquels nous serons dans deux ou trois ans, et donc je ne veux pas me préoccuper de technique, ne pas avoir à m’occuper d’hébergeurs, de technologies d’interface graphique, de sécurité… Je veux uniquement développer les applications. »
Des outils différents selon les projets
TÉMOIN – Georges Berteloot, responsable du pôle développement web et collaboratif en charge de l’offre RPA de CDC Habitat

« J’ai plusieurs plateformes de développement à ma disposition, avec notamment du low-code dans notre intranet Jalios. Nos utilisateurs ont la capacité de créer des formulaires relativement riches fonctionnellement et de placer des workflows au-dessus. En deux ans, nous avons eu de l’ordre de 12 000 demandes et 58 workflows créés. Néanmoins, nous avons atteint la limite de l’approche de par la complexité du groupe : les différents métiers ont du mal à formaliser leurs besoins, et multiplient les cas dont il faut tenir compte dans la validation des formulaires, et bien souvent cela aboutit à du code supplémentaire.
Nous disposons aussi de la technologie Domino Volt, d’origine IBM et rachetée par HCL Software. La politique de licensing de l’éditeur nous a poussés à l’adopter, mais à chaque projet potentiel, il manque une fonctionnalité à Volt, comme par exemple l’interconnexion à nos bases de données. Il n’y a donc guère que les développeurs Domino qui l’utilisent pour enrichir leurs bases Domino avec du code.
En parallèle, nous avons démarré le développement de robots RPA sur UIPath en mars 2021. Nos développeurs en ont créé une quarantaine, qui sont en production. Mais nous n’utilisons pas le Studio MX de UIPath, qui s’adresse aux citizen developers. J’estime que si nous avons accumulé une certaine expérience dans le développement de robots, nous n’avons pas encore la maturité pour laisser aux métiers le soin de développer leurs propres robots. Nous devons d’abord identifier des référents dans leurs rangs pour passer à la phase suivante. »
« J’ai réalisé un CRM technique complet »
TÉMOIN – Blaise Corneloup, référent technique entretien courant chez un bailleur social et citizen developer sur Power Platform de Microsoft

« Je suis entré dans mon entreprise en tant que gestionnaire technique, essentiellement un travail de terrain. Suite à une promotion, j’ai pu intégrer une autre direction et m’occuper du pilotage d’activités en tant que référent technique pour les agences de proximité. J’ai commencé à structurer les choses avec SharePoint, ce qui m’a finalement conduit à développer des applications pour les agents de terrain avec Microsoft Power Apps. Il s’agissait d’une initiative personnelle, je me suis formé moi-même avec la documentation Microsoft, mais aussi avec beaucoup de vidéos sur YouTube. J’ai investi beaucoup de temps personnel pour monter en compétences. Je n’ai pas la formation d’un développeur, mais je suis aujourd’hui capable de réaliser des applications pilotées par modèle de la taille d’un CRM. À la base, je faisais plutôt du no-code puis, avec les applications canevas de Power Apps, je suis passé au low-code, puis au easy-code. J’ai finalement réalisé un CRM technique complet. Et je suis en train de créer un extranet fournisseur qui est en passe de devenir un projet d’entreprise. Je m’intéresse maintenant aux capacités de l’intelligence artificielle et aux dernières nouveautés apparues sur la Power Platform.
De base, je me limitais aux données de mon service, des données auxquelles j’avais déjà accès, tout en gardant à l’esprit que les outils pourraient servir à d’autres services. Ma direction m’a donné accès à des licences Premium, mais je n’ai pas accès aux écrans d’administration de Microsoft 365. C’est tout à fait normal. Et donc je travaille en lien étroit avec le service informatique, et dès que j’ai une demande, ils y répondent. C’est un travail en bonne intelligence avec eux. »
« Le low-code a aussi ses limites en termes de volumétrie et de puissance de traitement »
TÉMOIN – Fethi Chtioui, manager de l’équipe Déploiement IT chez Boulanger

« L’audit du process d’ouverture d’un nouveau magasin a fait apparaître plus de 70 étapes. Mon objectif était de mettre sous contrôle ce process à un coût minimum et sur un outil facile à maintenir. J’ai découvert Bubble.io que connaissait déjà l’un de mes chefs de projets et nous avons commencé ensemble l’implémentation de ce process. Une version V0 de B-Deploy a rapidement été créée puis, de mai à juillet 2022, celle-ci s’est peu à peu enrichie. Cette première version m’a permis de piloter finement les étapes d’ouverture d’un magasin, mais ne prenait pas encore en compte la gestion des budgets d’ouverture, notamment tous les achats de fournitures et de matériels liés à un nouveau magasin. Je me suis tourné vers une agence spécialisée en no-code, Phydius, qui a pris en charge ce développement.
Nous sommes très satisfaits de Bubble, mais ce type de solution low-code a aussi ses limites en termes de volumétrie et de puissance de traitement. La solution est extrêmement intéressante pour maquetter une application, puis la développer de manière plus classique dans un deuxième temps. Cependant, il s’avère que nous n’avons pas eu à redévelopper notre application à partir du développement avec Bubble.io, car la solution tient ses promesses et nous avons bien mis sous contrôle nos ouvertures. Le no-code a clairement un potentiel pour développer des petites applications. »
« Le low-code est un moyen d’être plus agile »
TÉMOIN – Romain Delalande, manager Solutions Consulting Industry & Services chez Pega

« Il ne faut jamais oublier que le low-code est un moyen, mais pas une fin. C’est un moyen d’être plus agile. Les entreprises qui refont leurs applications avec Pega pourront plus facilement modifier les parcours utilisateurs, modifier les règles métiers. C’est l’atout numéro 1 du low-code. Néanmoins, la fin n’est pas de construire une application low-code, mais bien d’obtenir des gains métiers. »
« Encadrer les initiatives et éviter les abus »
TÉMOIN – Julien Vacher, fondateur de Phydius

« La création d’un centre d’excellence interne de no-code est une très bonne démarche. C’est le meilleur moyen d’encadrer les initiatives et d’éviter les abus. Le véritable levier pour les DSI passe par les données, car c’est le cœur des applications. C’est à la DSI d’accorder les droits d’accès aux données aux directions métiers, et c’est par ce biais qu’elle va pouvoir contrôler l’activité LCNC au sein des métiers. »
« Plutôt que d’interdire le LCNC, il faut le contrôler »
TÉMOIN – Olivier Rafal, cofondateur et directeur du consulting et de la stratégie de Wenvision (SFEIR Group)

« Comme avec le phénomène de la shadow IT, si les collaborateurs ne trouvent pas dans l’entreprise les outils dont ils ont besoin, ils iront les chercher en dehors. Les usages de ces technologies vont se développer, et la DSI doit se mettre en capacité de contrôler cet essor dans son établissement. Le but de celui-ci reste avant tout de privilégier la performance, l’autonomie et la prise de décision des collaborateurs qui sont sur le terrain. Il faut les encourager à prendre cette autonomie. Il faut mettre en place des outils et un cadre de gouvernance pour le faire. La DSI elle-même doit s’emparer de ce type d’outils pour certains cas d’usage. Un informaticien n’est pas condamné à devoir écrire du code. Ce type d’outil peut très bien faire l’affaire dans de nombreux cas d’usage simples, avec de gros gains de productivité à la clé. »
« L’engagement de la DSI dans une approche low-code est absolument primordial »
3 QUESTIONS À – Virginie Infanti,directrice de l’entité Business Applications de Microsoft

Quelle organisation mettre en place pour assurer la pérennité du low-code dans l’entreprise ?
Si la DSI considère que le low-code fait partie de sa stratégie pour innover, alors elle va créer un centre d’innovation applicative pour assurer la pérennité des développements. Cette équipe va poser un cadre à cette innovation, déterminer les bonnes pratiques de création d’une application, assurer la montée en compétence des employés, s’assurer de la gouvernance du dispositif. Mais aussi faire circuler l’information auprès des métiers pour qu’ils mettent à profit l’outil qui est à leur disposition.
Quel rôle doit jouer la DSI dans cette organisation ?
De façon générale, dans un grand groupe, la DSI doit toujours être impliquée dans un projet low-code/no-code, ne serait-ce que pour éviter la shadow IT. On travaille en partenariat avec tous les collaborateurs, et ce que l’on fait en général, c’est organiser un hackathon avec des équipes qui se créent au sein des métiers ou même en transverse dans l’entreprise afin de résoudre un besoin métier bien précis. En quelques jours, un MVP peut être développé, et présenté à un jury. Comme il se tient sur un temps très réduit, le hackathon permet de focaliser les énergies. On peut venir apporter un coaching sur le volet technique, et quand la direction est investie, cela peut générer une énergie incroyable : cela permet de mieux connaître les points bloquants pour les métiers et d’exposer cette innovation et cette énergie. L’application va ensuite être développée avec la DSI.
De quels leviers dispose la DSI pour imposer ses vues auprès des citizen developers ?
L’accès aux données est une question clé et qui fait que l’engagement de la DSI dans une approche low-code est absolument primordial. Tous les éléments de sécurité d’Azure sont présents sur la Power Platform et c’est la DSI qui doit accorder l’accès ou non aux données. De nombreuses petites applications ne nécessitent pas un accès aux données, mais lorsque c’est le cas, la DSI doit accorder l’accès tout en travaillant en binôme avec le métier sur son application.