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5 ans plus tard, la 5G ne fait plus rêver… et c’est peut-être une bonne nouvelle

Par Thierry Derouet, publié le 16 octobre 2025

Cinq ans après son lancement, la 5G s’est imposée sans bruit mais avec constance. Les réseaux couvrent désormais très largement le territoire, les usages industriels émergent, et les opérateurs ont tenu leurs promesses de déploiement. Mais derrière le succès technique se cache une équation économique encore fragile. Pour Viktor Arvidsson, directeur de la stratégie et des affaires publiques d’Ericsson France, la 5G a fait la preuve de sa maturité technologique. Reste à lui donner toute sa valeur.

Cinq ans après son lancement, la 5G s’est imposée sans bruit mais avec constance.Les réseaux couvrent désormais très largement le territoire, les usages industriels émergent, et les opérateurs ont tenu leurs promesses de déploiement. Mais derrière le succès technique se cache une équation économique encore fragile. Pour Viktor Arvidsson, directeur de la stratégie et des affaires publiques d’Ericsson France, la 5G a fait la preuve de sa maturité technologique. Reste à lui donner toute sa valeur.

Cinq ans après, un déploiement 5G exemplaire en France

L’attribution officielle des licences 5G, en novembre 2020, s’était tenue dans les locaux d’Ericsson — un clin d’œil de l’histoire que Viktor Arvidsson n’a pas oublié. « C’était une première, et depuis, le rythme n’a jamais faibli. Les opérateurs devaient déployer 12 500 sites d’ici fin 2025 : Orange a d’ores et déjà dépassé ses obligations, et les autres ne sont pas loin. » Un déploiement express, mené dans un contexte pourtant compliqué. « Nous étions en pleine pandémie, avec un climat de défiance autour des antennes. Certaines villes refusaient leur installation, d’autres réclamaient des moratoires. On se souvient encore de cette phrase absurde : “la 5G, c’est pour regarder des vidéos dans les ascenseurs”. »

Cinq ans plus tard, le constat est clair : les réseaux sont en place, la couverture est solide et les usages se diversifient. À l’échelle mondiale, la tendance est tout aussi nette : « On compte près de neuf milliards d’abonnements mobiles, et la 5G talonne déjà la 4G », rappelle Viktor Arvidsson. En France, le cap des 26 millions d’abonnements a été franchi — environ un tiers du parc 4G. « La France fait mieux que la moyenne européenne, même si le continent reste globalement prudent. L’Europe avance lentement sur la bande des 3,5 GHz, qui est le cœur de la 5G. C’est cette bande de fréquences – la “mid-band” – qui permet d’obtenir le plein potentiel : haut débit, faible latence et stabilité. »

Des réseaux 5G privés pour les industriels français

La 4G avait marqué une rupture visible. La 5G, elle, s’est imposée plus discrètement. « Les utilisateurs s’y sont habitués sans même s’en rendre compte. Pourtant, si vous faisiez un retour vers 2019, vous redécouvririez la lenteur des téléchargements, les visios qui saccadent, le réseau qui décroche. La 5G n’a pas eu de “killer app” ; elle a transformé le quotidien sans qu’on s’en aperçoive. »

Cette transformation est aussi industrielle. Les grands groupes expérimentent désormais leurs propres réseaux 5G privés, c’est-à-dire des infrastructures locales déployées sur des sites de production ou logistiques. « C’est une tendance de fond. Le décret de septembre 2025, qui ouvre la bande 3,8–4,2 GHz aux licences locales, permet à des entreprises, des ports ou des aéroports d’avoir leur propre connectivité, indépendante des réseaux publics. » EDF, Airbus ou encore certains acteurs de la logistique figurent parmi les pionniers. « Cela change tout : les techniciens travaillent sur tablette dans des zones métalliques où le Wi-Fi décroche, les caméras peuvent suivre un processus industriel sans câblage, les flux sont plus fluides et sécurisés. Sur des sites complexes, c’est une révolution silencieuse. »

Souvent critiquée pour sa supposée voracité énergétique, la 5G s’avère en réalité plus économe. « Les études le montrent : à trafic équivalent, elle consomme moins d’énergie que la 4G. Les antennes sont plus compactes, le signal mieux ciblé, les chipsets plus performants. » Mais l’efficacité ne suffit pas à contenir la croissance exponentielle des usages. « Le trafic explose. On peut dire que la 5G est plus sobre, mais le volume global augmente. Si on regarde les chiffres, les réseaux fixes et mobiles consomment environ 4 TWh par an, quand nos téléviseurs domestiques en consomment 11. L’éléphant dans la pièce, ce n’est peut-être pas le réseau… mais ce qu’on regarde. »

Vers la 6G : plus sobre, plus intelligente, plus ouverte

Sur le plan de la sécurité, la 5G franchit un cap. Ses mécanismes d’authentification et de chiffrement sont renforcés, et les architectures dites “Standalone” permettent d’isoler des flux de données critiques. « C’est plus sûr que la 4G, plus fiable que le Wi-Fi. Mais la sécurité ne repose pas que sur la technologie : le maillon faible reste souvent humain. Vous pouvez avoir la meilleure serrure du monde, si vous pensez que le serrurier a gardé un double, vous ne dormirez pas tranquille. »

Reste le débat, inévitable, sur la souveraineté numérique. Pour Viktor Arvidsson, la réponse ne peut pas être un repli sur soi. « Si l’Europe construit une forteresse, elle se condamne. La souveraineté doit être performante et ouverte. L’objectif, c’est d’être au niveau des États-Unis et de l’Asie, tout en s’appuyant sur des partenaires de confiance. » Le sujet rejoint celui de l’Open RAN, ces architectures ouvertes censées briser les silos des grands équipementiers : « L’idée d’assembler vingt fournisseurs sans engagement global n’a pas tenu. Les opérateurs veulent de la flexibilité, pas de la complexité. L’ouverture, oui ; la dispersion, non. »

La suite est déjà en marche. Avec la 5G Advanced, les opérateurs pourront exposer des API réseau et ajuster en temps réel la performance : débit, latence, sécurité. Quant à la 6G, elle intégrera dès sa conception une sobriété énergétique accrue, une complémentarité satellite/terrestre et des fonctions de détection intégrée (Integrated Sensing and Communication) pour localiser drones, véhicules ou flux urbains. « La 6G ne sera pas une rupture de vitesse, mais une rupture d’intelligence », résume Viktor Arvidsson.

Reste un défi de taille : celui de la monétisation. « Les opérateurs peinent encore à valoriser la 5G. L’enjeu n’est pas de faire payer plus cher, mais de proposer des offres différenciées, adaptées aux besoins : débit garanti, latence maîtrisée, sécurité renforcée. La connectivité est devenue une commodité. Il faut recréer de la valeur perçue. Dans cinq ans, on parlera moins de vitesse… et plus de sens. »


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