Les lanceurs d’alerte deviennent des acteurs clés de la gouvernance : transparence, éthique et résilience au service des entreprises.

Gouvernance

Lanceurs d’alerte : de la contrainte réglementaire à l’opportunité stratégique

Par La rédaction, publié le 05 novembre 2025

Le temps où les lanceurs d’alerte faisaient trembler les organisations est révolu. Car, désormais, leur parole devrait plutôt alimenter la transformation afin d’offrir aux entreprises plus d’agilité, de confiance et d’impact dans un écosystème où la transparence fait la différence.


Par Emmanuel Lecerf, Country Manager France, EQS Group


Longtemps perçue comme une obligation administrative, la mise en place de dispositifs de signalement internes reste souvent associée, en France, à la peur du scandale ou à la contrainte légale.
Pourtant, derrière la conformité se cache un enjeu bien plus stratégique : celui de la transparence, de la résilience et de la confiance, des piliers essentiels de la compétitivité des entreprises modernes.

Un tournant culturel pour les entreprises françaises

Depuis l’entrée en vigueur en 2021 de la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte, la plupart des grandes entreprises ont mis en place des canaux internes de signalement.

Mais si le cadre réglementaire a ouvert la voie, son adoption et sa mise pratique par les entreprises reste encore inégale. En France, trois entreprises sur dix reconnaissent avoir été confrontées à des comportements contraires à l’éthique ou à la loi au sein de ses opérations ou dans sa chaîne d’approvisionnement*. Bien souvent, un dispositif de signalement fiable et opérationnel aurait permis de détecter ces manquements plus tôt.

Les statistiques récentes soulignent qu’un dispositif d’alerte solide représente bien plus qu’une exigence réglementaire : il agit comme un outil stratégique de maîtrise des risques et de stabilité économique. Les organisations capables d’identifier rapidement les dysfonctionnements limitent plus efficacement leurs préjudices financiers et préservent leur réputation.
À l’inverse, les entreprises ne possédant pas ces outils font souvent face à de très lourdes pertes financières. 22 % d’entre elles ont subi des pertes d’au moins 100 000 €, en raison de comportements illégaux ou contraires à l’éthique (source : Whistleblowing Report 2025: Insights Across Countries | EQS Group).

De la gestion des risques à la création de valeur

Le dispositif de signalement est souvent perçu comme une simple protection. Pourtant, il joue aussi le rôle d’un baromètre interne, révélant les tensions, les dysfonctionnements ou les risques émergents. Lorsqu’il est bien conçu, il fait remonter des signaux faibles sur des sujets variés : harcèlement, discrimination, fraude, défaillance fournisseur, sécurité informatique, protection des données… Traitées à temps, ces alertes permettent d’anticiper des crises coûteuses.

De plus, ces retours alimentent une démarche d’amélioration continue : ils aident les directions à faire un état des lieux des vulnérabilités de leur organisation, à prioriser les actions correctives et à renforcer la gouvernance.

Ce passage de la réaction à la prévention transforme la conformité en avantage stratégique.

La transparence, moteur de confiance

Les systèmes d’alerte ne se limitent plus à un usage interne par les employés. De plus en plus d’entreprises étendent désormais ces canaux aux parties prenantes externes (fournisseurs, partenaires ou clients) une évolution nécessaire dans une économie mondialisée et interconnectée. En France, environ 57 % des entreprises ont mis en place un canal de signalement interne, et 56 % proposent également un canal externe*, traduisant une prise de conscience croissante que les risques ne s’arrêtent pas aux murs de l’entreprise.

À mesure que les chaînes d’approvisionnement se complexifient et sont davantage scrutées, la capacité à détecter et traiter les manquements sur l’ensemble de la chaîne de valeur devient un véritable marqueur de responsabilité. Les systèmes de signalement efficaces doivent donc être accessibles, multilingues et ouverts, afin que les informations critiques puissent remonter à temps aux décideurs.

Ce mouvement répond aussi à des attentes sociétales plus larges : employés, investisseurs et consommateurs exigent toujours plus d’éthique, de transparence et de cohérence entre les engagements et les actions. Les dispositifs d’alerte ne peuvent pas éliminer les comportements contraires à l’éthique, mais ils permettent de les rendre visibles et exploitables, donnant ainsi aux organisations la possibilité de corriger, voire prévenir, les dérives avant qu’elles ne s’aggravent.

La clé : une culture de la parole et de la confiance

Les entreprises les plus avancées sur ces sujets ont un point commun : elles encouragent la prise de parole.

Signaler un problème n’est pas un acte de dénonciation, mais une manière de protéger l’organisation. Cela suppose un engagement clair de la direction, des procédures transparentes, un anonymat garanti et une communication active sur la finalité du dispositif.
Sans cette dimension humaine, aucun outil, aussi performant soit-il, ne peut instaurer la confiance nécessaire pour que les collaborateurs osent s’exprimer.

Vers une conformité positive

La conformité ne devrait plus être perçue comme une contrainte réglementaire, mais comme faisant partie d’un écosystème de transparence plus large, qui relie gouvernance, durabilité et responsabilité. Le dispositif d’alerte ne fonctionne pas de manière isolée : il s’inscrit dans une dynamique plus large de responsabilité d’entreprise, reliant la diligence raisonnable, la communication ESG et l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement.

À l’heure où la réputation et la vigilance des parties prenantes dictent les dynamiques économiques, la confiance s’impose comme un capital à part entière. La façon dont une organisation traite les alertes internes et externes façonne désormais la perception de ses investisseurs, la loyauté de ses clients et son image d’employeur.

Les entreprises qui intègrent le signalement d’alerte dans leur culture constatent déjà des bénéfices : meilleure anticipation des risques, réputation renforcée et relations plus solides avec les partenaires et les collaborateurs.

En définitive, transformer le signalement d’alerte en actif stratégique signifie reconnaître que la transparence n’est plus une menace, mais un véritable avantage concurrentiel.

Et si la France peut encore être légèrement en retard à cet égard, la transformation est en marche : la nouvelle génération d’entreprises comprend qu’aujourd’hui, l’intégrité est le meilleur investissement.




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