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Cauchemars numériques 3.0

Par La rédaction, publié le 20 février 2015

Olivier Denoo, Vice-président, Comité Français des Tests Logiciels (CFTL)

Miroir, mon beau miroir ; montre-moi donc plus belle dans cet ensemble noir.

Ô ma reine, il est dans cette boutique, une petite robe rouge aux vertus magnifiques. Elle fera de ton corps celui d’une Vénus, sans regrets ni remords, car elle ne coûte pas plus.

Montre vite !

Et rouge, Emma le devint quand son miroir la dévoila six fois de suite dans un horrible ensemble à fleurs qui ne la mit pas du tout en valeur.

Un peu plus loin, Axel tente de récupérer sa voiture en stationnement illicite. Elle s’était garée là, toute seule, au mépris de la signalisation. Il eut beau invoquer une mise à jour défectueuse du programme de reconnaissance, rien n’y fit ! Il dut se résoudre à la regarder partir, accrochée à l’arrière d’une dépanneuse.

Au même moment, Séverine ne peut plus accéder à sa chambre d’hôtel. Son smartphone, qui lui tient lieu de clé, vient juste de rendre l’âme. Ce n’est vraiment pas son jour : sa carte de paiement sans contact a refusé de fonctionner et son mari est bloqué à la gare de péage, en raison d’une défaillance de son badge RFID !

Loin d’être de simples délires fictionnels, ces Cauchemars numériques 3.0 Olivier Denoo Vice-président, Comité Français des Tests Logiciels (CFTL) exemples bien que caricaturaux, font déjà partie de notre quotidien.

Des constructeurs de berlines de luxe ont déjà pré- senté des modèles capables de se garer seuls dans les parkings souterrains, et l’automobile sans conducteur est déjà sur leurs planches à dessin (électroniques). Les miroirs projetant en surimposition le catalogue vestimentaire de la marque sont déjà disponibles dans certaines boutiques branchées. Nos smartphones remplissent de plus en plus de fonctions, au point qu’on se demande s’ils servent encore à téléphoner, et les objets connectés ou intelligents (est-ce forcément lié d’ailleurs ?) ne cessent de se multiplier, transformant radicalement notre univers.

Par-delà le progrès, parfois tout relatif, de ces nouveaux outils, force est de s’interroger sur notre capacité réelle à concevoir toutes ces applications, aux interactions et aux interfaces forcément réduites, sans que des failles imprévues, révélées par des conditions adverses, des situations extrêmes, des utilisateurs novices ou stressés ne ruinent tous nos efforts et ne fassent de nos vies un enfer technologique.

Ce nouvel Internet des objets, qui s’adresse autant aux geeks qu’aux déconnectés, petits et grands, doit donc être simple, intuitif et ne requérir – presque – aucune connaissance informatique ; il doit être sûr, sécurisé, performant et fonctionnellement quasi-sans failles.

Un catalogue d’exigences qui ressemble à s’y mé- prendre à la sempiternelle liste, si vite oubliée, des bonnes résolutions.

Un véritable défi pour les développeurs, confrontés à des technologies toujours plus complexes, plus éparses et à des rythmes toujours plus soutenus. Un défi encore plus grand pour les testeurs forcés de fl irter avec des disciplines aussi diverses que tests de performance, d’intrusion, de sécurité, analyse métier ou encore ergonomie.

Pourtant, le défi ultime, après des décennies d’évolution est sans doute de retourner aux bases, au test bête et méchant destiné à anticiper le stress, l’ignorance ou l’incompréhension de l’utilisateur, comme à l’empêcher de faire cette bêtise de trop, cette catastrophe qui le fera haïr votre produit et le vomir sur les réseaux sociaux, le condamnant ainsi à sa perte.

Un peu comme si le bug ultime de demain était devenu l’Homme lui-même.

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