Data / IA

Chez Bouygues Telecom, l’IA est sur toute la ligne

Par Thierry Parisot, publié le 22 juin 2021

Après un premier projet portant sur la mise en place d’un chabot, l’IA est devenue un axe clé pour Bouygues Telecom. Accompagné par IBM, l’opérateur mise sur cette technologie pour gagner en productivité et développer des projets innovants.

Chez Bouygues Telecom, l’IA est dans toutes les strates de l’organisation. Au-delà de cette diffusion étendue, Philippe Kerignard, responsable innovation, architecture transverse & gouvernance de la donnée de l’opérateur, insiste surtout sur son appropriation par les utilisateurs. « L’IA n’est plus perçue comme une innovation de rupture ayant encore besoin de faire ses preuves, mais comme une technologie parmi les autres », explique-t-il.

Par le travail de veille et à travers un partenariat de longue date avec IBM, Philippe Kerignard entend parler de Watson en 2015, à l’époque où le programme AlphaGo bat un champion de Go. « Nous avons découvert l’existence de de ces plateformes d’intelligence artificielle », raconte-t-il.

En 2016, mise en place d’un chatbot

Après quelques échanges avec IBM, Bouygues Telecom décide en 2016 de mettre en place un chatbot dédié aux échanges écrits, pour la FAQ (foire aux questions) de la relation client. « Il s’agissait de décharger nos conseillers clientèle d’une partie de ce travail et de pouvoir répondre aux questions sept jours sur sept, nuit et jour », précise-t-il.

PHILIPPE KERIGNARD,
responsable innovation, architecture transverse & gouvernance de la donnée chez Bouygues Telecom
« Après les phases de découverte et d’expérimentation, toutes les directions de l’entreprise mènent aujourd’hui des projets avec de l’IA »

À l’été 2017, ce premier chatbot est mis en production, au service des quelque 17 millions de clients que compte l’opérateur à l’époque. « Nous avons alors découvert que l’intelligence artificielle n’était pas magique et que la mise en place d’un outil de ce type pouvait être complexe, surtout pour traiter des questions ouvertes par rapport à une foire aux questions fermée », poursuit Philippe Kerignard.

Bouygues Telecom se rend notamment compte qu’il a besoin d’outils pour trier des questions qui ne trouvent pas de réponses dans la FAQ, réduire leur nombre en tenant compte des multiples formulations et des synonymes, puis alimenter le système et lui permettre d’apprendre. « Pour le tri et l’agrégation, IBM a été très réactif, en développant pour nous des outils qui n’existaient pas à l’époque, raconte-t-il. En revanche, pour l’alimentation, nous avions besoin de monter en compétences et de recruter de nouveaux profils ».

À partir de cette première expérience, le groupe comprend aussi qu’un chatbot ne doit pas se réduire à un projet, mais être géré comme une activité à part entière. D’où la création d’une « chatbot factory », afin d’étendre l’usage des agents conversationnels en dépassant le périmètre de la relation client.

L’IA ne doit pas se réduire à des agents conversationnels

Rapidement, au-delà de l’extension à tous les métiers, « il est devenu évident que l’IA ne devait pas rester un sujet dans le giron de l’innovation et des systèmes d’information, ni se cantonner aux agents conversationnels, explique Philippe Kerignard. Nous avons alors initié un programme d’accélération, avec comme premier objectif de faire la preuve des possibilités d’usage et de retour sur investissement, dans le cadre de preuves de concept, en adressant d’abord les directions non techniques, pour vulgariser la technologie ».

En 2018, trois directions sont choisies : juridique, ressources humaines et design. Globalement, tous les domaines de l’IA, de la reconnaissance de la parole et des images à l’aide à la décision et à l’anticipation, sont expérimentés. « Les résultats ont été spectaculaires, notamment avec le système mis en place pour personnaliser les formations des commerciaux de Bouygues Telecom Entreprises, en fonction des profils, explique le responsable de l’innovation. Au moment de présenter les conclusions au comité de direction générale, j’avais les preuves de l’intérêt de l’IA sur tous les sujets, afin de pouvoir enclencher un programme ambitieux ».

En 2019, Bouygues Telecom décide d’aller plus loin, en touchant son cœur de métier. « Dans cette phase d’industrialisation, nous devions nous rapprocher de la DSI pour embarquer les algorithmes dans notre système d’information. Mais nous ne pouvions pas avancer seuls, car nous ne maîtrisions pas encore suffisamment le sujet », se souvient Philippe Kerignard.
Au terme d’un appel d’offres, IBM l’emporte pour accompagner l’entreprise dans son programme d’intelligence artificielle (PIA), avec comme « ambition forte » de mener dix projets sur dix mois, autour de six thématiques : analyse de contenu en langage naturel ; optimisation sous contrainte ; computer vision ; retranscription vocale ; apprentissage non supervisé ; et analyse prédictive. « Huit ont abouti, sur quinze mois, précise-t-il. Pour l’un des projets, le client interne a changé d’avis, et pour un autre, le domaine s’est avéré trop pointu ».

Depuis, le relais a été passé à la DSI, pour lancer une industrialisation plus massive. Une cellule de 30 personnes a vu le jour, toujours au sein du pôle innovation, mais en lien plus étroit avec la DSI, avec comme but de préparer l’architecture, sur le cloud ou on premise, pour intégrer les technologies d’IA. « Son rôle est aussi de faire monter en compétence les équipes IT, en lien avec les différentes directions métiers, ajoute Philippe Kerignard. Les projets IA doivent devenir des projets IT comme les autres ». Toujours accompagné par IBM,  Bouygues Telecom assure que toutes les directions sont aujourd’hui concernées, avec des degrés de maturité différents. D’ailleurs, « je ne connais plus tous les projets d’IA, ni les équipes qui travaillent sur ces thématiques chez Bouygues Telecom » reconnaît-il.
Même l’enveloppe financière consacrée à ces technologies, « frugale et incrémentale dans sa phase initiale », est noyée dans le budget de la DSI.


DE DEEP BLUE À PROJECT DEBATER

Le secteur high-tech regorge de start-up en IA qui ont permis aux Google, Amazon, Facebook et autres Apple de rattraper leur retard, à coup d’acquisitions. Mais plusieurs acteurs historiques de l’informatique, comme Microsoft et surtout IBM, qui avait marqué le terrain il y a vingt ans avec son supercalculateur Deep Blue, restent les principales références du marché. Trois événements clés ont jalonné le parcours d’IBM dans l’IA : la victoire de Deep Blue sur le champion du monde d’échecs en 1997 ; celle du supercalculateur Watson au jeu télévisé Jeopardy en 2011 ; et le lancement de Project Debater en 2019, portant sur la réalisation d’un système capable de débattre en direct avec des experts humains.


L’ENTREPRISE

ACTIVITÉ  : Opérateur global de communications
EFFECTIF  : 9 500 personnes
CA        : 6,4 Md€

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