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Gouvernance

Conditions générales de vente et restriction du devoir de conseil

Par La rédaction, publié le 19 mai 2016

LES FAITS : Le manque d’information et de recherche des besoins d’un client peut conduire à la fourniture d’une prestation inadaptée. Par une décision du 16 octobre 2015, la Cour d’appel de Paris a en effet estimé que des conditions générales de vente (CGV) obligeant le client à spécifier expressément ses besoins n’exonèrent pas le prestataire informatique de son devoir de conseil.

Une société de gestion hôtelière avait confié à un prestataire la refonte de son site Internet afin de permettre la réservation et le paiement d’une chambre en ligne. Or, il est apparu que le logiciel livré n’était pas interconnecté avec le serveur de la banque de l’hôtel et ne permettait pas le paiement immédiat via le site. Dès lors, le client refuse de régler le solde des factures et se voit assigné en paiement par le prestataire. Condamné en première instance, le client interjette appel avec succès.

Ce litige illustre les difficultés pouvant survenir en l’absence de précision de la prestation commandée. En l’espèce, les caractéristiques du dispositif de paiement à intégrer n’étaient pas décrites dans le bon de commande, qui prévoyait uniquement la fourniture d’un « paiement sécurisé » et d’un « cryptage SSL ». Pour le client, le logiciel de réservation devait être interconnecté au serveur de sa banque afin de permettre un paiement automatisé directement en ligne. Le client invoquait donc un manquement du prestataire à son devoir de conseil. En revanche, pour le prestataire, une telle fonctionnalité ne figurait pas sur le bon de commande, d’autant qu’une clause des CGV annexées au bon de commande obligeait le client à préciser expressément ses besoins spécifiques. Le client n’ayant pas sollicité cette fonctionnalité, le prestataire considérait avoir parfaitement exécuté sa prestation.

Cet argument est toutefois écarté par la Cour qui estime que cette clause n’a pas pour but de restreindre le devoir de conseil du prestataire, mais seulement de limiter sa garantie de conformité aux besoins spécifiques du client expressément formulés au moment de la signature du bon de commande. À cet égard, les termes « paiement sécurisé » et « cryptage SSL » pouvaient apparaître pour le client comme englobant la fonctionnalité recherchée. Dès lors, la Cour retient qu’il appartenait au prestataire, professionnel spécialisé en informatique et débiteur d’un devoir de conseil, d’informer son client profane des restrictions concernant les fonctionnalités du logiciel, mais également de l’aider à exprimer ses besoins. En l’espèce, le mode de paiement réclamé par le client revêtait « un caractère déterminant » puisque la conclusion du contrat était motivée par le souci de moderniser son site Internet. Le manquement du prestataire à son devoir de conseil est donc caractérisé au regard de l’intérêt de cette fonctionnalité qui constitue, selon la Cour, un « besoin évident » du client, indépendamment du contenu lacunaire du bon de commande. Dans ces conditions, le juge retient la résolution du contrat aux torts du prestataire pour inexécution de son obligation de délivrance conforme, le déboute de ses demandes de paiement des factures et le condamne à la restitution des sommes déjà versées par le client.

CE QU’IL FAUT RETENIR : Par cet arrêt d’espèce, le prestataire informatique se voit imposer une obligation renforcée de conseil au regard des « besoins évidents » du client, même non spécifiés au sein du contrat, et qui ne peuvent faire l’objet d’une limitation contractuelle. Pour sécuriser leurs relations contractuelles, il appartient aux professionnels de clairement délimiter les contours de leurs prestations.

 

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