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CRM : quand la complexité dépasse l’usage, le paradoxe d’un écosystème qui s’alourdit malgré le potentiel de l’IA
Par La rédaction, publié le 10 décembre 2025
Le CRM est-il encore un levier d’agilité ou devenu le point dur de la transformation digitale ? Verrouillage SaaS, architectures non ouvertes et IA cantonnée à des features propriétaires dessinent un modèle où l’on paie toujours plus cher une complexité que l’on ne maîtrise plus. Il est temps de repenser le CRM…
De Pierre Lecointre, Fondateur et CTO de Stood CRM
Alors que l’intelligence artificielle rend le développement logiciel plus simple et plus rapide que jamais, j’observe que les CRM d’entreprise deviennent, eux, de plus en plus lourds, complexes.
Un outil qui devait, à l’origine, simplifier la relation client se transforme en système rigide, surchargé et verrouillé.
Les racines d’une complexité logicielle devenue systémique
La première source de cette dérive est l’empilement technologique. Les CRM modernes sont conçus pour simplifier l’ajout de processus de type reportings, objets métiers ou modules spécifiques… Cette directive bien que précieuse a un coût : chaque nouvelle brique ajoutée devient très difficile à modifier ou à retirer. Ce qui devait être un système flexible se transforme alors en architecture figée, alourdie par couches successives.
Alors, pour masquer la complexité et la densité technique, de nombreux éditeurs privilégient le développement d’interfaces sophistiquées et d’artifices ergonomiques “user friendly”. Mais la complexité ne disparaît pas, elle est simplement camouflée.
Face à cette situation qui me laisse perplexe, j’arrive à la conclusion que le problème est structurel. Nous oublions un besoin crucial des entreprises : un cœur logiciel modulable et épuré … Faisons rimer accumulation avec simplification !
La double dépendance : vendor lock-in et abonnements longue durée
La complexité nourrit un phénomène généralisé : la double dépendance des entreprises à leur CRM.
Une dépendance d’ordre technique : avec la multiplication d’intégrations et de dépendances, retirer une des briques technologiques devient quasiment impossible. Enfant, avez-vous déjà essayé de changer une des briques de la base de votre château de Lego ?
Revenons-en à notre CRM, la densité crée une dette structurelle que l’on ne sait plus démêler. Dès lors, toute évolution devient douloureuse, lente… voire impossible tant qu’on reste dans un système fermé. Dès lors de nouvelles couches sont ajoutées, alimentant de plus belle la complexité globale.
Une dépendance d’ordre contractuelle. Bien souvent les abonnements se renouvellent automatiquement ou sont conditionnés à des niveaux de volumes, les tarifs augmentent et les conditions restent rigides. Les entreprises sont prises dans des coûts fixes ou des effets de seuils, même lorsque leurs besoins évoluent à la baisse. Ce qui est presque risible quand on pense aux promesses de flexibilité, de maîtrise et surtout de liberté des solutions SaaS …
Le plus paradoxal reste le fait que l’IA et la GenAI permettent un développement plus rapide, plus automatisé et plus efficace, mais que les tarifs continuent d’augmenter. Le modèle reste fermé, inflationniste, et trop souvent opaque pour les clients.
Un modèle qui se grippe
Face à cette dérive, les DSI expriment une incompréhension croissante. Comment expliquer que les lignes budgétaires explosent lorsque les CRM répondent à des besoins finalement assez simples dans leur développement ?
Plutôt que de revoir leur modèle, certains éditeurs et clients adoptent des stratégies court-termistes : prolonger les abonnements, masquer la complexité par des mises à jour ou des renouvellements, sans jamais traiter la cause profonde.
J’en conclus que l’écosystème de l’innovation s’affaiblit. Selon moi, un CRM trop verrouillé limite la capacité à pivoter, à intégrer des solutions nouvelles, à simplifier les processus ou à optimiser les usages. C’est l’adoption et plus largement la transformation digitale de l’entreprise qui sont impactées.
Des leviers pour changer la donne
Il est urgent de remettre du sens et de la maîtrise dans l’architecture des CRM. Cela passe par :
* Un retour à la simplicité : repenser les logiciels autour d’un noyau réellement modulable, évolutif et épuré, plutôt que d’un monolithe figé.
* La composabilité : permettre au CRM de s’appuyer sur un écosystème de solutions spécialisées plutôt que sur une plateforme étendue unique.
* La transparence tarifaire : proposer des modèles d’abonnement clairs, lisibles et adaptables, permettant d’augmenter ou de diminuer l’usage sans effet de cliquet.
* Les licences open source et la souveraineté : ouvrir les architectures pour redonner aux entreprises le contrôle du cœur de leurs systèmes et réduire mécaniquement les risques de lock-in.
* Capitaliser sur l’IA : utiliser l’IA non plus comme une couche supplémentaire propriétaire, mais comme un catalyseur de simplification, d’automatisation et de personnalisation agile et transverse à l’entreprise.
Nous vivons l’ère des outils censés simplifier notre quotidien : plus de données, plus d’automatisation, plus d’intelligence… mais en contrepartie une complexité grandissante qui freine l’usage réel. Cette contradiction n’est pas une fatalité, les solutions pour remettre l’humain, l’usage et la maîtrise au cœur de l’expérience CRM sont sous nos yeux.
Les cartes sont entre les mains de l’écosystème, mais fera t-il le choix des redécoupages nécessaires et de la déflation, permettant de recomposer des solutions nouvellement alignées avec les ambitions d’innovation actuelles ?
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