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Pourquoi la DSI doit se préoccuper (un peu) plus de son marketing
Par La rédaction, publié le 03 mars 2023
Un marketing interne branché sur les équipes métiers et IT
Faire comprendre ses enjeux, valoriser ses réalisations, ses équipes. Renforcer la motivation de ces dernières, tout comme la capacité à capter la voix de l’utilisateur et à répondre à ses insatisfactions. Le marketing de la DSI constitue une brique essentielle de la relation avec les métiers. Illustration chez Nexity et à la Maif.
Elle était en première ligne et chacun a soudain pris conscience de son importance, comme des efforts déployés par ses équipes pour que l’organisation continue de fonctionner. Avec la crise sanitaire et le télétravail généralisé, le regard porté sur les DSI s’est amélioré, reconnaissent 79 % de leurs responsables interrogés dans une enquête de l’éditeur Abraxio. Une embellie pérenne de la relation avec les métiers ? Peut-être. Mais sans que cela change la donne en réalité.
Les DSI ne sont ainsi que 9 % à se sentir perçus comme un partenaire stratégique incontournable, moteur de la transformation numérique, quand 62 % estiment être vus comme un partenaire obligé, que l’on cherche parfois à contourner, et 14 % comme une simple fonction support délivrant une prestation. Ça fait mal, et la suite des résultats de l’étude d’Abraxio n’est guère meilleure. Les DSI considèrent en effet que leurs interlocuteurs ont une mauvaise connaissance de leur périmètre et de leurs enjeux (50 %) et, de fait, de leurs problèmes structurels ou conjoncturels (63 %). Bref, si l’image de la DSI brille davantage, les grands défis de la relation avec les métiers restent à relever.
« La difficulté est que nous travaillons une matière plus technique que la moyenne et qui fait peur, analyse Yann Ludmann, directeur des solutions et des innovations numériques (DSIN) de Nexity. L’enjeu de pédagogie est plus important que pour nos collègues de la finance, du marketing ou des ressources humaines. Nous devons nous faire comprendre à tous les niveaux. D’où le rôle essentiel du marketing de la DSI », souligne-t-il.
Mais en matière de marketing, le bilan reste mitigé, à en croire l’enquête d’Abraxio. Certes, une majorité des DSI interrogés (59 %) expriment leur volonté de mieux faire passer les enjeux IT et de transformation numérique au sein de leur organisation. Et ils sont même 42 % à souhaiter être mieux perçus comme partenaires business. Pour autant, leur pratique du marketing de la DSI reste encore limitée (lire encadré).
Une démarche tout sauf subalterne chez Nexity
Chez Nexity, Yann Ludmann y consacre, lui, du temps et des moyens, avec une petite équipe de deux profils communication. « Le marketing de la DSI est une démarche tout sauf subalterne, défend-il. C’est la condition pour améliorer le dialogue avec les métiers et, surtout, obtenir davantage de budget, pointe-t-il. Lorsque les autres directions ne comprennent pas l’IT, vous décrochez de la transformation numérique, car vous n’obtenez pas les moyens financiers et humains toujours plus importants qu’elle exige. »
Améliorer la compréhension des enjeux technologiques par les métiers n’est pas la seule vocation de la stratégie marketing mise en place par le DSIN. Celle-ci est aussi dirigée vers les propres troupes de la DSI, dans une optique de valorisation de leurs réalisations, en termes de projets comme d’exploitation. « C’est un véritable outil de management, un levier très important pour augmenter la reconnaissance des équipes et, in fine, la performance collective, explique Yann Ludmann. Une personne reconnue est deux plus fois motivée, donc plus productive. »
Faire la pub des meilleurs projets
Depuis trois ans est édité le Livre des réalisations, qui présente les projets livrés dans l’année. L’entreprise étant en forte phase d’investissement, ces derniers sont nombreux. Il compte ainsi de 50 à 60 pages. Ce Livre des réalisations répond au double enjeu de valorisation des équipes et de compréhension de l’IT par les métiers. Diffusé aux premières pour les remercier du travail accompli et pour que chaque membre de la DSI touche du doigt l’œuvre collective, il est aussi adressé au Comex et aux cent premiers dirigeants de l’entreprise. « C’est notamment une manière de leur montrer ce que le budget alloué produit effectivement, et de les sensibiliser à l’intérêt de l’augmenter », précise Yann Ludmann.
Autres vecteurs de valorisation, des afterworks sont organisés de manière régulière au sein de la DSI, afin que chaque équipe projet ou d’exploitation qui le souhaite vienne présenter, en trois à quatre minutes, des actions d’amélioration continue réalisées. En général, les participants assistent ainsi à une dizaine de présentations, puis ils votent pour élire « le succès » de la période. Celui-ci sera alors affiché sur des totems disposés sur tous les sites de l’entreprise, visible par tous les membres de la DSI, mais aussi par tous les passants.
Une satisfaction mesurée en continu
Pour rendre compte de l’action des équipes IT, un tableau de bord est diffusé tous les mois aux dirigeants. Il leur fournit les indicateurs clés de la période en termes de disponibilité des principaux systèmes d’information métiers, de cybersécurité (tentatives de phishing, etc.) – les sensibilisant du même coup à l’ampleur que prend cette problématique –, mais aussi des indicateurs sur le taux de résolution des tickets de support et la satisfaction des utilisateurs en la matière. À chaque clôture d’un ticket, ces derniers sont en effet invités à indiquer si leur problème est résolu, et à noter leur niveau de satisfaction, de 1 à 5, quant à la qualité et au délai de résolution. « La satisfaction utilisateur constitue une dimension fondamentale du marketing de la DSI, remarque Yann Ludmann. Nous réalisons chaque année une enquête utilisateur très complète. Mais nous avons voulu aller plus loin, en captant la satisfaction en continu au niveau du support. »
Pour mettre en avant les réalisations de la DSI ou rendre compte de son actualité auprès de l’ensemble des collaborateurs, l’équipe en charge de son marketing dispose d’Eden, l’espace de la DSI qu’elle anime sur l’intranet. Elle y publie un petit article quand un nouvel arrivant rejoint l’équipe IT, des extraits du Livre des réalisations, des informations sur les projets en cours, etc. Chaque mois, elle diffuse aussi à tous une newsletter. Celle-ci met en lumière des sujets clés : l’arrivée en fin de livraison d’un programme de refonte important, la disponibilité d’une nouvelle application mobile destinée à l’ensemble des collaborateurs, ou encore un événement concernant la DSI. Elle y rappelle aussi le programme des « Vendredis du numérique », un webinaire de trente minutes qu’elle organise pour dispenser des formations flash sur les outils de Microsoft 365. Hebdomadaire au plus fort de la crise sanitaire, il se déroule aujourd’hui toutes les deux ou trois semaines. « Accompagner les utilisateurs participe du marketing de la DSI, décrypte Yann Ludmann. De ce point de vue, notre équipe de Change Management apporte d’ailleurs aussi sa contribution. Pour chaque projet, elle a pour mission de concevoir un plan de gestion du changement avec l’équipe concernée. Soigner le packaging et le management des projets constitue une forme de marketing indirect », souligne-t-il.

Une équipe dédiée de sept personnes à la Maif
La relation à l’utilisateur, c’est l’un des grands piliers de la stratégie marketing mise en place à la Maif. Fin 2019, la DSI achève une transformation de fond, à savoir sa réorganisation en tribus et squads, menée pendant quatre ans. Un contexte qui a quelque peu mis à mal la satisfaction des utilisateurs. Pour redresser la barre, la DSI crée, début 2020, une équipe « relation client et communication ». Elle porte la stratégie marketing de la DSI avec, pour premier enjeu, d’être à l’écoute des utilisateurs, afin de mieux identifier leurs irritants – ceux qui ne passent pas par l’assistance téléphonique –, et contribuer à les résoudre. Son mot d’ordre : « Faire que la Maif soit fière de son SI », indique Marie-France Thickett, sa responsable.
Composée de sept personnes, l’équipe est rattachée à Nicolas Siegler, le directeur général adjoint en charge des systèmes d’information. Une position qui lui permet de répondre à son second grand enjeu, la transversalité entre les trois pôles de la DSI, entre autres afin de mieux prendre en compte les difficultés des métiers. « Même dans une organisation par tribus, où l’on pourrait se dire que chacun est autonome pour travailler directement avec le métier, il y a toujours des sujets transversaux concernant plusieurs tribus, note la responsable. Être rattachés au DGA-SI nous permet de les porter. »
Outre un communicant, l’équipe compte des profils informatiques et métiers. Elle sait ainsi notamment trouver les bons interlocuteurs à la DSI, parler technique avec eux, puis reformuler pour les métiers. Et elle dispose d’une bonne connaissance des process et problématiques de ces derniers ainsi que du réseau de sites Maif. « C’est un bon combo, constate Marie-France Thickett. De plus, au fil du temps, chacun a pu monter en compétences. Aujourd’hui, nous sommes tous polyvalents. »
Une relation utilisateur basée sur l’écoute
Pour se concentrer sur la relation utilisateur, les différentes activités effectuées jusque-là dans le cadre d’une autre organisation ont d’abord été évaluée en termes de plus-value en la matière. Certains membres de l’équipe étaient notamment en charge des conventions de services, et d’autres d’assister les métiers dans l’établissement de leur stratégie. Cette dernière dimension, par exemple, sera finalement abandonnée. « Nous avons aussi remis à leur juste niveau les conventions de services et les comptes-rendus de réunions, dans une approche frugale et de simplification. Mieux vaut passer du temps sur la relation qu’à réaliser de volumineux documents qui ne seront pas lus », explique Marie-France Thickett.

La relation, justement, passe d’abord par l’écoute à travers des « mêlées », des temps d’échange avec des correspondants métiers du siège et du réseau Maif. Elles sont organisées trois fois par semaine, une pour les correspondants du siège, deux pour ceux du réseau, et durent trente minutes. Les métiers y font part de leurs difficultés ; on y suit l’évolution des sujets déjà identifiés ; et la DSI en profite parfois pour communiquer vers les métiers. « Nous les avons mises en place dans l’urgence, avec la crise sanitaire, comme cellules d’écoute. Leur succès nous a conduits à les pérenniser », précise la responsable. La communication institutionnelle participe aussi aux mêlées, pour apporter ses conseils lorsqu’il s’agit de communiquer sur un sujet.
Constituer un backlog des irritants à traiter rapidement
Tous les deux ans, une consistante enquête capte les retours des utilisateurs sur l’ensemble des sujets liés à l’informatique. Elle apporte une vision sur l’évolution de la satisfaction et permet d’identifier les axes de progrès. Mais, comme chez Nexity, l’équipe a voulu capter de manière plus continue la satisfaction, avec une enquête dite de ressenti. Chaque première semaine du mois, à l’extinction du poste de travail, l’utilisateur est invité à répondre à la question « Vos outils ont-ils bien fonctionné ? » et, dans la négative, à laisser un message pour en dire davantage. Le taux de participation est important, d’environ 70 %. « Cette enquête, avec ses verbatims, apporte une vision plus fine des problématiques par site, explique Marie-France Thickett. L’objectif est de constituer un backlog des irritants que l’on peut traiter rapidement. Nous menons aussi des campagnes d’appels à destination des sites les plus insatisfaits, pour mieux comprendre leurs difficultés et aider à les résoudre, en mettant autour de la table les collègues de la DSI concernés. »

Pour améliorer la relation avec les métiers, l’équipe mise aussi sur la rencontre, à travers les journées d’immersion, où les utilisateurs découvrent les coulisses de la DSI. « Elles favorisent les échanges. Et chacun voit que, derrière les applications, le poste de travail, il y a des hommes et des femmes qui rendent service au quotidien », remarque la responsable. Celles-ci existent depuis longtemps, mais elles ont notamment contribué à faciliter la compréhension du nouveau fonctionnement de la DSI. Mensuelles, elles accueillent de 10 à 15 personnes à chaque fois. Une réflexion est engagée sur la proposition d’une formule à la carte, en mode allégé ou par module (bureautique, sécurité, etc.), sachant que se libérer une journée n’est pas toujours facile.
Des newsletters et une série « dsiflix »
Au sein de la DSI, l’équipe mène des actions spécifiques. Elle diffuse chaque mois deux newsletters. Le petit journal de la DSI, grâce auquel toutes les équipes peuvent découvrir les succès obtenus par leurs collègues auprès des métiers et des personnes. La voix de l’utilisateur sert, elle, à diffuser à tous les difficultés captées et les résultats d’enquêtes.
Le petit journal de la DSI est aussi diffusé à toute l’organisation via l’espace de la DSI sur l’intranet. Pour valoriser les équipes auprès de tous, comme pour aider à mieux connaître les différentes tribus et squads, des plans de communication sont surtout mis en place avec elles en s’appuyant sur des vidéos, des interviews, etc. L’équipe aide aussi ses collègues à communiquer vers l’organisation. Des mini-conférences ont par exemple été organisées pendant trois semaines, en fin de pause-déjeuner, pour acculturer les utilisateurs au cloud. Filmées, elles sont ensuite consultables par tous en replay, dans une série au logo DSIflix.
Deux ans après sa création, l’équipe engage aujourd’hui une nouvelle étape de simplification des conventions de services. Elle réfléchit aussi à la manière de mieux travailler avec ses collègues de la DSI pour renforcer encore l’efficacité dans la prise en charge des irritants. Mais en attendant, une nouvelle action va faire son apparition : la visite d’observation, miroir de la journée d’immersion. « Les collaborateurs de la DSI pourront passer la journée dans un service pour découvrir son fonctionnement, et comment l’application sur lesquels ils travaillent est utilisée, explique Marie-France Thickett. Cela contribuera à renforcer encore la proximité entre la DSI et les métiers. » STÉPHANE MORACCHINI
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Une pratique du marketing de la DSI encore limitée
71% des responsables de DSI communiquent eux-mêmes, sans l’aide de la direction de la communication. Seuls 15 % s’appuient sur un membre dédié de leurs équipes pour cela.
64% des DSI invoquent le manque de temps comme principal frein à leur volonté de communiquer et 44 % le manque de budget et de ressources. Ils sont 68 % à ne pas disposer de budget dédié au marketing
et à la communication.
39% seulement des DSI communiquent de manière régulière ou fréquente vers l’ensemble de l’organisation. Ils sont en revanche 79 % à le faire à destination de leurs propres équipes.
