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Pourquoi la DSI doit se préoccuper (un peu) plus de son marketing

Par La rédaction, publié le 03 mars 2023

Un marketing externe pour renforcer la marque employeur

Dans le contexte actuel de pénurie de compétences, une DSI se doit de mener une stratégie active de marque employeur pour attirer comme retenir les talents. Elle peut notamment communiquer sur ses projets emblématiques et valoriser ses engagements RSE.

Cest une réalité. En sortie de crise sanitaire, le marché de l’emploi IT n’a jamais été aussi tendu. Dans un effet ciseau, le turn-over s’accélère tandis que la pénurie de compétences s’accroît avec la multiplication des projets de transformation numérique. Les directions informatiques sont submergées de demandes internes, mais peinent à recruter. Pour autant, les DSI délaissent un levier majeur d’attractivité qu’est la marque employeur.

Selon une enquête menée en décembre par l’éditeur Abraxio auprès de plus de 80 DSI, 60 % d’entre eux avouent ne jamais communiquer à destination de l’externe, 20 % indiquant le faire rarement. Plus généralement, 64 % des décideurs interrogés jugent « faibles » leurs communications dites de marque employeur. De fait, rares sont les directions informatiques à disposer, comme la Stime (Groupement Les Mousquetaires), d’une page LinkedIn. Et, à titre personnel, seuls 35 % des DSI se disent actifs sur LinkedIn ou Twitter, et 39 % vont peu voire jamais sur les réseaux sociaux.

Ce manque est d’autant plus criant que, contrairement à une idée reçue, une stratégie de marque employeur ne s’adresse pas seulement aux candidats, mais également aux collaborateurs déjà présents dans l’entreprise. En effet, à quoi bon s’évertuer à recruter si une organisation ne parvient pas à retenir ses talents ? Reposant sur l’attractivité, la fidélisation et l’engagement, une marque employeur répond à trois questions : pourquoi moi, candidat, j’irais rejoindre votre société ? Pourquoi j’y resterais ? Enfin, pourquoi je m’investirais à mon poste ?

Cette double vocation interne/externe de la marque employeur permet d’embrasser des enjeux qui dépassent la seule pénurie de compétences. Dans un cercle vertueux, les actions engagées pour l’externe bénéficient aussi en interne. « Quand une DSI formalise sa raison d’être et ses valeurs pour les projeter à l’externe, elle permet aussi à ses collaborateurs de se les approprier, juge Samuel Revenu, CEO d’Abraxio et ancien DSI (April, Axelliance). Elle met leur travail en perspective, répond à leur quête de sens. » L’« employee advocacy » est un autre effet bénéfique d’une telle stratégie : « Instiller une bonne ambiance au travail ou encore privilégier un management bienveillant peut faire des employés vos meilleurs ambassadeurs, estime-t-il. Des collaborateurs épanouis dans leur travail vont relayer spontanément, sur leurs profils sociaux, les retours d’expérience ou les offres d’emploi de leur DSI. Leurs réseaux sont, par ailleurs, essentiels dans le cadre de la cooptation, qui reste un levier clé d’une politique de recrutement. »

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Aligner les convictions du candidat avec les valeurs de la DSI

Sur le seul volet du recrutement, les raisons de conduire une stratégie de marque employeur ne manquent pas. Une organisation peut éprouver des difficultés de recrutement compte tenu de son activité, de sa faible notoriété ou de la profondeur de son bassin d’emploi. L’effet de taille jouerait aussi. « Rejoindre un grand compte ne correspond pas toujours aux attentes des jeunes diplômés qui ont du mal à se projeter », estime Jean-Luc Dagron, partner du cabinet de conseil Talisker.

Bâtir une stratégie de marque employeur commence par un travail préliminaire d’introspection afin de définir l’identité et les missions de la DSI. Quelle image veut-elle donner à l’extérieur ? « Un candidat a besoin de savoir quelles sont les valeurs de l’organisation afin d’évaluer si elles convergent avec ses convictions propres, enchaîne l’expert. En tant que data scientist, quel est mon rôle ? Mon utilité ? ». Pour aider les candidats à se projeter, une bonne pratique consiste à donner la parole aux collaborateurs, par exemple sous forme d’interviews vidéo. Ils incarnent alors les grandes fonctions de la DSI en parlant avec leurs mots, de façon directe.

Attention toutefois à ne pas travestir ou enjoliver la réalité. Alors que la quasi-totalité des candidats s’informent en ligne sur leur futur employeur, tout effet de communication se démonte en quelques clics. Jean-Luc Dagron rappelle que « l’objectif d’une stratégie de marque employeur consiste à attirer des candidats qui vous ressemblent et s’intégreront facilement. Sinon, cela reviendrait à dépenser beaucoup d’énergie à convaincre, pour de mauvaises raisons, des professionnels qui, de toutes façons, partiront rapidement. »

Cet effort de transparence est particulièrement pertinent pour rassurer la génération Z. Tout décalage entre les valeurs formulées par un employeur et la réalité du terrain est immédiatement sanctionné par ces jeunes actifs nés après 1995. Pour Jean-Luc Dagron, il n’est pas évident pour les DSI, dirigées par des quadras et des quinquas, de s’adresser à ces « drôles de Z ». « Un mauvais réflexe est de décrypter leurs modes de comportement avec un schéma de pensée qui n’est pas le leur. Or, comme le dit le spécialiste en management Hervé Sérieyx, “Les jeunes, ça n’est pas nous en moins vieux !” ».

Le consultant illustre son propos : « Pour 80 % des gens de ma classe d’âge, l’évolution de carrière logique consistait à prendre des responsabilités, à devenir manager. Pour les jeunes Z, l’expression même d’évolution de carrière ne veut pas dire grand-chose, et le management ne les fait pas forcément rêver. Accueillir des jeunes talents suppose de changer assez radicalement de posture et de pratiques pour qu’ils se sentent à l’aise. »

Pour aider ces candidats à se projeter, une DSI doit donc non seulement laisser la parole à ses collaborateurs, mais aussi « donner à voir », en mettant des photos et des vidéos de ses locaux en ligne ou, mieux, en organisant chez elle des conférences techniques de type meet-up. Car le candidat a envie de savoir ce qui l’attend une fois franchie la porte de l’entreprise. Quel est l’environnement de travail ? L’ambiance ? Avec quels types de profils sera-t-il amené à travailler ? En ce sens, il est préférable de conduire autant que possible les entretiens d’embauche en présentiel. Ainsi, le candidat rencontre de visu son potentiel futur N+1 et peut faire un tour de la DSI. Une manière pour lui d’évaluer son environnement de travail. Au-delà du fameux baby-foot qui n’était qu’une première étape vers un bureau plus convivial, il s’attend aujourd’hui à évoluer dans un cadre agréable et, pourquoi pas, à bénéficier de services comme une salle de sport, une conciergerie, une garderie…

Un « retex » vaut mieux qu’un long discours

La DSI doit non seulement ouvrir ses portes, mais aussi prendre l’air. Jean-Luc Dagron conseille de participer à des conférences spécialisées, des tables rondes d’éditeurs ou de constructeurs afin d’évoquer les technologies qu’elle met en œuvre. « Bien sûr, il faut choisir ses retours d’expérience. Il est plus sexy de parler de cloud que de Cobol. » Dans la salle, d’éventuels candidats peuvent s’identifier aux collaborateurs de la DSI. « Il y a aussi un effet rebond, note Samuel Revenu. Cette participation suscitera des billets, des articles. Un candidat qui effectue des recherches sur un employeur à la suite d’une annonce tombera sur ce type de contenus valorisants. »

Dans une logique de brand content, la DSI peut aussi publier ses propres contenus. « Il y a toujours au sein d’une direction informatique des collaborateurs qui aiment écrire, observe Jean-Luc Dagron. En une heure, ils ont rédigé un billet. Pour d’autres, l’accouchement est plus douloureux. Il faut les interviewer puis retranscrire leurs propos. » L’offre d’accompagnement est abondante, et les formats (articles, podcasts, vidéos) variés.

VERS QUELLES POPULATIONS LES DSI COMMUNIQUENT-ILS LE PLUS ?

Chiffres pour découvrir avec quelles populations les DSI communiquent le plus.
Fort logiquement, les DSI communiquent plus vers leurs équipes et, ensuite, vers les instances de direction de l’entreprise. Cela se corse lorsqu’il s’agit de communiquer vers les utilisateurs (seuls 39 % le font régulièrement) et pour porter la marque employeur : à peine 12 % le font de temps en temps, et 8 % régulièrement voire fréquemment.

Mais de quoi parler ? Au-delà des sujets technologiques, impossible de faire l’impasse sur les préoccupations environnementales et sociétales des candidats, particulièrement prégnantes chez les jeunes générations. « Le sujet est toutefois assez glissant, tempère Samuel Revenu. Il faut être vrai et pertinent. Faire du greenwashing serait contreproductif. Si l’entreprise a déjà une démarche RSE bien constituée, la DSI doit s’engouffrer dedans. »

Les DSI pionnières dans le domaine de la green IT ne doivent ainsi pas se priver de mettre en avant leurs actions en faveur de la réduction de leur empreinte carbone. Dans son étude « État des lieux des pratiques numériques responsables », BearingPoint a questionné les entreprises sur les raisons qui les ont conduites à mettre en œuvre une stratégie numérique responsable : la stratégie RSE groupe s’y révèle largement en tête (60 %), devant la marque employeur (30 %) et le réglementaire (27 %). « On peut cependant estimer que, dans les prochaines années, la marque employeur et le réglementaire vont prendre de plus en plus d’importance, estime le cabinet de conseil. En raison de la prise de conscience croissante du réchauffement climatique, de plus en plus d’employés attendent de leur organisation une participation active à l’effort collectif pour l’atteinte des objectifs sur le climat. Les collaborateurs souhaitent également bénéficier du vecteur de l’entreprise pour être impliqués sur ces problématiques dans leur vie professionnelle. »

Une quête de sens qu’a bien comprise Pôle emploi. « Rejoindre Pôle emploi, c’est intégrer un service public socialement responsable, signataire de la charte de l’Institut du Numérique Responsable », avance Laurence Cosson-Piantoni, directrice de la performance sociale de la DSI. Entre autres initiatives, la DSI de Pôle emploi fait appel au secteur solidaire pour le reconditionnement de ses matériels, et est dans une démarche d’optimisation de la performance énergétique de ses deux data centers.

Accessibilité, diversité et parentalité

Le numérique responsable ne se limite pas à la green IT et Pôle emploi travaille sur l’accessibilité de ses services et la diversité de son recrutement. La DSI emploie 31 % de femmes et compte augmenter ce taux. Elle mène notamment des actions de sensibilisation à destination des jeunes femmes dans les écoles et a lancé, en mai, un programme de leadership au féminin pour favoriser l’accès aux postes de management. « Nous travaillons aussi sur les biais cognitifs, poursuit Laurence Cosson-Piantoni. La réécriture des offres d’emploi permet, par exemple, d’enlever le jargon, les mots barrières. »

« Pour favoriser la parité, une DSI ne doit pas hésiter à communiquer sur le thème de la parentalité, en mettant en avant son organisation du travail flexible et ses horaires allégés », complète Jean-Luc Dagron. Sur le sujet clivant du télétravail, la DSI doit, en revanche, trouver le bon dosage pour contenter tout le monde : les partisans du « full remote », ceux du 100 % présentiel et, entre les deux, les adeptes des différentes déclinaisons du mode hybride. Avec, en toile de fond, l’impératif pour les managers de faire vivre le collectif.

« Une entreprise a tout intérêt à avoir le courage de dire que, culturellement, elle n’aime pas le télétravail, et à l’assumer, juge Jean-Luc Dagron. Elle va essayer d’embaucher des personnes qui partagent cette vision, qui ont envie de vivre une expérience collective, de se parler sans passer par des mails ou la visioconférence. »

Un parti pris qui ne doit toutefois pas être synonyme de rigidité. « Si ce trait culturel constitue un frein pour recruter des développeurs massivement pro-télétravail, la DSI sera éventuellement obligée de revoir son organisation de travail, reconnaît-il. Le marketing est toujours un équilibre entre une culture d’entreprise, des intuitions, des convictions et l’écoute du marché. » Un équilibre périodiquement instable… XAVIER BISEUL


À quoi ressemble le job idéal ?

Pour répondre à cette question, le cabinet de recrutement PageGroup a interrogé 630 candidats entre janvier et avril. Revirement de tendance par rapport à la précédente enquête de 2019, les TPE/PME ne font plus autant rêver. Seulement 36 % des actifs français préféraient les rejoindre, soit une baisse de 7 points. En quête de stabilité, les valeurs sûres comme le CDI (81 %), les avantages financiers (63 %) et le développement de carrière (60 %) sont perçus comme des avantages structurants.

La crise sanitaire est toutefois passée par là. Après avoir expérimenté le télétravail, près de 60 % des candidats recherchent un emploi offrant la possibilité de travailler à distance (+9 points). Les sondés demeurent toutefois attachés à venir au bureau pour faciliter les échanges (70 %) et conserver le lien social (56 %) avec leurs collègues.

En termes de RSE, près de 70 % des candidats réaffirment l’importance des engagements pris par l’entreprise en matière de responsabilité économique (55 %), environnementale (52 %) et sociale (46 %). Quid du manager idéal ? Il doit être capable de développer le potentiel de ses collaborateurs (57 %), d’écouter leurs propositions (46 %) et de communiquer avec eux de manière fluide (51 %).


Quand le bureau redevient un atout

Le bureau « has been » à l’heure de la généralisation du télétravail ? Revisité pour répondre aux contraintes de l’organisation en mode hybride, il redevient au contraire un élément différenciateur de la stratégie de marque employeur. En multipliant les espaces dédiés à la collaboration et à la convivialité, le siège social n’a jamais aussi bien porté son nom. Le lieu fait lien, et le bureau reprend sa fonction initiale d’espace de socialisation. Avec le concept de « bureau-hôtel », il propose des services de restauration, une salle de sport, une conciergerie, une garderie…

DSI du groupe Manutan, Sylvain Coquio vante ainsi les mérites de son « campus » de Gonesse (Val-d’Oise) avec son gymnase, son université et, parmi d’autres, son service de massage. Aux Dunes à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), la DSI de Société Générale évolue, elle, dans un environnement de travail particulièrement privilégié. Une vitrine qui, pour Jean-Sébastien Goetschy, directeur transverse des systèmes d’information, casse les idées reçues autour d’une banque vieillissante et poussiéreuse. « Société Générale n’est d’ailleurs pas qu’une banque, c’est aussi une tech company », estime-t-il.


TÉMOIN – EMMANUEL URFER, DRH du pôle IT & digital

BPCE devance les attentes des candidats

Pour renforcer son attractivité, le groupe BPCE, qui recrute mille CDI chaque année sur les fonctions IT et digital, a mené l’enquête sur les critères de choix des candidats. « En quête de sens, ils veulent rejoindre une entreprise qui a des engagements forts en RSE et en développement durable, avance Emmanuel Urfer, DRH du pôle IT & digital. L’intérêt des missions est également cité. Ils veulent mener des projets exigeants et challengeants qui ont un impact réel pour les utilisateurs finaux. »

Viennent ensuite le travail en mode hybride, l’équilibre vie personnelle ‒ vie professionnelle, les avantages sociaux, et la politique de formation. « Les jeunes qui sortent d’école sont conscients qu’ils devront apprendre toute leur vie. Ils veulent rejoindre une entreprise qui continuera à les former. » Lancée fin 2019, l’Académie Tech et Digital de BPCE formera quelque 3 000 collaborateurs cette année. Elle propose des formations certifiantes et diplômantes dans les domaines du code, de la data et de la cybersécurité. « Cela répond aux attentes des collaborateurs qui souhaitent améliorer le côté “bankable” de leur CV. »


TÉMOIN – LAURENCE COSSON-PIANTONI, directrice de la performance sociale de la DSI

Pôle emploi affiche les valeurs du service public

Comment attirer les informaticiens quand on est un établissement public comme Pôle emploi ? Justement en mettant en avant les valeurs véhiculées par l’agence et ses missions de service public. « Notre credo, c’est de fournir une IT inclusive, performante et sécurisée aux demandeurs d’emploi, aux entreprises et aux conseillers », avance Laurence Cosson-Piantoni, directrice de la performance sociale de la DSI. Des enjeux qui entrent en résonance avec les préoccupations des candidats, notamment ceux issus de la génération Z. « Il y a une quête de sens et la volonté d’exercer un métier à impact. Ils veulent voir au quotidien l’utilité de leurs actions. » Pôle emploi a, selon elle, d’autres arguments à faire valoir : « La DSI fait appel aux dernières technologies et est à la pointe de l’agilité. Nous avons par ailleurs de belles histoires à raconter. La DSI a par exemple assuré la continuité de ses services à 100 % durant la Covid, tout en recourant massivement au télétravail. C’est un sujet de fierté. » Au-delà des salaires qui sont désormais au niveau du marché, Laurence Cosson-Piantoni met en avant les cinq jours de formation par an en moyenne et trois jours de télétravail par semaine. Pôle emploi fait aussi la promotion de la performance par la confiance : « Le management partage l’information au bon niveau, associe les collaborateurs à la prise de décision, favorise l’autonomisation et la prise d’initiatives. »

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