Hype Cycle 2025 : cap sur agents IA, AI-ready data et TRiSM

Data / IA

Hype Cycle IA 2025 : boussole précieuse, pas boule de cristal

Par Laurent Delattre, publié le 07 août 2025

Agents autonomes, données calibrées pour l’IA et gouvernance renforcée : le Hype Cycle 2025 du Gartner confirme un virage décisif pour l’innovation IA en entreprise. L’heure n’est plus au buzz mais à la création de valeur concrète, entre sécurité, industrialisation et agilité opérationnelle.

La désormais célèbre « Hype Cycle » de Gartner est un modèle visuel qui cartographie la maturité des technologies dans le temps. Elle aide à estimer quand une innovation technologique cessera d’être un effet d’annonce et un buzz word médiatique pour devenir un levier fiable, afin d’aligner investissements et attentes. Dit autrement, cette courbe est une boussole stratégique instructive, pas un oracle. Car ce n’est ni un calendrier de déploiement garanti, ni un classement de « meilleures » technologies. Elle ne prédit pas votre ROI mais cadre la conversation « innovation » au sein des entreprise entre potentiel, risques, et timing. À vous d’y superposer votre contexte, vos contraintes et vos ambitions.

Cinq phases classiques la composent :
Innovation Trigger : Phase de découverte et premières preuves de concept, encore fragiles.
Peak of Inflated Expectations : Phase d’emballement médiatique, de promesses démesurées, de premiers succès isolés.
Trough of Disillusionment : Phase de contre-poids où la fatigue, les retours en arrière, les réalités opérationnelles, les coûts et les déceptions émergent.
Slope of Enlightenment : Phase des apprentissages, de découverte des cas d’usage solides, d’acquisition d’outils et de bonnes pratiques.
Plateau of Productivity : C’est la phase de large adoption, celle où la technologie est synonyme de valeur prévisible et d’intégration industrielle.

Sur le papier, toute technologie suit cette progression même si, bien évidemment, toutes les nouvelles technologies ne progressent pas à la même vitesse, même si certaines sautent parfois une étape et même si certaines n’iront jamais au bout de la courbe, disparaissant par manque de cas d’usages concrets.

Ce que dit l’édition 2025 côté IA

Cette semaine, alors que l’été bat son plein et les DSI se vident, Gartner a trouvé le moment opportun pour publier sa « Hype Cycle 2025 de l’IA » ! L’analyste des grandes tendances IT observe une migration des attentes des entreprises : L’IA générative n’est (enfin !) plus perçue comme une fin en soi et les entreprises accordent ainsi davantage d’énergie aux « fondations » opérationnelles qui garantissent une adoption durable et scalable de ces technologies.

Ainsi, le cœur de la bulle hype est passé des « foundation models » en 2023-2024 aux AI Agents et à la gouvernance (AI TRiSM, Responsible AI). L’IA générative se confronte désormais aux réalités de terrain et les entreprises, une fois la fascination de la découverte passée, parlent désormais de création de valeur concrète, de ROI, de mise à l’échelle et de sécurité.

« Les investissements dans l’IA restent toujours aussi élevés cette année mais l’accent est désormais mis sur l’utilisation de l’IA pour l’évolutivité opérationnelle et l’intelligence en temps réel », explique ainsi Haritha Khandabattu, analyste directeur principal chez Gartner. « Cela a conduit à un pivot progressif de l’IA générative (GenAI) en tant qu’objectif central, vers les catalyseurs fondamentaux qui soutiennent la fourniture d’IA durable, tels que les données prêtes pour l’IA (AI-ready data) et les agents IA. »

Ainsi, les « AI agents » et l’ « AI‑ready data » sont les deux tendances qui avancent le plus vite sur la courbe du Gartner en 2025, culminant au fameux « pic des attentes exagérées ». Deux autres tendances « Multimodal AI » et « AI TRiSM » dominent également le sommet, avec une adoption de masse visée à cinq ans, à condition d’aligner pilotes, infrastructure et métiers sur de la valeur tangible.

Pour Gartner ces quatre tendances constituent désormais quatre piliers essentiels de la transformation par l’IA des entreprises en 2025. Voyons ça de plus près…

1. Les agents IA : L’autonomie au service de la complexité

Au sommet du pic des attentes exagérées, les agents IA représentent l’innovation la plus prometteuse et la plus ambitieuse de cette édition. Ces entités logicielles autonomes ou semi-autonomes ont envahi l’espace média depuis le début de l’année marquant l’entrée des entreprises dans l’ère de l’IA Agentique.
Les agents IA ont fait passer l’IA générative au stade supérieur. L’IA ne se contente plus de converser, elle agit.
Et contrairement à la RPA et autres automatisations « intelligentes » de ces dernières années, les Agents IA ne se contentent pas d’exécuter des tâches prédéfinies : ils perçoivent leur environnement, prennent des décisions en toute autonomie et agissent de manière proactive pour atteindre des objectifs complexes.

Reste que ces agents si médiatisés doivent encore se confronter à la réalité de terrain. Tous sont encore très immatures. L’enjeu pour les organisations réside dans l’identification des contextes d’usage pertinents. Contrairement à ce que le marketing des grands acteurs essaye de nous faire avaler, chaque entreprise étant unique, chaque agent IA sera unique et chaque situation différente. Dès lors, leur déploiement va requérir une approche sur mesure pour aligner étroitement les capacités technologiques avec les besoins métiers spécifiques.

2. L’AI-Ready Data : Le carburant de l’intelligence

Positionnée elle aussi au pic des attentes, la donnée prête pour l’IA constitue le socle indispensable de toute stratégie d’IA à grande échelle. Cette approche transcende la simple collecte de données pour garantir leur optimisation contextuelle selon les cas d’usage spécifiques et les techniques d’IA employées.

Les organisations qui investissent massivement dans l’IA doivent repenser radicalement leurs pratiques de gestion des données. Une gouvernance de la donnée pensée pour l’IA s’impose. L’objectif : assurer la confiance, minimiser les risques de conformité, protéger la propriété intellectuelle et réduire les biais et hallucinations qui peuvent compromettre la fiabilité des systèmes.

3. L’IA multimodale : La convergence des sens numériques

L’IA multimodale représente une évolution naturelle vers des systèmes capables de traiter simultanément images, vidéos, audio et texte. Cette capacité d’intégration et d’analyse de sources diverses permet une compréhension plus nuancée et contextuelle des situations complexes.

Gartner prédit que cette technologie deviendra omniprésente dans les cinq prochaines années, s’intégrant progressivement dans chaque application et produit logiciel, tous secteurs confondus. Cette démocratisation ouvrira des perspectives inédites pour des applications plus intuitives et performantes.

4. AI TRiSM : La gouvernance comme impératif

Décidément, Gartner tient à son « AI TRiSM », un sigle qu’il a créé et qu’il nous ressert un peu à toutes les sauces. Acronyme de « Trust, Risk and Security Management », l’AI TRiSM émerge comme une nécessité critique face aux défis éthiques et sécuritaires sans précédent posés par ces technologies. Cette approche multicouche assure la gouvernance, la fiabilité, l’équité, la sécurité et la protection des données à travers quatre niveaux de capacités techniques.

Comme le souligne Haritha Khandabattu, les contrôles conventionnels ne suffisent plus face aux nouveaux défis de l’IA.  « Les organisations doivent évaluer et mettre en œuvre la technologie AI TRiSM en couches pour soutenir et appliquer en permanence des politiques dans toutes les entités d’IA utilisées. »

Ces autres technologies qui interpellent ?

L’étude attentive de cette courbe fait également apparaître de nouvelles tendances qui méritent que l’on s’y attarde un peu.

AI Native Engineering : L’ingénierie réinventée

L’IA a déjà profondément impacté le quotidien des développeurs. Mais c’est désormais toute la chaîne de l’ingénierie logicielle qui commence sa mue IA. L’AI Native Engineering représente une mutation profonde des pratiques de développement logiciel. Cette approche ne se contente pas d’utiliser l’IA comme un outil d’assistance au codage : elle repense entièrement le cycle de développement autour de l’intelligence artificielle.
Les ingénieurs “AI-native” intègrent l’IA à chaque étape du processus, depuis la conception architecturale jusqu’au déploiement. Ils structurent leurs bases de code pour optimiser la collaboration avec les assistants IA, utilisent des fichiers de règles standardisés et adoptent une posture de superviseur plutôt que de codeur traditionnel. Cette transformation permet des gains de productivité allant de 2x à 10x selon les tâches, avec des équipes plus petites capables de livrer des projets plus ambitieux.

Causal AI : Comprendre le “pourquoi”

L’IA causale dépasse les simples corrélations pour identifier les véritables relations de cause à effet. Autrement dit, alors que les systèmes IA actuels excellent à identifier des corrélations dans les données, l’IA causale cherche à comprendre les véritables relations de cause à effet qui gouvernent les phénomènes observés. Utilisant des modèles structurés et des graphes dirigés, elle prédit non seulement ce qui va arriver, mais comprend pourquoi et comment intervenir. Ses applications concrètes ? L’évaluation des risques bancaires par identification des facteurs causaux de défaillance, l’optimisation industrielle basée sur la compréhension des mécanismes sous-jacents, la recherche scientifiques autour du climat, des maladies, des traitements, etc.

World Models : La physique intuitive

Ian Le Cun, le patron de la recherche IA de Meta, en est convaincu. Les modèles actuels qui dérivent de GPT n’iront jamais jusqu’à l’intelligence artificielle générale parce qu’il leur manque une vraie perception et compréhension du monde. Il faut donc explorer d’autres pistes. Et parmi elles, les World Models portent de nombreux espoirs.
Les World Models créent des représentations internes du monde physique, permettant aux IA de comprendre que les objets tombent, que l’eau s’écoule, que les matériaux ont des propriétés spécifiques. Meta’s V-JEPA 2, Google’s Genie 3 et Nvidia Cosmos illustrent cette tendance qui sera cruciale non seulement pour l’AGI mais aussi pour la robotique et les véhicules autonomes ainsi que pour rendre nos jumeaux numériques véritablement intelligents.

Neurosymbolic AI : Transparence et performance

Cette approche hybride combine la capacité d’apprentissage des réseaux de neurones avec la transparence du raisonnement symbolique. Résultat : des systèmes qui expliquent leurs décisions, réduisent les hallucinations et nécessitent moins de données d’entraînement. IBM y voit “une voie vers l’AGI”, tandis que Google DeepMind l’utilise déjà pour résoudre des problèmes mathématiques complexes. Fun Fact : c’est justement avec une IA qui n’est pas neurosymbolique que Google avec son Gemini 2.5 Deep Think vient d’emporter la médaille d’or aux Olympiades de mathématiques…

Composite AI : L’orchestration multicouche

L’IA Composite AI représente l’art d’orchestrer plusieurs technologies d’IA pour créer des solutions plus complètes et adaptatives. Plutôt que de s’appuyer sur un seul modèle ou technique, cette approche combine machine learning, traitement du langage naturel, vision par ordinateur et IA causale dans des architectures intégrées.

Cette approche composite permet de traiter des problèmes complexes sous plusieurs angles simultanément. Dans le domaine de l’AIOps par exemple, elle combine IA causale pour identifier les causes profondes, IA prédictive pour anticiper les problèmes et IA générative pour expliquer les solutions en langage naturel. Le marché du Composite AI devrait atteindre 35,56 milliards de dollars d’ici 2034, reflétant son potentiel transformateur pour les entreprises cherchant des solutions IA holistiques.

Les horizons lointains

Avant de conclure, un mot s’impose sur les deux seules technologies de cette courbe marquées d’un triangle signifiant qu’il faudra plus d’une décennie avant de les voir devenir une réalité d’entreprise.

AGI : Entre 2030 et 2060

L’Intelligence Artificielle Générale (AGI) reste l’objectif ultime de la recherche en IA : créer des systèmes capables d’égaler ou de surpasser les capacités cognitives humaines dans tous les domaines. Les prédictions varient considérablement, de Sam Altman anticipant une percée imminente à des estimations plus conservatrices plaçant l’AGI vers 2040-2050.

Les leaders de l’industrie comme Demis Hassabis (Google DeepMind) et Sergey Brin évoquent une fenêtre autour de 2030, tandis que les enquêtes auprès des chercheurs suggèrent une probabilité de 50% d’atteindre l’AGI avant 2060. Car, même si nos IA nous étonnent déjà, les défis de l’AGI restent immenses : compréhension contextuelle, raisonnement de sens commun, intelligence émotionnelle et créativité véritable.
Sans compter que l’AGI soulève aussi des questions éthiques et sociétales fondamentales sur l’emploi, le contrôle et l’alignement avec les valeurs humaines.

Quantum AI : La révolution computationnelle

Pour beaucoup l’avenir de l’informatique quantique passe par l’IA et l’avenir de l’IA passe par le quantique. L’informatique quantique est une informatique probabiliste ce qui en fait une informatique bien plus naturelle pour l’IA que l’informatique binaire. La fusion entre informatique quantique et IA promet des capacités exponentiellement supérieures pour l’optimisation et la simulation moléculaire.
IBM qui prévoit sa première machine non bruitée à l’horizon 2029/2030 reste persuadée que ses machines NISQ actuelles ont déjà un réel potentiel applicatif notamment dans l’IA. 2026 devrait marquer une étape importante dans la capacité des systèmes quantiques à se frotter à des applications réelles.
A plus long terme, l’IA quantique pourrait révolutionner la découverte de médicaments, la modélisation climatique, l’optimisation financière et la cryptographie.

Comment lire cette courbe sans se brûler les ailes ?

Ne poursuivez pas la « nouveauté », poursuivez la valeur. C’est en substance le message délivré par Gartner aux DSI. Lancez des pilotes étroitement alignés sur des objectifs métiers, benchmarquez proactivement votre infrastructure (coûts, latences, résilience), coordonnez équipes IA et métiers autour d’indicateurs résultats. La Hype Cycle est un amplificateur d’attention. Votre clairvoyance et votre discipline d’exécution sont ce qui transformera une promesse en avantage compétitif.

Trois garde‑fous concrets sont suggérés :
1 – Cadrez les AI agents par des limites d’action, des tests en bac à sable, et une supervision humaine claire.
2 – Investissez d’abord dans l’AI‑ready data (littératie, contrats de qualité, catalogues, lignée, protections IP); c’est le multiplicateur de tous les cas d’usage.
3 – Traitez l’AI TRiSM comme une plateforme, pas comme un projet : politiques dynamiques, monitoring en production, revues d’éthique et de résilience couplées aux releases.

La Hype Cycle 2025 met la lumière là où elle doit être : agents, données prêtes pour l’IA, multimodalité et TRiSM. Autrement dit, moins de slogans, plus d’ingénierie et de gouvernance pour produire de la valeur fiable. Rien d’original finalement, puisque l’on retrouve ces 4 tendances dans les discours marketings des leaders américains que sont Microsoft (avec Azure Foundry), Google (avec Vertex AI et son Data Cloud), AWS (avec Sagemaker et Bedrock) mais aussi Snowflake et Databricks. Et c’est tout le problème. Dans la réalité, toutes ces plateformes sont encore très immatures sur ces quatre sujets et comprennent encore beaucoup d’outils expérimentaux.

Il en émerge un dernier conseil : utilisez la courbe Gartner comme une boussole pour choisir vos batailles, puis prenez la route en alignant un problème réel, un petit périmètre, des données prêtes, des garde‑fous, et une métrique de vérité. Le reste, c’est du bruit… et il est temps d’en baisser le volume…


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