La CILE adopte LoRA

Gouvernance

La CILE crée son réseau LoRa pour ses relevés de consommation

Par Alain Clapaud, publié le 05 août 2024

L’IoT est certes intéressant pour les smart cities et le smart metering, mais les tarifs des opérateurs peuvent effrayer. La compagnie qui gère la distribution de l’eau de la région de Liège, la CILE, a ainsi préféré construire son propre réseau LoRa. Elle le propose maintenant aux communes pour offrir aux citoyens des services dans d’autres domaines que la gestion de l’eau.

Difficile de trouver un ROI pour une compagnie des eaux qui doit déployer des centaines de milliers de compteurs communicants et s’appuyer sur une infrastructure d’opérateur pour collecter leurs données. William de Angelis, ex-CIO/CDO de la CILE, l’a constaté lors des premières études portant sur le réseau de smart metering de la Compagnie intercommunale de Liège. « La CILE dessert près de 600 000 habitants sur 24 communes, soit près de 300 000 compteurs d’eau. S’appuyer sur un opérateur pour la remontée représente un coût important. Il y a six ans, ce coût était évalué à 1 € mensuel pour chaque objet connecté, soit 3,6 M€ par an. Comme nous avons une obligation de remplacer les compteurs tous les 16 ans, cela représentait un budget total de 57 M€. Au tarif demandé par les opérateurs, il n’y avait vraiment pas de business case possible. »
La conclusion de cette évaluation est claire : il fallait créer un réseau LoRa privé sur l’ensemble de ces communes pour que le projet soit viable.

Les antennes LoRa déployées sur les châteaux d’eau

William de Angelis va alors s’appuyer sur NTT et Cisco pour déployer des antennes LoRa sur les 48 châteaux d’eau de la compagnie. « Les châteaux d’eau nous appartiennent et sont, par définition, des points hauts. Nous avons installé les 48 antennes pour un coût total inférieur à 1,5 M€. »

Les systèmes SCADA de ces ouvrages étant déjà connectés au système d’information de la CILE, ce même réseau sera exploité pour rapatrier les données collectées par les passerelles Cisco et les antennes LoRa.

La CILE dispose d’un réseau LoRa en mode « run » pour la relève des données de consommation. Elle souhaite désormais développer des algorithmes pour être plus précis dans les prédictions, identifier des tentatives de fraudes, etc.

Outre sa portée, l’atout de la technologie LoRa est de ne pas nécessiter de licence d’exploitation, ni d’autorisation pour l’installation des antennes. « L’antenne ressemble à un sabre de Star Wars et présente une portée théorique de 15 km. Mais en Belgique, les compteurs d’eau sont généralement dans les caves, ce qui implique une communication plus difficile, raison pour laquelle nous avons dû déployer ce total de 48 antennes. »

Dans cette architecture, la plateforme signée Cisco et Actility joue un rôle de supervision du réseau LoRa. Elle autorise qu’un objet connecté utilise le réseau et que les données soient chiffrées de bout en bout. NTT a pour sa part piloté l’installation des antennes et réalisé l’intégration de ce réseau télécom privé avec le système informatique de la CILE.

Le déploiement a débuté en 2021. La couverture réseau, de 48 % à l’époque, a été portée à 66 % un an plus tard et à 75 % en 2023. L’objectif est d’atteindre 85 % à l’horizon 2025. « Une couverture à 100 % est impossible. Il y aura toujours des zones plus difficiles à atteindre. Nous proposons à nos 24 communes d’accéder à ce réseau, et si une zone n’est pas couverte, d’utiliser l’un de leurs bâtiments publics pour affiner le maillage. »

Un enjeu majeur du projet est de remplacer les 267 000 compteurs de la région. Le rythme de renouvellement est de l’ordre de 7,5 % du parc par an. La CILE a fait le choix de compteurs mécaniques dotés d’un clip communicant qui vient se fixer au-dessus de l’écran. « Il n’y a pas de câble et le compteur émet une alerte si on essaie de le déclipser, explique William de Angelis, avant d’ajouter : Nous avons commencé à remplacer tous les compteurs de plus de neuf ans par des compteurs communicants. Le plus coûteux reste le déplacement du technicien et le temps de pose. Le compteur lui-même ne coûte qu’environ 38 € auxquels s’ajoutent 20 € pour la tête LoRa. »
En 2023, 30 000 compteurs communicants avaient été déployés dans les zones couvertes par le réseau, avec l’objectif d’atteindre les 70 000 en 2025.

William de Angelis

ex-CIO/CDO de la CILE

« Au tarif demandé par les opérateurs, il n’y avait vraiment pas de business case possible.»

Pour viser une durée de vie de 16 ans du module LoRa, l’équipe projet a dû optimiser la collecte des informations : « Nous avons opté pour une remontée quotidienne de 24 données, soit une mesure de consommation par heure. »
Cette restriction ne nuit pas aux avantages multiples que présentent les compteurs connectés car ceux-ci permettent notamment de réduire les tournées des agents de collecte et de limiter la flotte de véhicules dédiés à cette tâche. Par ailleurs, les nouveaux services numériques proposés via l’espace client aident à la diminution des volumes d’impression de factures… et à celui du mécontentement des abonnés lorsqu’ils reçoivent leur régularisation de consommation d’eau.

Quatre grands cas d’usage pour ce IoT

L’application numéro 1 de ce réseau LoRa privé est le smart metering, la télérelève des compteurs, mais ce n’est pas la seule. « Dès que la viabilité du projet a été acquise, nous avons réfléchi aux cas d’usage que nous pourrions mettre en place pour délivrer de nouveaux services aux citoyens, mais aussi pour optimiser notre réseau de production et de distribution d’eau. »
Les projets smart leak et smart grid ont été lancés afin d’améliorer la maintenance des 3 500 km de conduites pour la distribution et le réseau d’adduction qui relie les nappes souterraines et les installations de production et de stockage de l’eau dans les châteaux d’eau. Des centaines de capteurs de comptage d’eau ont été installés sur le réseau afin de localiser rapidement les segments où apparaissent des fuites. Les gains espérés pour 2024 sont de l’ordre de 100 000 m3.

Un quatrième projet vise à mettre ce réseau privé à disposition des communes, avec des applications possibles dans les domaines du parking ou de la gestion intelligente des tournées de collecte des poubelles. D’ailleurs, en cocréation avec la CILE, Intradel (Association Intercommunale de Traitement des Déchets Liégeois) a monté un projet avec NTT pour l’Innovation Challenge de Cisco Belux en 2021. Des caméras intelligentes Meraki surveillaient le niveau de remplissage des conteneurs publics de collecte de déchets et communiquaient l’information par LoRa aux usagers. De même, un suivi GPS des conteneurs était assuré via le même réseau.

Les idées ne manquent donc pas à Liège, d’autant que le Plan Climat Européen qui impose une réduction de la consommation énergétique des bâtiments de l’ordre de 30 % d’ici 2030 va pousser les villes à réaliser des investissements, et déployer des objets connectés pour mieux mesurer et maîtriser leur consommation énergétique. « Certes, ces collectivités locales ont des problèmes de budget, et d’élections à venir. Mais au-delà des problèmes politico-humains, la technologie proprement dite est prête », conclut William de Angelis. Il ne reste plus à la CILE qu’à assurer le marketing de son réseau auprès des communes et à trouver des clients pour ces nouveaux cas d’usage.


Le Projet en Chiffres

48 châteaux d’eau équipés d’antennes LoRa, 53 antennes à terme

50 000 compteurs communicants

450 équipements SCADA en place en 2024

563 400 personnes desservies


L’organisme CILE (Compagnie intercommunale de Liège)

Activité : Distributeur d’eau
Effectif : 392 collaborateurs
CA       : 137 M€




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