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La Finance et les médias sociaux peuvent-ils faire bon ménage ?

Par La rédaction, publié le 30 septembre 2013

Encore terra incognita pour beaucoup d’acteurs de la Finance il y a quelques mois, le web social est peu à peu en train de devenir un enjeu majeur.

Depuis la crise des subprimes et l’effondrement de Lehman Brothers en 2008, le monde de la Finance est régulièrement et violemment stigmatisé, pointé du doigt et accusé de tous les maux.

Un certain nombre de mutations sont depuis à l’œuvre : une exigence de transparence chaque jour plus grande, une demande de réactivité permanente, une pression de l’opinion et aussi, facteur important, une digitalisation progressive du top management des grandes entreprises. 

Autant de mouvements favorisant une plus grande prise en compte, a priori, du web et des médias sociaux par ces acteurs de la Finance. Encore terra incognita pour beaucoup d’acteurs de la Finance il y a quelques mois, le web social est peu à peu en train de devenir un enjeu majeur.

Les acteurs de la finance sont-ils tous concernés ?

–    les producteurs d’information et agences de notation : depuis quelques mois Bloomberg intègre désormais les tweets dans les écrans radars scrutés jour et nuit par les analystes et traders. L’agence Standard & Poors est très active sur Twitter, bien que de façon très “verticale” (pas de conversation, de RT ou de reply).  Ce qui est certain c’est que comme dans d’autres domaines, le web et les réseaux sociaux sont des foyers de rumeurs qui peuvent être très déstabilisants comme en témoigne le cas de @russian_market en début d’année.

Evidemment, les journalistes occupent maintenant l’espace au travers de blogs personnels ou de leur propre compte Twitter devenu en quelques mois un outil de travail indispensable pour eux.

–    les entreprises cotées sont évidemment concernées et ont un intérêt certain à valoriser leur discours financier sur le terrain social. Si 9 entreprises sur 10 du CAC 40 ont aujourd’hui un compte corporate sur Twitter par exemple, toutes n’utilisent pas toutes les potentialités de la plate-forme, contrairement à leurs cousines américaines.
Les gendarmes de la Bourse sont évidemment très vigilants et les marges de manœuvres sont très conditionnées par le cadre légal : heures de publication très précises, format des messages, … néanmoins certaines entreprises françaises comme Air Liquide ou Renault n’hésitent pas à intégrer un volet digital dans tous leurs temps forts de communication financière : analysts day, assemblée générale d’actionnaires, …

–    les analystes : dès 2010, des études tendaient à démontrer un usage assez important des média sociaux comme sources d’informations. Il est clair que l’usage n’a fait que se développer depuis plusieurs années. De même Linkedin est un outil parfait pour la mise en relation et le décryptage de parcours professionnels et suffisamment premium pour répondre aux attentes de ce type de public.

–    Les investisseurs (banques, fonds, private equity…) : si par nature cette catégorie n’a jamais été réellement présente en terme de communication (et a fortiori sur le digital), on peut faire le pari que les choses vont évoluer rapidement comme on l’observe aux Etats-Unis par exemple (le fonds Blackstone, l’un des plus gros au monde, utilise très bien le canal twitter). Une institution comme la BPI fait des médias sociaux et du digital une priorité, comme le prouve un déploiement très large sur plusieurs réseaux (Twitter, Facebook et Linkedin). Au Royaume-Uni, la banque Barclays a  mis en ligne des social media guidelines qui structurent sa démarche et sa façon de fonctionner sur le web.

–    Les régulateurs : la SEC a récemment publié un communiqué indiquant qu’elle autorisait les entreprises à utiliser les médias sociaux pour partager des informations stratégiques si cela s’effectuait dans le respect des principes de la Regulation FD et à partir du moment où les investisseurs sont prévenus du canal utilisé…On autorise mais on contrôle en résumé. Pas si anecdotique qu’il n’y parait, Twitter a communiqué sur l’IPO via son compte corporate. 135 caractères, 15 000 re-tweets, visibilité garantie.

La SEC a d’ailleurs elle-même une présence sur plusieurs réseaux sociaux et compte pas moins de 4 comptes Twitter officiels ! L’AMF reste très en retard en France, sans qu’on puisse donner d’autres explications que culturelles.

Stocktwits, le Twitter de l’analyste financier ?

A priori nous serions tentés de dire oui, à des degrés différents évidemment. Prenons plusieurs exemples :

Si Twitter est aujourd’hui devenu un outil souvent privilégié de beaucoup d’entreprises, peu connaissent encore Stocktwits. Le principe ? Une plateforme d’échange (très proche des fonctionnalités Twiter, et interfacé avec ce réseau) regroupant traders et investisseurs pour partager des infos, des idées, parler avec des experts…
C’est notamment Stocktwits (qui appartient désormais CNBC) qui a mis au point l’idée de label $ permettant de suivre les cours de bourse des entreprises côtés. Usage auquel Twitter a répondu en créant le cashtag, désormais utilisés par plusieurs entreprises du CAC 40. 

Stocktwits est révélateur de deux phénomènes : d’une part la démocratisation du trading et de la consommation d’informations financières dés-intermédiées. D’autre part de l’émergence de réseaux sociaux fonctionnant quasiment de façon tribale : même codes, mêmes langages, mêmes centre d’intérêts. Des réseaux de niche (700 000 membres tout de même) qui vont se démultiplier face aux réseaux mainstream tels que Facebook Twitter ou Linkedin.

Quoi qu’il en soit, il témoigne d’une tendance, sans aucun doute irréversible. Cela fait plus de trois ans que les directeurs financiers américains live-tweets leurs assemblées générales et il y a fort à parier que ce phénomène va se propager en Europe et en France. La Finance se met au digital, accepte de “rentrer dans l’arène” en adoptant peu à peu les bons usages. Un pas de plus vers la transparence attendue. 

Dimitri Granger

Dimitri Granger

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