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L’arrêt de CentOS Linux met les DSI, les entreprises et les clouds dans l’embarras.

Par Laurent Delattre, publié le 16 décembre 2020

Red Hat annonce arrêter les développements de CentOS Linux et stopper le support de CentOS 8 au 31 décembre 2021. Une décision brutale et surprenante qui prend bien des entreprises à contre-pied.

L’écosystème Red Hat est complexe. Il comporte d’un côté le très officiel RHEL (Red Hat Entreprise Linux) considéré depuis longtemps comme une référence par les grandes entreprises, largement répandu sur les clouds publics, et devenu le véritable pilier de la stratégie cloud hybride d’IBM (qui a racheté Red Hat en 2019). Il comporte également deux éditions beaucoup plus communautaires : l’incontournable Fedora qui vit davantage grâce à sa communauté même si Red Hat en reste le principal pilote et CentOS Linux bien davantage contrôlé et piloté par Red Hat avec une volonté de coller à RHEL au plus près.
Gratuit, CentOS Linux est devenu très populaire dans bien des entreprises et sur bien des clouds (publics comme privés).

Les choses se sont compliquées l’an dernier avec l’annonce de CentOS Stream une branche de CentOS différente de CentOS Linux. Alors que CentOS Linux était plus ou moins synchrone avec RHEL, CentOS Stream s’impose comme la plateforme de développement de Red Hat pour expérimenter, en avance de phase, des futures fonctionnalités de RHEL. CentOS Stream est ainsi présentée comme une « rolling release » dans une pure démarche DevOps et le nouveau socle pour les développeurs Red Hat.

Chronique d’une mort prévisible

Cette semaine, une annonce est venue confirmer ce que certains craignaient : CentOS Stream marque bien la fin de CentOS Linux ! Le développement de ce dernier est arrêté. Le support de CentOS Linux 8 sera assuré jusqu’au 31 décembre 2021 alors que les entreprises s’attendaient à un support de dix ans jusqu’en 2029. De quoi décontenancer les entreprises qui ont migré sur l’édition 8 alors que la version 7 reste elle maintenue jusqu’en décembre 2024 ! Il y a de quoi en perdre son jargon.

Il est clair qu’en rachetant Red Hat, IBM désirait centrer sa vision sur RHEL. Et dans ce contexte, la place de CentOS troublait les plans du géant américain. L’arrêt de CentOS Linux s’accompagne d’une volonté marquée chez Red Hat, et plus encore chez IBM, d’amener les clients CentOS à adopter le plus commercial et coûteux RHEL (et ses licences par abonnement)!

Car Red Hat est très clair sur un point : CentOS Stream n’est pas un remplaçant de CentOS. C’est une version qui est davantage destinée aux développeurs et qui a vocation à convertir davantage de développeurs Linux à s’intéresser à l’univers Red Hat. Elle permet aussi aux équipes de Red Hat une évolution plus agile que RHEL ou CentOS Linux ne le permettait (notamment parce qu’elle n’a pas vocation à servir de fondation aux infrastructures critiques des entreprises).

C’est là que bien des DSI se sentent pris au piège et s’insurgent contre les récentes décisions de Red Hat. Peu acceptent qu’on leur force ainsi la main, refusent de migrer vers RHEL et cherchent à retrouver des alternatives gratuites à CentOS Linux.

La grande question : Quelles alternatives ?

Mais « trouver des alternatives » s’annonce plus compliqué qu’il n’y paraît. La décision de Red Hat a relancé la guerre des distributions et créé encore plus de chaos dans le chaos.

Choqué par l’annonce, l’ex co-fondateur de CentOS, Greg Kurtzer, vient d’annoncer son intention de reconstruire une communauté autour d’un Fork de CentOS Linux 8 qu’il compte appeler « Rocky Linux » (en hommage à Rocky McGough l’un des 2 autres co-fondateurs de CentOS).

De son côté, l’éditeur CloudLinux – qui propose une distribution payante spécialement pensée pour l’hébergement Cloud Public comme Privé et justement basée sur CentOS Linux – annonce Project Lenix « un fork de RHEL open source et communautaire » qui veut être 100% compatible avec CentOS Linux 8 et faciliter la migration depuis ce dernier.
L’éditeur s’est livré à un rapide sondage auprès de la communauté CentOS. Selon les résultats, 61,5% des utilisateurs de CentOS attendent un fork RHEL capable de remplacer le système désormais abandonné. 38,5% envisagent en revanche de basculer sur Debian, OpenSUSE ou Ubuntu.
Pour supporter le démarrage de Project Lenix, CloudLinux veut y investir plus d’un million de dollars par an afin que ce clone de CentOS Linux s’impose rapidement.

Autre acteur à se faire remarquer, Oracle dont l’Oracle Linux est lui aussi 100% binairement compatible avec RHEL. L’entreprise a immédiatement réagi à l’annonce en rappelant que « nous avons rendu le logiciel Oracle Linux disponible gratuitement… Et nous avons créé un script simple pour basculer vos systèmes CentOS vers Oracle Linux ».

En revanche, HPE se montre jusqu’ici étrangement discret. Pourtant son ClearOS livré avec ses serveurs Proliant est une alternative basée sur RHEL 7 qui pourrait bien séduire les entreprises s’appuyant sur ses hardwares avec l’assurance d’une exécution optimale.

Bref, l’annonce de Red Hat a provoqué des remous importants dans l’univers Linux et interroge aujourd’hui les DSI qui avaient opté sur CentOS. Des choix vont rapidement devoir être faits. Et la relance de la guerre des distributions ne va pas simplifier les décisions…

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