Opinions

Les managers intermédiaires, les boucs émissaires du non-changement

Par La rédaction, publié le 03 avril 2013

Le middle management n’est pas un frein en soi à l’entreprise 2.0. C’est le contexte dans lequel il évolue qui lui fait opter pour l’attitude souvent la plus adéquate : l’attente.

Quiconque voudrait lister les causes les plus fréquentes de non-adoption des pratiques et technologies sociales, placerait en bonne place culture d’entreprise et middle management. A tel point qu’il s’agit là d’une donnée, d’un fait acquis qui fait partie des éléments de contexte de chaque projet sans même qu’on se pose la question : vous serez ralentis voire pénalisés par votre culture et votre middle management.

La culture d’entreprise, un prétexte facile pour ne rien faire

En est-on si sûr ?

Il est évident que la dimension culturelle est tout sauf neutre. Mais à invoquer “la” culture on ne sait plus trop de quoi on parle. Culture d’entreprise ? Culture locale ? Valeurs individuelles ? En fait, chaque collaborateur évolue aux confluents des trois et il est bien difficile de définir “la” culture d’une organisation donnée. Alors de là à tout lui mettre sur de dos…
Oui la culture compte. Mais elle est trop souvent évoquée avant même d’essayer quoi que ce soit pour expliquer pourquoi le projet va échouer et pourquoi, d’ailleurs, il vaut mieux ne rien tenter du tout. Lorsqu’elle devient le premier argument invoqué en cas de difficulté sans analyse profonde, mieux vaut se poser des questions.

Au départ, on n’en parlait pas ou peu. Aujourd’hui la culture de l’entreprise est sur toutes les lèvres mais on ne s’en préoccupe pas plus. Elle est devenue le parapluie par excellence, celui qui explique tout sans avoir à rien expliquer d’ailleurs. Au lieu de la comprendre, de s’en servir pour avancer, de la faire évoluer, on s’en sert comme prétexte pour ne rien faire, sans essayer de la comprendre. Alors, oui, la culture compte. Mais pas comme elle devrait.

Le middle management : il est temps de s’en préoccuper

Quant au middle management, c’est lui aussi un bouc émissaire facile. Si l’entreprise passe à un modèle 2.0, son rôle va nécessairement changer. Il ne sera plus celui par qui l’information circule, cela va lui faire perdre du pouvoir voire sa raison d’être. Il va donc nécessairement freiner des quatre fers et devenir la première cause d’inertie face aux changements en cours. C’est logique, obligatoire, nécessaire. Comme la culture, le middle manager sert d’excuse a priori pour ne rien faire et de bouc-émissaire a postériori pour justifier un ratage. Mais au final, personne ne se préoccupe vraiment de lui. Il est un problème par définition et rien n’y changera rien. Mais lui demande-t-on seulement son avis ?

Et bien lorsqu’on lui demande son avis, le middle manager est raisonnable, lucide et positif. A se demander si ce n’est pas lui qui a trouvé la bonne formule : la tête dans les étoiles pour innover et les pieds sur terre pour avancer.

Des managers plus intéressés qu’il n’y parait

Il y a une quinzaine de jours, à l’Enterprise 2.0 Summit, je participais à une table ronde sur le sujet aux côtés de Luis Suarez. Nos deux points de vue étaient complémentaires. Soit le middle manager est par définition, voire par vocation, un frein. Il l’a décidé et l’assume. Dans ce cas, laissons-le dans son coin. Lorsque tout le monde aura bougé, il sera bien obligé de suivre. Et qu’on s’occupe ou non de lui, il se plaindra. Donc autant travailler avec ceux qui veulent avancer. Vous trouvez ce discours durentreprise 2.0 Summit? Rassurez-vous, il ne touche que quelques pour-cent des individus. Voire beaucoup moins. Ce type de middle manager est infiniment rare, parfois introuvable.

Soit il est prêt à avancer et trouve le projet intéressant… mais ne bouge pas. On le sent séduit, mais cela s’arrête là. C’est le cas de la grande majorité des responsables intermédiaires, avec un niveau d’attentisme variable. Dans ce cas, il faut bien se dire que le problème ne vient pas du manager, mais du contexte dans lequel il évolue. Parfois même, de ceux qui lui reprochent, à tort, d’être un frein. En effet, comme l’écrivait récemment Oscar Berg, dans la lignée de ce que j’avais pu constater à maintes reprises, l’individu n’est pas le problème.

Les salariés s’adaptent aux règles de l’entreprise

Le fait que dans une situation donnée deux individus réagissent de manières différentes ne tient pas qu’à eux. Mais un peu à la culture d’entreprise, un peu au management, un peu aux procédures, processus et modalités de prise de décision, ou encore à des facteurs RH, comme les grilles d’évaluation et les fiches de poste, etc. Dans certains contextes, l’internaute social, affable, serviable et partageur se pare de tous les défauts inverses une fois qu’il a passé la porte du bureau… Il retrouvera tout ou partie de ses qualités le jour où il changera d’entreprise. A l’inverse, le plus solitaire, vindicatif et asocial des salariés se fera violence pour s’adapter à un système favorisant la collaboration et la transparence.

Au final, l’individu ne compte que pour 6 % dans les blocages. Le système est responsable des 94&#160% qui restent.

Le middle manager ne freine pas&#160: il respecte les règles et le système comme on le lui demande. Et s’il se plaint de la pression et de l’incohérence, il y a de quoi. Car il est aussi soumis à des demande contradictoires. Alors, dans le doute, il s’en tient aux règles.

Blâmer le middle manager, c’est blâmer celui qui respecte les règles, alors qu’on voudrait bien tout changer sans toucher à celles-ci. C’est blâmer celui à qui on fait porter tout le poids du changement sans se salir les mains.

Alors, blâmons la culture. Elle, au moins, ne nous répondra pas.

Ou alors blâmons-nous nous-mêmes de ne pas nous donner les moyens de nos ambitions.

Bertrand Duperrin

Bertrand Duperrin

Dans l'actualité

Verified by MonsterInsights