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OpenAI face à ses défis : 6,6 milliards pour rester leader ou éviter l’impasse ?

Par Thierry Derouet, publié le 04 octobre 2024

Avec 6,6 milliards de dollars en poche, OpenAI a les moyens de consolider sa position de leader dans l’intelligence artificielle. Cependant, les défis d’OpenAI sont nombreux : optimiser ses infrastructures, réduire son empreinte énergétique, et élargir son modèle économique pour ne pas rester prisonnière des seules solutions LLM.

OpenAI a annoncé une levée de fonds record de 6,6 milliards de dollars. Cette levée, menée par Thrive Capital et soutenue par des géants tels que Microsoft, Nvidia et Softbank, propulse la valorisation de l’entreprise à 157 milliards de dollars. Cette opération place la start-up de l’intelligence artificielle parmi les entreprises privées les plus valorisées, rejoignant des géants comme SpaceX (210 mds €) et Bytedance (225 mds €), respectivement dans les secteurs de l’exploration spatiale et des réseaux sociaux avec TikTok. L’an dernier, la valorisation d’OpenAI atteignait « seulement » 86 milliards de dollars. Cette levée de fonds s’accompagne toutefois de certaines conditions pour les investisseurs. Ces derniers pourront céder leurs parts si OpenAI ne finalise pas sa transformation en entreprise à but lucratif. Aujourd’hui contrôlée par un conseil d’administration à but non lucratif, la société se trouve à un tournant crucial, avec des départs récents de dirigeants comme Mira Murati, la directrice technique.

Des enjeux internes et externes éthiques…

Le changement de statut en entreprise à but lucratif pourrait permettre à Sam Altman de renforcer sa position en acquérant une part du capital, tout en garantissant aux investisseurs un retour sur investissement. Cependant, cette transformation pourrait également soulever des questions sur la mission première de l’entreprise, qui a longtemps prôné un usage éthique et responsable de l’intelligence artificielle.

Malgré cette injection massive de capital, OpenAI doit répondre à une question cruciale notamment pour les DSI : ces fonds suffiront-ils à maintenir une avance technologique durable face à des concurrents tels qu’Anthropic et Google DeepMind, qui réduisent rapidement l’écart ? Sam Altman et son équipe doivent impérativement trouver un équilibre entre innovation, rentabilité et durabilité, sous peine de voir leur avance s’effriter.

… mais également techniques

Les investissements consentis montrent la confiance des acteurs majeurs de la technologie dans les capacités d’OpenAI à continuer de révolutionner l’IA. Toutefois, les récents événements, comme le DevDay 2024, soulignent les défis croissants. Alors que la concurrence innove à un rythme soutenu, OpenAI doit prouver que son approche technologique est à la hauteur de l’enthousiasme financier qui l’entoure.

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Un carrefour stratégique pour Sam Altman

Le PDG d’OpenAI, Sam Altman, se trouve lui face à un défi stratégique bien plus majeur. Bien que l’entreprise devrait générer plus de 2 milliards de dollars de revenus en 2024, ses dépenses en infrastructures et en ressources humaines sont exponentielles. L’architecture cloud utilisée pour entraîner ses modèles, principalement basée sur des partenariats avec Microsoft, génère des coûts élevés en termes de consommation énergétique et d’infrastructure. Selon certains analystes, OpenAI pourrait perdre entre 4 et 5 milliards de dollars l’année prochaine si elle ne parvient pas à contenir ces dépenses.

Côté revenus, l’entreprise devra aller plus loin pour répondre aux attentes des secteurs industriels, comme l’automatisation des processus, la simulation industrielle ou l’analyse des données médicales. Pour les DSI, l’évaluation de ces solutions sectorielles sera essentielle. Sans cette diversification, OpenAI pourrait se retrouver dans une position difficile à maintenir, même avec une valorisation impressionnante.


3 questions posées à … Jean-Baptiste Bouzige, CEO d’Ekimetrics* 

Que retenir de cet engouement financier pour OpenAI ?

Jean-Baptiste Bouzige : « L’IA aura un effet profond sur l’économie, mais pas nécessairement de la manière attendue. L’intelligence artificielle générale est pour moi une chimère, et elle ne serait même pas souhaitable. OpenAI, avec son avance technologique et son rapport qualité/prix imbattable, a réussi à marquer le marché, mais la consolidation est inévitable. Cette phase de consolidation va soulever la question de la captation de la valeur : qui en bénéficiera vraiment ? Le problème, c’est que l’on se focalise trop sur des métriques de performance déconnectées de leur impact économique réel. La promesse d’une productivité accrue de 30 % grâce à l’IA est souvent un leurre. Pour justifier des investissements aussi massifs, il faut aller plus loin que des modèles performants et penser différenciation, c’est-à-dire comment l’IA peut réellement permettre de gagner en marge. »

Comment la frugalité s’impose-t-elle comme un enjeu clé dans le développement de l’intelligence artificielle ?

Jean-Baptiste Bouzige : « La course à l’IA telle qu’elle est menée aujourd’hui, avec des modèles toujours plus gourmands en énergie, est un véritable mirage. L’idée d’une “course environnementale” est tout aussi illusoire. À mon sens, la clé réside dans la frugalité : on doit se concentrer sur des cas d’usage précis, avec des solutions économes en ressources. Il ne s’agit pas de développer l’IA pour le simple plaisir de repousser les limites technologiques, mais de l’industrialiser de manière intelligente, en limitant son impact énergétique et en maximisant sa valeur pratique. Ce déplacement vers des usages concrets est essentiel, comme le dit Eric Schmidt, l’avenir est dans les applications réelles, pas dans la course aux modèles. »

Quels sont les principaux défis auxquels les entreprises font face dans l’industrialisation de l’IA ?

Jean-Baptiste Bouzige : « Le grand défi, c’est de passer de la démonstration technologique à la valeur réelle à grande échelle. Il est facile de faire de belles démos qui impressionnent les Comex, mais cela ne suffit plus. L’enjeu est de sortir de l’effet gadget et de mettre l’IA au service de la différenciation stratégique. Trop d’entreprises se perdent dans la promesse d’une IA miracle qui améliorerait leur productivité de manière exponentielle. Pourtant, pour que l’IA soit véritablement rentable, il faut penser plus loin : intégrer les règles métiers, maîtriser les workflows et ancrer les solutions dans les réalités spécifiques de l’entreprise. En somme, ce n’est pas le LLM qui fait tout le travail, mais une expertise métier solide qui garantit une exploitation efficace de l’IA. »

* Ekimetrics fournit des solutions d’IA conçues pour accompagner une performance business plus durable.

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