Data / IA
Orano fait rayonner sa data grâce à la virtualisation de données
Par Alain Clapaud, publié le 18 juillet 2025
Acteur clé de la filière nucléaire française, Orano exploite six plateformes industrielles, avec de véritables gisements de données à valoriser. Pour en faciliter l’accès à ses business units, l’industriel a fait le pari de la virtualisation de données via la plateforme Denodo.
Dans l’industrie minière comme dans le traitement des combustibles nucléaires, l’heure est à la valorisation de la donnée afin d’améliorer l’efficacité des process industriels, et à faciliter la recherche d’informations dans des masses de données considérables.
Chez Orano, les sites de La Hague dans la Manche (50), de recyclage du Mox à Marcoule dans le Gard (30), du Tricastin dans la vallée du Rhône ou encore de Malvési dans l’Aude (11) disposent d’un historique de leurs données industrielles portant sur plusieurs dizaines d’années d’activité.
En 2006, alors que la révolution big data bat son plein, Orano expérimente la technique de la virtualisation de données et l’agilité de cette approche dans le contexte de l’America’s Cup. C’est Christophe Leclerc, CDO de la business unit Recyclage, qui le raconte : « Orano sponsorisait le challenger français de la Coupe de l’America et il nous avait été demandé de développer ce qui constituait une première brique de data virtualization pour les skippers. Une fois que ceux-ci avaient terminé leur régate, ils pouvaient analyser à chaud leur performance et faire mieux lors de l’épreuve suivante. »
L’équipe s’appuie alors sur la virtualisation de données via un outil interne nommé AKSIOM (Analysis and Knowledge Innovation for Operational Management) pour piocher des données dans les jauges de position, les montées de spis, et permettre aux skippers d’analyser leurs performances. Une première réussie, mais il faudra attendre 2018 pour reparler de data virtualization et envisager son déploiement industriel.
Un vaste panel de solutions étudié
Cette année-là en effet, un appel d’offres est lancé par le site Orano de La Hague pour le déploiement d’un outil de valorisation des données. Seize éditeurs venant d’horizons très divers sont reçus, avec des réponses qui proposent aussi bien des développements spécifiques que des data lakes.
La plateforme Denodo est sélectionnée après un PoC qui démontre la pertinence de ce choix. « Le principe de la virtualisation est de ne pas passer par un data lake pour accéder à la donnée, mais de le faire directement sur les données de production. D’un clic, on sait ce qui se passe en direct sur un site. »
Le choix est acté en 2019 et le financement du projet est assuré conjointement par le site de La Hague et la direction générale à 50/50. Le déploiement est réalisé en mode on-premise du fait de la sensibilité de certaines données. Et si la période de Covid freine le processus, en 2021, la plateforme entre en production et devient accessible à toutes les business units qui souhaitent en tirer profit. Ce délai avant le lancement s’explique aussi par le fait que la plateforme devait mettre à disposition un maximum de sources de données dès son lancement : « Nous en avions identifié 60, calcule Christophe Leclerc. Certaines avaient déjà servi à un projet data et IA de La Hague et nous savions qu’elles pouvaient être utiles à toute l’organisation. Le projet initial a donc combiné la mise en place de Denodo et la connexion à ces 60 sources. »

Le site Orano de La Hague a été moteur dans l’utilisation de la virtualisation de données dans le groupe, mais le projet a été cofinancé par le siège tant l’intérêt de l’approche prend tout son sens si elle est partagée dans toute l’organisation.
Une vingtaine de data stewards
Un consensus entre toutes les business units d’Orano est trouvé afin de définir les grands domaines de données et de créer des postes de data stewards métiers. Les 19 personnes intéressées sont alors formées en conséquence, de même que deux prestataires présents de longue date dans l’entreprise, en tant que data stewards « polyvalents » pour leur connaissance du système SAP et de la GMAO mise en oeuvre sur le site de La Hague. En outre, le data manager au sein du data office d’Orano est chargé de définir les standards internes, notamment dans le nommage des données, et dans la sémantique proprement dite. « Le fait que les data stewards viennent des métiers prend toute sa valeur dans cette phase, explique Christophe Leclerc. Ce d’autant que Denodo nous aide à faire de l’introspection, c’est-à-dire auditer les sources et les modéliser. Cela permet de voir le nombre de vues produites dans la durée, vérifier que les règles de protection et de sensibilité des données sont bien respectées, etc. »
Christophe Leclerc
CDO de la business unit Recyclage d’Orano
« Si nous nous intéressons beaucoup aux capacités de l’IA dans notre plateforme de données, notre priorité n’est pas d’enrichir les fonctions de l’outil, mais de continuer à enrichir notre univers data. »
Depuis, les cas d’usage de la plateforme se sont multipliés dans l’organisation. Par exemple, celle-ci est mise en oeuvre lors de la facturation des prestations des laboratoires, en collaboration avec les équipes de production industrielle. Aujourd’hui, pratiquement tous les domaines data ont adhéré, avec des cas d’usage dans les domaines financiers et comptables, dans la gestion des stocks ou des obsolescences, le suivi des pièces de rechange, etc. « À La Hague, nous avons les données des laboratoires, les données de maintenance depuis le démarrage des installations, c’est-à-dire plus de 30 ans à disposition ! On peut remonter jusqu’à 10 ans, voire 20 ans en arrière pour retrouver des cas similaires dans la production. »
En parallèle à la virtualisation des données, les utilisateurs ont été formés à Power BI pour le reporting, ainsi qu’à la solution open source de programmation visuelle Knime pour les besoins plus ambitieux de la business unit Recyclage. De son côté, la business unit Chimie et Enrichissement met en oeuvre Dataiku. Aujourd’hui, même les applications du système d’information viennent piocher des données dans la couche de virtualisation. « Notre dogme est de n’utiliser la couche de virtualisation qu’en lecture. Pour écrire des données dans notre GMAO, par exemple, il faut utiliser ses API ». Le responsable conclut : « Pour l’instant, nous n’avons pas épuisé nos domaines data, c’est-à-dire le moment où le nombre de nouvelles données commence à stagner. Nous n’avons pas encore atteint ce point et de nouvelles informations arrivent continuellement dans la couche de virtualisation. »
Autre indicateur de succès, il y a 250 comptes utilisateurs nommés sur la plateforme Denodo. Mais ce sont potentiellement 6 000 utilisateurs qui tirent profit de la couche de virtualisation via leurs applications, pour consulter l’état des équipements de production industrielle ou, dans le cas des opérateurs de maintenance, pour voir la liste de leurs interventions de la journée sur leur tablette numérique, etc.
Le projet en chiffres
500 sources de données connectées à la couche de virtualisation
20 000 vues
20 data stewards

L’entreprise Orano
Activité : Extraction et traitement du combustible nucléaire
Effectif : 17 500 collaborateurs
CA : 5,9 Md€
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