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Polémique DSI : Etes-vous prêt à externaliser le développement de vos applications au Maroc ?

Par La rédaction, publié le 30 mai 2013

Pays francophone, proche de la France culturellement et géographiquement, stable politiquement, le Maroc est-il la terre d’accueil du nearshore ? Les DSI sont partagés.

La nouvelle formule du magazine 01 Business introduit un nouveau rendez-vous : La Polémique des DSI. La rédaction recueille l’opinion des membres du Club 01 DSI sur des questions liées aux grandes tendances du marché informatique. Les deux DSI ayant livré les avis les plus argumentés seront publiés dans le magazine. Mais, pour ne rien perdre de la richesse des propos récoltés, les meilleures réponses à nos questions feront l’objet d’un article diffusé sur 01business.com.

Etes-vous prêt à externaliser le développement de vos applications au Maroc ?

Telle est la nouvelle question soumise aux DSI. Parmi les destinations nearshore, le royaume chérifien a l’avantage d’être politiquement stable, proche de la France avec une culture voisine de la nôtre. Alors Maroc, oasis ou mirage ? Les DSI sont partagés.

Konstantinos Voyiatzis, CIO, Nexans Group (photo). Le Maroc est un vrai réservoir de compétences (plate-forme Java et .Net, développement web, etc.). C’est un pays proche de nous, avec seulement deux heures de décalage horaire, doté de bonnes infrastructures, et où l’on trouve de bons profils, 40 % moins chers, qui parlent français et anglais. C’est une très bonne destination pour l’externalisation d’un service support européen. Notre expérience au Maroc remonte à 2005. A cette date et pendant six ans, une équipe composée de huit techniciens et ingénieurs marocains a travaillé au sein de notre filiale à Casablanca sur le développement d’applications métier – de relation client notamment – pour le compte de la DSI du groupe Nexans. A cette époque, nous subissions un turnover important des membres de cette équipe. Il nous était en effet difficile de leur proposer de réelles perspectives d’évolution. Décision a alors été prise en 2011 de faire appel à un prestataire local pour reprendre nos informaticiens marocains et poursuivre, dans un contrat au forfait, le développement, la maintenance et le support de nos applications. Notre choix s’est porté sur Capgemini, qui délègue aujourd’hui 12 personnes à nos projets.

Nicolas Saint Remy, DSI, Sogeti. Les DSI sont aujourd’hui mûrs pour « offshorer » une partie de leurs applications. La tendance a été renforcée par le principe du rightshore qui consiste, en fonction des besoins, à « sourcer » ses prestations en centre de services quelle que soit leur localisation, en France, au Maroc, ou ailleurs dans le monde comme en Inde.

Fabrice Benaut, CIO Global IFR, groupe GfK. L’externalisation ne peut être efficace que lorsque la communication entre les parties devient totalement fluide, à la fois dans la compréhension des cahiers des charges, mais aussi du suivi dans la réalisation des projets jusqu’au livrable respectif. Cette efficacité demande une certaine stabilité des parties, et une vraie proximité, à la fois géographique (fuseaux horaires et distance), de langage (et ses nuances), de culture (interprétation et contexte), voire de partage d’une structure mentale.

Vassili Andricopoulos, DSI, Baker & McKenzie SCP. Nous n’externalisons pas de développement d’applications mais sur le principe oui, l’externalisation au Maroc serait une hypothèse tout à fait envisageable. Etant déjà présents au Maroc avec un cabinet à Casablanca et connaissant le niveau des développeurs et ingénieurs marocains, cela ne devrait poser aucun problème pour peu que l’on s’assure également de la qualité de l’encadrement des équipes projets.

Philippe Israël, DSI, Jeanne Lanvin SA. Je n’ai pas de souci pour travailler avec une SSII qui sous-traite une partie de ses développements au Maroc. Quitte à faire de l’offshore/nearshore, je préfère un pays francophone pour éviter les incompréhensions. S’agissant de nos propres développements gérés directement en interne, je ne suis pas disposé à les faire réaliser à l’extérieur, préférant avoir les développeurs dansnos locaux.

Paul Jaillard, DSI, Segula Technologies (photo). Nous avons expérimenté ce type d’externalisation avec une équipe locale de huit personnes à Tunis. Cela ne doit pas être très différent du Maroc. Bien que le coût facial d’un profil tunisien soit inférieur de moitié par rapport à la France, le gain ne compense pas, loin s’en faut, la perte d’efficacité ! Nous ne réunissons pas toutes les conditions de succès. Pour commencer, nous ne disposons pas sur place d’un relai de management français, de niveau chef ou directeur de projet, qui aurait pour rôles un management de proximité et la mise en place d’une culture du service et du « livrable ». Résultat, les ingénieurs tunisiens débutants ont laissé dériver le projet (.Net), et surtout, la qualité du logiciel n’était pas au rendez-vous. Ensuite, notre volume de développement n’est pas suffisant pour amortir les coûts de management, de voyage, et de spécifications, beaucoup plus détaillées que pour une équipe interne. Enfin, la distance réduit la réactivité et la proximité avec l’utilisateur, de sorte qu’une externalisation en « nearshore » n’a de sens que pour des projets d’une certaine taille et qui s’inscrivent dans la durée.

Thierry Lepiez, DSI, Hoya. Nos capacités de développement sont centralisées pour le monde entier au siège du groupe, hors de France, et il n’est pas envisagé d’utiliser le Maroc.  Nos prestataires européens peuvent avoir recours à une externalisation tant que nos interlocuteurs sont physiquement en face de nous en Europe.
 
Mathieu Reynaud, Responsable technologie des systèmes d’information, LPG Systems. Pour avoir tenté, non, il n’y a pas forcement d’avantages à part le prix. Il est impératif de réaliser un cahier des charges le plus complet et précis possible, car la moindre incompréhension peut vite alourdir le coût gagné initialement. La culture et les méthodes de travail étant différentes, il faut tout contrôler. Avec ce type de prestation, le travail en mode forfait avec engagement contractuel sur la date limite de livraison est indispensable, mais la plupart des sociétés ne proposent pas ce service.

Philippe Gallois, DSI, Apprentis d’Auteuil. Tout dépend du projet (taille et complexité) mais généralement non, car le gain potentiel sur le coût jour/homme est contrebalancé par des coûts cachés : un niveau de spécifications beaucoup plus détaillé ; un niveau d’effort de gestion et de coordination de projet significativement plus élevé ; et une maintenance plus complexe à faire assurer. Restent ouvertes les questions éthiques et de schémas économiques sur le long terme.

Yann Jouveneaux, DSI, Sakata EMEA. L’offshore nous a appris qu’il n’était pas si simple de sous-traiter efficacement un projet à l’autre bout de la planète. Très souvent, ce que l’on gagne en coût horaire, on le perd aussitôt à cause des problèmes de mauvaises compréhensions et de multiples corrections. La clé, comme dans tout projet d’outsourcing lointain, réside comme toujours dans la sélection d’un bon manager local, capable d’assurer une qualité sans faille, d’apporter le bon sens et de porter le projet du client de bout en bout tout en dirigeant de main de maître les ressources régionales.

Didier Roy, DSI, Foncia Groupe. Non, car les retours de plusieurs expériences sont mauvais. Ce que l’on gagne en coût journalier, on le perd sur la qualité. En outre, développer une application à distance va à l’encontre des méthodes agiles (Scrum) qui, elles, font gagner du temps, de l’argent  et permettent d’obtenir au final des applications qui collent vraiment bien aux besoins des utilisateurs, car construites vraiment avec et par les utilisateurs.

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