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VMware Cloud Foundation 9.0 : une fondation solide, un capital confiance à reconstruire
Par Thierry Derouet, publié le 20 juin 2025
Ni la vision, ni la technologie ne sont remises en cause. Mais derrière l’ambitieuse promesse de VMware Cloud Foundation 9.0, la réalité commerciale laisse des traces. Depuis le rachat par Broadcom, les tarifs explosent, les modèles évoluent brutalement, et la confiance vacille. La démonstration technique impressionne, certes. Mais elle ne suffit plus à désamorcer les crispations. Car ce que les clients attendent désormais, ce ne sont plus des promesses. Ce sont des preuves.
”Nous avons vu notre facture multipliée par sept, sans préavis, sans possibilité de négociation. » Lorsque l’un des journalistes rapporte le témoignage d’un DSI dont la facture est passée, selon ses mots, de 1,4 à 7 millions d’euros, Marc Dollois marque une pause. Pas de démenti formel, mais une forme d’esquive : « Envoyez-moi ce cas. Franchement, si on avait vraiment multiplié les prix par cinq ou sept, Broadcom ferait aujourd’hui 91 milliards de chiffre d’affaires. » Une manière de balayer l’exemple sans le contester explicitement, en le relativisant à l’aune des performances globales du groupe.
Le rendez-vous avait tout du point presse classique : une présentation de produit, une dose de storytelling, un vernis d’optimisme. Mais dans la salle, ce soir-là, l’atmosphère était tout sauf détendue. Car si la technologie impressionne, la confiance, elle, reste à reconstruire. Et les chiffres qui remontent du terrain ont parfois plus de poids que les raisonnements comptables.
L’ambiance d’abord : froideur initiale, tension polie
Marc Dollois, Directeur général de VMware France, et Nicolas Ouerimi, son directeur technique, le savent bien : ce n’est pas la technologie qui est sur la sellette. C’est la confiance.
Depuis la finalisation du rachat de VMware par Broadcom, un malaise s’est installé chez les clients. La stratégie de consolidation, les hausses tarifaires, la disparition des licences perpétuelles et la restructuration de l’offre commerciale ont laissé des traces. À tel point que, même autour d’un lancement majeur comme VMware Cloud Foundation 9.0, la discussion commence avec une retenue palpable.
« Ce n’est pas neutre, ce que nous vivons avec le changement de modèle », reconnaît Marc Dollois. Il ne nie pas les crispations, mais préfère déplacer le débat. Pour lui, tout se joue désormais sur la capacité à « consommer l’offre » pour en comprendre la valeur. Une formule qui a ses vertus… mais aussi ses limites.
Une technologie d’infrastructure qui change d’échelle
Et pourtant, côté produit, le discours est limpide. VMware Cloud Foundation – VCF, dans son acronyme consacré – n’est pas un outil de plus dans la galaxie VMware. C’est une infrastructure complète, intégrée, rationalisée. En clair : un moyen de faire tourner son propre cloud privé, sur ses propres machines, avec l’expérience et les automatismes qu’on associe d’ordinaire aux grands acteurs du cloud public.
Dans sa version 9.0, VCF propose une couche unifiée où le calcul, le stockage, le réseau, la sécurité et la gestion des conteneurs sont orchestrés de concert, sans avoir à jongler entre mille outils différents. Le but : ne plus perdre de temps à intégrer, configurer, maintenir. Tout est pensé comme une « fondation » sur laquelle les entreprises peuvent bâtir et automatiser leurs services, qu’ils soient traditionnels, virtualisés, ou nativement cloud.

VMware Cloud Foundation (VCF 9) se présente comme la première plateforme de cloud privé à conjuguer l’agilité et l’évolutivité des clouds publics avec la sécurité, la résilience et les performances attendues d’une infrastructure privée.
Et cette fois, insiste Nicolas Ouerimi, le produit ne se limite plus aux projets greenfield, ces déploiements réalisés sur une page blanche, sans contrainte d’existant. Il s’adapte au réel, au préexistant, à l’existant parfois vieillissant. « Avant, VCF, c’était tout from scratch. Aujourd’hui, on sait raccrocher les infrastructures déjà en place. On les intègre et on leur applique le même niveau d’automatisation. »
L’hybridation au sens fort
L’autre grand saut opéré par cette version tient à sa souplesse matérielle : les serveurs peuvent provenir de différents constructeurs, être équipés de cartes GPU Nvidia ou AMD, fonctionner ensemble dans le même cluster. Plus besoin d’uniformiser à tout prix. Le système s’adapte. Et surtout, il évolue : avec les mises à jour live de l’hyperviseur, les interruptions de service liées aux patchs deviennent chose du passé.
Pour le cloud privé, cette convergence des efforts a une ambition claire : rivaliser avec les promesses du cloud public, sans sacrifier le contrôle, la souveraineté ou la performance. Et cela passe aussi par un langage commun. « On parle de VPC (Virtual Private Cloud), de zones, de régions… Comme chez AWS ou Azure. Sauf que là, c’est chez vous, dans vos datacenters. »
Du Kubernetes sans couture
VCF 9.0 introduit aussi un changement stratégique en matière de conteneurs. Plutôt que d’imposer sa surcouche historique, Tanzu, VMware mise sur une exécution de Kubernetes dans sa version la plus standard, dite « vanilla ». Une volonté assumée de sortir du modèle propriétaire. Finalement, cela revient à l’idée d’origine de VMware d’intégrer Kubernetes au cœur de vSphere, idée qui avait été quelque peu égarée depuis la version 7.
L’IA embarquée, enfin adressée
Le volet IA ne reste pas en marge. Avec l’intégration de Private AI Foundation, conçue en partenariat avec Nvidia, VCF se dote d’un ensemble de services IA clés en main. Provisionnement GPU, profils vGPU affinés, bases vectorielles embarquées : l’objectif est clair, selon Nicolas Ouerimi. « Il fallait que les gens de l’infra aient une réponse claire aux besoins des data scientists. »
Dans les Proof of Concept, les résultats sont parlants. L’infrastructure prend chair. Les data scientists deviennent moteurs. Les workloads IA se mettent à circuler. Et les silos tombent.
Écouter, expliquer, restaurer la confiance
Mais la technologie ne suffit pas à apaiser tous les doutes. La principale attente exprimée par les clients reste la lisibilité, la visibilité tarifaire, et l’alignement des discours commerciaux avec les capacités réelles. Et sur ce point, l’équipe française avance avec prudence. « Il y a eu un choc culturel, on ne le nie pas. À nous d’accompagner. »
Il y a chez Marc Dollois et Nicolas Ouerimi une lucidité qui tranche avec la communication institutionnelle habituelle. Ils savent que la défiance ne se balaie pas d’un revers de slide. Elle se travaille, ligne après ligne contrat après contrat. « On ne va pas changer les mindsets comme ça. Mais cette plateforme aide à recoller les bouts. On parle enfin le même langage. »
Reste à voir si les clients auront encore envie d’écouter. Car, dans ce marché post-Broadcom, le bénéfice du doute se facture aussi cher que la licence.
Le prix de la cohérence, ou le coût de la dépendance
L’intégration, la simplicité, l’automatisation : sur le papier, tout semble logique. VMware Cloud Foundation 9.0 (VCF 9.0) incarne cette promesse d’un cloud privé modernisé, plus modulaire, plus agile, plus « cloud-like ». Mais pour accéder à cette cohérence technologique, il faut désormais en accepter les nouvelles règles économiques.
Fini les achats au détail, les licences perpétuelles, les briques prises à la carte. Broadcom impose un modèle packagé, sous abonnement, avec une granularité réduite et des tarifs souvent multipliés. Le support est refondu, les droits historiques rediscutés. Ce que Marc Dollois résume ainsi : « Il faut consommer pour comprendre. »
C’est-à-dire : il faut plonger dans l’architecture, y engager ses projets, pour en tirer les bénéfices. Une proposition séduisante pour qui a les moyens de s’adapter — plus risquée pour ceux qui ne peuvent plus tester sans s’engager.
Face à cette transformation brutale, le Cigref est monté au créneau. Dans un communiqué publié avec ses homologues européens, l’association dénonce une stratégie « brutale », « unilatérale », et porteuse de « risques majeurs pour la souveraineté numérique ». Son délégué général, Henri d’Agrain, n’y va pas par quatre chemins : « Broadcom a agi avec une brutalité et un mépris des clients de VMware totalement inédits. »
Henri d’Agrain
Délégué Général du Cigref
Broadcom a agi avec une brutalité et un mépris des clients de VMware totalement inédits. »
L’inquiétude dépasse le simple cadre contractuel. Elle cristallise une angoisse plus large : celle d’une dépendance structurelle à un acteur devenu incontournable, capable d’imposer ses termes à un marché captif. Le Cigref et ses partenaires estiment que cette stratégie pourrait coûter jusqu’à 8 milliards d’euros par an à l’Europe, et appellent la Commission européenne à intervenir dans le cadre du Digital Markets Act.
Alors, à la cohérence technique répond aujourd’hui une exigence politique : celle d’une vigilance sur la concentration du pouvoir dans les couches basses de l’infrastructure. Et d’une lucidité accrue, chez les DSI comme chez les éditeurs, sur le vrai prix de la modernité.
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