De nouveaux réseaux pour de nouveaux usages

Cloud

5G, satellites, IOT… Quand les réseaux réinventent les usages

Par Alain Clapaud, publié le 14 février 2023

La 5G, véritable couteau suisse de la connectivité réseau

Le nouveau standard de communication cellulaire s’adresse bien plus aux entreprises qu’au grand public. Ses capacités en termes de QoS, de débit et de latence doivent engendrer une explosion des nouveaux usages professionnels.

Si la 5G est beaucoup attendue par le grand public pour sa promesse de très haut débit, les experts s’accordent à dire que cette nouvelle génération de téléphonie cellulaire aura beaucoup plus d’impact pour les entreprises. En effet, la technologie du slicing permettra aux opérateurs, ou aux entreprises qui voudront déployer leur propre réseau 5G privé, de découper celui-ci en plusieurs réseaux avec une QoS bien spécifique pour chacun d’entre eux. On peut ainsi créer un réseau destiné à véhiculer de gros volumes de données, de la vidéo par exemple, un second dont la faible latence sera la priorité numéro un, ou encore un réseau à faible consommation énergétique dédié aux objets connectés.

Un standard qui progresse en permanence

Au fur et à mesure des arrivées de nouvelles versions, le standard 5G intègre de plus en plus de fonctionnalités. On voit ainsi arriver des capacités encore inédites sur un réseau cellulaire, comme le support des satellites ou des applications de type IoT, ou encore de communication avec des drones.

Les opérateurs vont assurer le déploiement de ces futures versions de 5G sur leurs réseaux d’antennes existants et plusieurs industriels s’appuient déjà sur ces réseaux publics pour déployer de nouvelles applications métiers. C’est le cas, notamment, de Spac, une filiale à 100 % du groupe Colas qui est spécialisée dans la pose et la maintenance des réseaux d’eau et d’énergie. L’entreprise exploite la 5G et les applications de la start-up Syslor sur ses chantiers afin d’aller vers ce que l’on appelle de plus en plus les chantiers 4.0. Mickael Cornu, chef de service Ingénierie & Méthode à la direction technique de Spac, en détaille les usages : « La 5G nous permet d’accroître la rapidité de transmission des fichiers de photogrammétrie, qui sont des photos et des vidéos très volumineuses. »

Si la 5G est beaucoup attendue par le grand public pour sa promesse de très haut débit, les experts s’accordent à dire que cette nouvelle génération de téléphonie cellulaire aura beaucoup plus d’impact pour les entreprises.
La montée en puissance des réseaux 5G publics va permettre l’essor d’applications métiers ambitieuses, mettant notamment en œuvre la réalité augmentée. Ici l’application développée par la start-up Syslor pour le secteur du BTP.

Outre la photogrammétrie, l’applicatif mis au point par la start-up Syslor délivre une fonction de réalité augmentée particulièrement utile sur le terrain : « Dans notre métier, la réalité augmentée peut être mise en œuvre dans le cadre du contrôle de la construction et du marquage dynamique de tous les réseaux environnants d’un chantier, explique le responsable. Jusqu’à aujourd’hui, la position de ces réseaux nous était fournie sous format papier, avec un plan pour la fibre optique, un deuxième pour le réseau gaz, un troisième pour l’eau, etc. Le numérique permet de consolider toutes ces données et de les afficher en 3D temps réel sur une tablette et, demain, sur un casque de réalité augmentée. »

La 5G intéresse tout particulièrement les entreprises dont l’activité est distribuée sur des sites industriels très étendus. C’est le cas des Chantiers de l’Atlantique, qui ont fait le choix de s’appuyer sur Bouygues Telecom Entreprises pour la couverture 5G du site de Saint-Nazaire. L’opérateur a commencé par déployer un « truck 5G », c’est-à-dire un camion surmonté d’une antenne 5G fournissant une couverture réseau sur l’ensemble de l’enceinte du chantier naval. Ce type de véhicule permet de déployer une « bulle tactique » et est généralement installé sur une zone précise le temps d’un chantier, avant d’être déplacé sur un autre chantier une fois le précédent achevé.

Dans le cas des Chantiers de l’Atlantique, cette couverture va être améliorée à terme avec une infrastructure réseau 5G dédiée. Ici, la performance du réseau permet d’accéder à la maquette 3D des navires sur l’ensemble du chantier et d’afficher ces données en réalité augmentée pour, notamment, constater l’état d’avancement des travaux par comparaison. Lors des inspections, le contrôleur saisit ses annotations directement sur les plans et y associe des photos montrant l’anomalie constatée.

Une maîtrise totale grâce aux réseaux 5G privés

Si, pour porter leurs projets estampillés 4.0, les Chantiers de l’Atlantique ont choisi Bouygues Telecom, et SNCF, par exemple, Orange et Nokia, certains industriels sont tentés d’opérer eux-mêmes leur 5G privée. En effet, à côté des bandes de fréquences cédées à prix d’or aux opérateurs, chaque pays conserve des fréquences pour les entreprises qui souhaitent opérer leurs propres réseaux. Olivier Dhotel est cofondateur de l’éditeur Firecell qui propose une stack logicielle 4G/5G pour créer des réseaux mobiles privés. Selon lui, beaucoup de cas d’usages vont faire pencher les entreprises vers des réseaux privés : « Lorsqu’on s’appuie sur un opérateur public, la qualité de service est très variable et rien n’empêche l’opérateur d’éteindre une antenne pour raison de maintenance. Pour un industriel qui songe à appuyer ses processus sur la 5G, c’est rédhibitoire. » Sur les cas d’usage plus contraignants en termes de latence, de débit ou de robustesse, la 5G privée devient intéressante de par sa gestion de la QoS intégrée. Olivier Dhotel ajoute : « Il est difficile de dire aujourd’hui quels seront les cas d’usage de la 5G privée qui émergeront dans l’industrie. Un industriel prend en général sa décision lorsque trois ou quatre cas d’usage sont identifiés. À titre d’exemple, on peut citer la connexion des lignes de production : la 5G privée va simplifier la problématique réseau qui implique aujourd’hui de recâbler les ateliers à chaque redéploiement d’une ligne. »

Parmi les réseaux 5G privés en production, on peut noter celui de l’aéroport Paris – Charles de Gaulle (voir encadré) déployé par Hub One. Grégoire de la Crouée, directeur de la business line Mobile Pro chez Hub One, souligne l’intérêt de ce choix : « La 5G privée présente l’avantage de rester prédictible, ce qui n’est pas le cas de la 5G publique. Lorsque 800 passagers d’un A380 débarquent à Roissy  Charles de Gaulle, ils activent tous leurs mobiles au même moment et transfèrent leurs photos de vacances. Cela affecte bien évidemment la qualité du service. »

Industrie 4.0, transports, smart city, les cas d’usage potentiels de la 5G sont innombrables et le constant enrichissement du standard par le 3GPP (The 3rd Generation Partnership Project) au fil des versions va peu à peu susciter la création de nouvelles offres et répondre à de nouveaux besoins. Avec l’arrivée des réseaux 4G et 5G privés, le cellulaire arrive dans des secteurs où ce type de réseaux semblait proscrit. C’est le cas des plateformes aéroportuaires, des ports, mais aussi du secteur nucléaire. EDF s’est alliée à Thales et Ericsson pour déployer de tels réseaux sur ses centrales nucléaires. Les réseaux cellulaires semblent ainsi pouvoir s’imposer même là où cela semblait totalement impossible il y a quelques années.


Le projet GEO5G de Stellantis

Stellantis va mener avec la start-up Firecell une expérimentation de la 5G privée dont la finalité est de géolocaliser très précisément les outils à l’intérieur des bâtiments. Ce projet de R&D doit être mené sur une ligne de production dans une usine française du groupe. Il s’agit de vérifier la bonne utilisation des outils à main dans ce que l’on appelle les pas de travail, c’est-à-dire les étapes dans le montage des véhicules. Une ligne de montage peut compter jusqu’à 60 pas de travail les uns à côté des autres, avec plusieurs opérateurs sur chacun d’eux. La 5G va permettre de géolocaliser les outils et de vérifier que ceux-ci ont été utilisés pour le nombre d’opérations prévu sur chaque véhicule. Une fonction de géofencing assurera qu’ils ne passent pas d’une zone à une autre.


Amener les bénéfices du BIM sur les chantiers

MICKAEL CORNU, chef de service Ingénierie & Méthode chez Spac (Groupe Colas)

« Le BIM est de plus en plus utilisé en phase amont des travaux. Nous disposons de plus en plus de données numériques, mais il reste difficile de faire redescendre cette donnée en temps réel auprès des opérationnels. Avec la 5G, pouvoir transférer de gros volumes de données et disposer d’une faible latence va favoriser l’usage du numérique sur nos chantiers et ouvrir la voie à de nombreuses nouvelles applications. Nous n’avons pas encore testé la possibilité de piloter un engin à distance via la 5G, mais c’est une piste à creuser à l’avenir. Outre des gains d’efficacité et de productivité sur les chantiers, toutes ces nouvelles fonctions numériques doivent participer à accroître l’attractivité de nos métiers pour les jeunes. »


« Un bateau, c’est finalement comme une usine ! » 

Éditeur d’une plateforme SaaS d’optimisation énergétique des navires, Syroco a lancé un projet parallèle, le projet Moonshot #1. L’objectif est d’atteindre la barre des 150 km/h sur l’eau avec un speedcraft. Yves de Montcheuil, cofondateur de Syroco, souligne l’importance de l’IoT dans ce projet : « Nous avons mis en place des capteurs de vent pour en avoir l’intensité et la direction en fonction de l’altitude. Les équipements sont très spécifiques à ce projet de record, mais l’approche d’optimisation de la propulsion d’un bateau ultra-léger et très rapide est totalement transposable à un navire beaucoup plus lourd et lent ! »

Réseaux 5G. La start-up Syroco modélise les navires de l’armateur et analyse des données telles que le nombre de tours par minute sur les arbres d’hélice, les niveaux de vibration, la vitesse, le vent, etc.
Demain, lorsque nous collecterons les données directement sur les bateaux, nous alimenterons des serveurs Edge qui communiqueront avec les capteurs par divers moyens.

Syroco compte CMA-CGM parmi ses premiers clients. La start-up modélise les navires de l’armateur et analyse des données telles que le nombre de tours par minute sur les arbres d’hélice, les niveaux de vibration, la vitesse, le vent, etc. « Nous rapatrions les données dans le cloud grâce à la 5G lorsque le bateau est à quai, afin de comparer les performances réelle et théorique de ces navires. Demain, lorsque nous collecterons les données directement sur les bateaux, nous alimenterons des serveurs Edge qui communiqueront avec les capteurs par divers moyens. On peut imaginer déployer une nano-cellule 5G sur le navire pour faire communiquer tous les objets connectés. Un bateau, c’est finalement comme une usine ! »


« La 5G va jouer un rôle de standardisation des réseaux »

GUILLAUME CHABAS, directeur de l’innovation et des partenariats chez Orange Business Services

« Opter pour une infrastructure 5G privée plutôt que la 5G publique ou hybride va dépendre de la problématique de chaque client. Des entités liées au secteur militaire ou nucléaire ne peuvent s’appuyer sur des réseaux 5G publics pour d’évidentes raisons de sécurité. Pour ces industriels, nous pouvons déployer de la 5G privée sans raccordement à notre réseau. Pour d’autres, nous pouvons mettre en place un mode hybride avec un raccordement sécurisé à notre réseau 5G public. La 5G va potentiellement accélérer de nombreux nouveaux usages IoT, peut-être en remplacer certains, voire même supplanter le Wi-Fi dans les bureaux. Elle peut mutualiser de multiples usages au moyen de différentes briques. En ce sens, elle va jouer un rôle de standardisation et évitera ainsi de construire des réseaux dédiés à certains usages qui auraient du mal à atteindre une masse critique. Cette standardisation permettra de décommissionner certaines bandes de fréquences. »


Les gisements de ROI sont multiples dans un aéroport

GRÉGOIRE DE LA CROUÉE, directeur de la business line Mobile Pro chez Hub One

« La 5G va être un socle commun à un panel d’usages très différents et c’est en agrégeant ces multiples usages métiers que l’on peut dégager un ROI intéressant avec une infrastructure 5G privée. Dans un aéroport, il y a de nombreux cas d’usages liés aux processus côté avion, ce que l’on nomme le “airside”. C’est notamment le cas de la géolocalisation des véhicules de piste. La 5G aide également les agents à gérer les flux des passagers. Une application sur tablette leur permet de coordonner leurs actions et par exemple d’assurer la gestion des passagers à mobilité réduite. Parmi les usages futurs auxquels nous réfléchissons, il y a bien évidemment la réalité augmentée pour la maintenance des avions, ainsi que la robotisation de certaines tâches : tout comme les chariots qui amènent ou déchargent les bagages auprès des avions, les tracteurs de pushback peuvent être contrôlés à distance grâce à la faible latence de la 5G. »

Réseaux 5G. Dans un aéroport, il y a de nombreux cas d’usages liés aux processus côté avion, ce que l’on nomme le “airside”.
Les gisements de ROI sont multiples dans un aéroport

Un réseau 5G privé pour l’aéroport Paris CDG

Hub One a déployé un réseau 5G privé sur l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. L’objectif était d’offrir une qualité de service la plus homogène possible sur l’ensemble de la surface aéroportuaire, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des bâtiments. Cela représente 2 millions de m2 (2 km2) indoor et 50 km2 de surface totale. Cette couverture réseau est assurée par une quarantaine d’antennes extérieures, auxquelles il faut ajouter une quarantaine de smallcells déployées face aux avions. C’est en effet sur ces places de parking que sont effectuées toutes les opérations d’avitaillement. En indoor, plus de 1 000 antennes de plus faible puissance ont été installées pour couvrir tous les bâtiments. Un vrai travail d’ingénierie pour gérer la couverture de ces antennes, les possibles interférences et le handover.

    Suite de l'article : 12345

Dans l'actualité

Verified by MonsterInsights