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5G, satellites, IOT… Quand les réseaux réinventent les usages
Par Alain Clapaud, publié le 14 février 2023
L’Internet des objets à l’heure des choix
L’Internet des objets n’est pas encore l’eldorado promis par les analystes il y a une dizaine d’années. Les POC ont du mal à se transformer en déploiements massifs et les réseaux spécialisés voient déjà poindre de nouveaux concurrents : les nanosatellites et, surtout, la 5G.
Industrie 4.0, smart metering, smart city, smart agriculture, les analystes assènent depuis de nombreuses années que la data va révolutionner tous les secteurs d’activité. Logiquement, pour réaliser l’acquisition des données qui doivent alimenter les data lakes, les infrastructures terrestres de type fibre ou xDSL ne sont pas toujours adaptées. Elles ont donc été complétées par les réseaux M2M (Machine-to-machine) basés sur la 2G (GPRS) et la 3G, ainsi que les réseaux dédiés à l’IoT que sont LoRa et l’emblématique Sigfox.
Créé en 2009, ce dernier a tenté de créer le marché en déployant un réseau longue portée spécifique à l’IoT, le LPWAN (Low-power wide-area network). Les opérateurs Orange et Bouygues Telecom se sont rapidement positionnés en concurrents, s’appuyant sur la technologie développée par l’Alliance LoRa. Le potentiel de développement de ces réseaux spécialisés semblait alors particulièrement juteux. Si de nombreux POC ont été menés par les entreprises, les quelques succès glanés par LoRa auprès de Renault, ou par Sigfox auprès de Michelin et de DHL, ne peuvent masquer le démarrage plutôt poussif du marché. Sigfox est aujourd’hui en redressement judiciaire et, en dépit des communiqués triomphaux de la LoRa Alliance sur les 3,5 millions d’objets connectés en France, ses rivaux sont aussi à la peine.
Dernièrement, Objenious (Bouygues Telecom) a annoncé que son réseau LoRaWAN ne sera plus accessible au-delà de décembre 2024. Cédric Linez, ingénieur application et membre de la practice mobile chez Ippon Technologies souligne : « Le secteur de l’IoT est aujourd’hui au même stade où se trouvait le web en 2000. Nous sommes à un moment où les grands acteurs se dessinent. Sigfox et LoRa ont proposé des technologies “low power” qui privilégient la portée au détriment de la quantité de données. Les cas d’usage n’ont pas été au rendez-vous. Les revenus de ce type de services IoT stagnent et on n’a pas encore vu le second souffle attendu par ces acteurs, alors que se profile la concurrence des réseaux cellulaires avec les technologies NB-IoT et LTE-M. » Chant du cygne pour les réseaux LPWAN ? L’expert pointe quelques alternatives en train d’apparaître. Helium, par exemple, déploie un réseau en récompensant en cryptomonnaie les particuliers qui achètent et déploient les antennes. De même, PlanetWatch valorise avec des tokens les gens qui installent ses capteurs de données de qualité de l’air.
L’ombre de la 5G pèse sur le secteur
Avec NB-IoT et LTE-M, le rouleau compresseur marketing de la 5G, le cellulaire va jouer un rôle de standardisation sur ce marché et va apporter des garanties de pérennité aux entreprises qui auraient été échaudées après des annonces telles que la fermeture des réseaux mobiles 2G et 3G par Orange d’ici 2028. Cela pourrait bien précipiter le renouvellement des infrastructures IoT. Pour Objenious, dès 2023, les nouvelles technologies cellulaires devraient devenir majoritaires dans les choix de ses clients, avec plus de la moitié des connexions LPWAN. Christophe Fouillé, expert IoT chez Objenious, ajoute : « La 5G apporte la promesse d’une qualité de service répondant notamment aux exigences de l’industrie 4.0 grâce à des fonctionnalités telles que le “network slicing”. Ces fonctionnalités permettront d’offrir à l’entreprise de la 5G haut débit, en plus du LTE-M et du NB-IoT, pour connecter ses équipements. Les technologies LPWAN, LTE-M et NB-IoT, seront disponibles sur les réseaux 5G standalone attendus à partir de 2023. » Christophe Fouillé estime quant à lui que le marché va continuer à déployer des projets basés sur des technologies LPWAN et que LTE-M et de NB-IoT vont venir compléter LoRa ou la technologie RPMA de l’américain Ingenu. Le choix de la bonne technologie sera réalisé en fonction des contraintes métiers et des cas d’usage.
Quelques messages de 25 octets par jour
ALEXANDRE TISSERANT, CEO de Kinéis
« Notre cœur de marché, ce sont des terminaux qui sont très petits, peu coûteux à l’achat et qui peuvent fonctionner très longtemps. Nous nous positionnons sur des projets d’IoT dont la volumétrie est, pour le moment, de quelques messages de 25 octets par jour. Cela permet d’envoyer une information de position et quelques données de capteurs comme une température, une pression, un accéléromètre, etc. Cela permet de faire un suivi de réseau de pipelines, comme le fait Schlumberger, afin de détecter une fuite le plus rapidement possible. Une autre application nouvelle pour nous porte sur le suivi à distance d’équipements et de grosses installations industrielles comme les barrages hydroélectriques. Nous travaillons actuellement avec EDF sur une telle application. »
Une couverture insuffisante des réseaux et un coût d’accès non négligeable
HERVÉ BENHAMMOU, ingénieur Études & Projets chez Veolia Eau
« En Maine-et-Loire, nous avons installé 72 boîtiers IoT BobAssistant répartis sur une dizaine d’installations de production d’eau potable ou de dépollution des eaux usées. Ces boîtiers sont placés sur des équipements complexes, sensibles pour le bon fonctionnement des installations. Ils enregistrent le fonctionnement nominal de l’équipement et sont ensuite capables de détecter une vibration supplémentaire, donc une anomalie. Cette approche permet de devancer un dysfonctionnement de plusieurs semaines. Le principal coût de cette solution est induit par l’accès au réseau LoRa. D’où le choix de l’utiliser uniquement pour les équipements les plus sensibles. Par ailleurs, la couverture du réseau LoRa est encore insuffisante dans certains endroits et mériterait de s’étendre pour permettre un plus large déploiement de la solution. Nos installations sont généralement situées dans des zones isolées, à la couverture limitée. Nous avons donc dû installer des gateways qui génèrent une couverture LoRa sur ces sites et transmettent les données en 3G/4G. »
Le ROI d’un cas d’usage déterminera la technologie réseau à adopter
CÉDRIC LINEZ, ingénieur application et membre de la practice mobile chez Ippon Technologies
« L’arrivée de la 5G, de NB-IoT et de LTE-M ne va pas faire table rase sur le marché des réseaux IoT. Ces technologies vont faire disparaître la limite de quantité de données échangée, mais resteront soumises aux coûts des licences 5G payés par les opérateurs. Le tarif des abonnements IoT entrera en ligne de compte dans le ROI des applications, déterminant les cas d’usage qui seront possibles ou non. Ces nouveaux réseaux devraient permettre de multiplier les applications en smart agriculture et smart city notamment. De même, dans ce que l’on nomme la smart building intelligence. Toutes ces applications IoT n’auront pas besoin de la 5G et c’est à partir du cas d’usage et des objectifs de l’entreprise que l’on va déterminer quel est le meilleur réseau pour un cas précis. »
Les réseaux NB-IoT et LTE-M vont remplacer LoRaWAN
BERNARDO CABRERA, directeur d’Objenious
« En tant qu’acteur IoT, Objenious by Bouygues Telecom a pour volonté de proposer à ses clients des technologies et des services adaptés aux évolutions du marché. Et c’est pour cela que nous avons décidé de nous concentrer sur les nouvelles technologies cellulaires LTE-M et NB-IoT, qui permettent de répondre aux besoins principaux rencontrés sur les projets d’IoT d’aujourd’hui et de demain, que ce soit en France ou à l’international. Actuellement, il existe déjà plus de 160 réseaux NB-IoT et LTE-M à travers le monde. Dans ce contexte, le réseau LoRaWAN de Bouygues Telecom et les services associés ne seront plus accessibles au-delà de décembre 2024. Et nous accélérons en revanche le déploiement conjoint du NB-IoT et du LTE-M de manière à offrir un panel technologique IoT cellulaire complet. »
