DSIN
Manager Numérique de l’année : Barbara Martin Coppola (Decathlon)
Par Pierre Landry, publié le 28 avril 2023
Depuis deux mois, nous publions chaque vendredi le portrait d’un des lauréats de la 24ème édition des trophées « DSI(N) de l’année ». Il est temps de clôturer cette rétrospective avec notre dernière lauréate. Le trophée du « Manager Numérique de l’année » remis par la rédaction d’IT for Business est revenu cette année à Barbara Martin Coppola, Directrice générale de Decathlon.
Pour « rêver grand » et devenir numéro un mondial de son secteur, la nouvelle directrice générale de Decathlon mise sur le numérique ainsi que sur sa volonté d’en faire l’un des champions d’une économie circulaire naissante. Un process initié par son prédécesseur que Barbara Martin Coppola entend fortement accélérer au point d’en faire un marqueur fort de sa stratégie pour les années à venir. La rédaction d’IT for Business l’a élue Manager numérique de l’année. Voici pourquoi.
Depuis son arrivée à la tête de Decathlon en mars de l’année dernière, l’ex-directrice de la stratégie numérique d’Ikea a insufflé, auprès de ses équipes, son engagement pour le développement durable. C’est même l’une des raisons qui l’aurait amenée à rejoindre cette très discrète maison. Mais pas seulement. Même si, avec une présence dans 70 pays et un chiffre d’affaires annuel de 14 Md€, Decathlon est encore loin de ses deux principaux compétiteurs (Nike et Adidas avec respectivement 44 Md$ et 21 Md€ de CA), elle en a encore sous les crampons. En Afrique, tout est à construire ; en Chine, les ventes par internet de Decathlon restent à développer. La compétition internationale est relancée !
Un plan ambitieux, mais pas irréaliste
Passée par la Direction France de Google, Barbara Martin Coppola apporte vingt-deux années d’une expérience forte dans le digital et la tech, les deux bras de levier qu’elle entend utiliser.
Disposant d’une expérience internationale comme sa nouvelle directrice générale, Jérôme Dubreuil, le chief digital officer de l’enseigne, a la ferme conviction d’être dans un contexte où c’est bien la technologie qui va faire la différence. Pour lui, utiliser de la data et fournir des expériences digitales de plus en plus riches et captivantes aux utilisateurs oblige à repenser la mission de Decathlon : « Nous ne sommes plus là pour vendre un produit, mais pour créer une véritable expérience sportive et la rendre accessible à tous… Cela nous oblige à complètement changer l’architecture de Decathlon qui était une entreprise de flux sortants. Pour parvenir à être dans l’économie circulaire, nous devons avoir la capacité de suivre le produit, de le reprendre à un prix donné, de le louer… Au lieu d’avoir juste une base de données de prix neufs, il faut prendre en compte l’ensemble des données associées à ces rachats et à ces reventes. C’est un chantier massif. »
Accélération de l’offre de produits écoconçus
L’allongement de la durée de vie des produits pour faire vivre le matériel sportif le plus longtemps possible au lieu d’en racheter à la moindre panne est l’une des composantes de l’écodesign développé par Decathlon. Car d’ici 2026, 100 % des produits de ses marques devront respecter tout un ensemble d’engagements en intégrant des ressources issues du recyclage de bouteilles en plastique, du coton ou du textile. Même la teinture des tissus va devoir utiliser la technique du « Dope Dyed ». Les fils de textile sont créés en ajoutant des colorants directement dans la masse fondue de polymères pendant le processus de filage afin d’en réduire la consommation d’énergie, d’eau et la production de déchets.

Jérôme Dubreuil,
Chief digital officer de Decathlon
« La mission de Decathlon, c’est de permettre à chacune et chacun de bénéficier des bienfaits et des plaisirs du sport de façon durable. »
Une plateforme centrale déployée pour 70 pays
Déjà chez IKEA, la dirigeante franco-espagnole avait donné la bonne recette qu’il fallait, selon elle, appliquer : « simplifier l’organisation technologique de l’entreprise, fluidifier les process à tous les échelons et, enfin, repenser la manière de concevoir les points de contact avec la clientèle ».
C’est sans surprise ce que Jérôme Dubreuil prévoit de déployer à l’échelle quand il explique vouloir développer pour l’ensemble des sites d’e-commerce, une « Decathlon Core Platform » pour y loger le paiement, le fulfillment, la gestion des commandes, la connaissance des clients, le login, etc.
Avec un objectif clair : « être capables de tester en permanence de nouveaux modèles de vente ou de nouvelles expériences sportives. »
Des solutions technologiques en mode éditeur de logiciels
Fidéliser la clientèle fait partie des priorités des équipes de Barbara Martin Coppola. Mais pour y arriver, elle n’hésite pas à les sortir de leur zone de confort, quitte parfois à changer de métier, comme l’indique Jérôme Dubreuil : « Nous poussons le modèle pour pouvoir proposer des solutions technologiques en mode éditeur de logiciels. Par exemple, pour notre brique de paiement, comme nous avons réalisé qu’elle avait un fort potentiel à l’extérieur de nos murs, nous sommes devenus un prestataire de services de paiement à part entière en créant la spin-off UpStream Pay. »
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Un développement à l’international
Sportive, celle qui pratique le fitness, le tennis ou encore le ski, n’en oublie pas le développement hors de ses frontières quand elle déclare au cours d’une interview donnée au Figaro : « En Asie du Sud-Ouest déjà, nous n’avions, dans un premier temps, proposé que notre offre en ligne, avant d’ouvrir des magasins. La part de l’e-commerce est amenée à grandir encore […] En Chine par exemple, une vente sur trois se fait sur internet. »

Être présent sur tous les canaux de vente du digital est donc la clé. Mais il aura toutefois fallu attendre 2021 pour que Decathlon s’ouvre aux places de marché, avec le lancement de onze marketplaces. Sans oublier que « rendre les produits disponibles au-delà de la page web, c’est d’une complexité phénoménale (entrepôts centraux, régionaux, intermédiaires, magasins…) ».
Une obsession pour Jérôme Dubreuil qui sait que, pour être au rendez-vous sur internet, « il faut savoir en permanence où est le stock ». Et que pour y arriver, « il faut disposer de la brique qui centralise à jour et à un instant t quel stock est disponible et où ».
Quand on vous dit que pour les équipes de Barbara Martin Coppola, le sport va être aussi du digital !
L’ENTREPRISE DECATHLON
C’est en 1976 que la marque voit le jour grâce à Michel Leclercq, un passionné de sport qui ouvre un magasin d’articles sportifs en libre-service sur le parking d’un centre commercial Auchan. À ses débuts, Decathlon doit jouer des coudes. Face à l’interdiction d’avoir accès aux marques de distributeurs, le fondateur va créer un bureau de création à son propre nom. C’est le début d’une grande aventure où Decathlon pèse aujourd’hui 13,8 Md€, dont 20 % sont réalisés via les canaux digitaux.

LE PARCOURS DE BARBARA MARTIN COPPOLA
2022 : Directrice générale du groupe Decathlon
2018 : Directrice mondiale du numérique d’Ikea
2015 : Entre chez GrubHub, spécialiste de la livraison de repas basé à Chicago
2012 : Directrice de produit et marketing chez Youtube
2010 : Responsable de Chromecast chez Google aux États-Unis
2008 : Directrice de Google France
2005 : Responsable stratégie commerciale de Samsung, à Séoul
1999 : Responsable développement commercial de Texas Instruments
FORMATION
– Diplômée de l’Université polytechnique de Madrid et de l’ENST (Télécom Paris)
– MBA de l’Insead
– Advanced Management Program de la Harvard Business School
