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Aura Aero conçoit ses avions dans le Cloud
Par Alain Clapaud, publié le 26 décembre 2024
La start-up française de l’aéronautique, Aura Aero, s’est lancée dans la course à la conception du premier appareil de transport commercial hybride kérosène-électrique. Elle mise sur la flexibilité et les capacités collaboratives du Cloud pour prendre de vitesse les géants du secteur et a retenu notamment la solution SaaS Onshape de PTC pour la partie CAO/PDM.
Concevoir un avion de ligne de A à Z dans le Cloud, avec des outils de design collaboratif, c’est le pari de Aura Aero. Oubliés les outils de CAO « classiques » comme Catia, la start-up a fait le choix de la solution OnShape de PTC, une solution SaaS native.
Créée en 2018 par des anciens d’Airbus et d’Assystem, Aura Aero a pour vocation de concevoir le premier appareil de transport hybride kérosène-électrique de 19 places. L’entreprise compte aujourd’hui 250 personnes à Toulouse, où elle dispose d’un site de production de 6 000 m2.
Ses ingénieurs ont commencé par créer l’Integral, un petit avion biplace d’entraînement et à capacité de voltige. La première version, propulsée par un moteur thermique, devrait être certifiée par l’AESA et la FAA cette année. Une version électrique doit faire ses premiers essais en vol cette année également.
Au-delà de ce premier programme en passe d’être une réussite, l’objectif principal de la start-up reste la conception de l’Era. L’entrée en service est planifiée avant 2030, mais son premier vol est attendu dès 2026.
Pour mener à bien ces deux programmes, la start-up a misé sur une informatique 100 % cloud dès son origine. « Lorsque j’ai rejoint l’entreprise, fin 2020, Aura Aero ne comptait encore que 25 personnes. Nous n’étions alors que deux au digital, raconte David Roche, directeur adjoint du service digital d’Aura Aero. Nous avons immédiatement décidé d’avoir un système d’information entièrement SaaS. Une petite structure comme la nôtre n’était pas en capacité d’opérer des systèmes informatiques lourds, des serveurs locaux et surtout de devoir les sécuriser. Dès le début de l’aventure, nous avons souhaité un SI sans aucune infrastructure, ni applicatif en propre. »
Outre ses facilités de management et de sécurisation des applications et des montées de version automatiques, le mode SaaS permet à la jeune entreprise d’ajouter de nouveaux utilisateurs sans contraintes, un atout certain en phase de croissance rapide.
C’est la solution de design Onshape de PTC qui a été choisie pour concevoir l’Integral et le futur Era. Les fonctionnalités de CAO et de PDM de cette solution SaaS sont validées par le responsable des opérations industrielles qui a une longue expérience de tous les systèmes déployés chez les grands de l’aéronautique. « Nous ne cherchions pas une solution isopérimètre à ce dont dispose Airbus, par exemple, explique David Roche. Nous n’avons pas leur envergure, donc nous devons faire les choses différemment. Nous choisissons les outils qui répondent précisément à nos besoins et nous les assemblons. L’important pour nous, c’est la capacité d’interconnexion de chacune de ces briques logicielles. Dans nos critères de choix, toutes les solutions doivent être interopérables par API et interrogeables dans les deux sens par des robots logiciels. C’est que nous développons nous-mêmes une plateforme d’échange de données qui centralise celles de toutes les solutions mises en oeuvre dans l’entreprise. »
Cette plateforme data permet de fournir un catalogue de données à l’ensemble des collaborateurs et de les archiver.
« Cette approche nous permet également d’être agnostiques vis-à-vis de nos outils et de pouvoir en remplacer certains, car les évolutions dans le numérique sont très rapides. Aura Aero a démarré ses activités sur AWS, mais exploite aujourd’hui AWS et GCP et n’exclut pas de faire encore évoluer ce mix si le besoin s’en fait sentir. »

Entièrement conçu dans le Cloud, le Era a déjà reçu 570 intentions d’achat, dont la moitié aux États- Unis. Cet avion de ligne de 19 places devrait voler pour la première fois en 2026. Il sera alors l’un des tout premiers avions de transport hybride.
L’intégration CAO/PDM au coeur de l’organisation
Les données de définition des pièces à produire créées sur Onshape sont stockées sur cette plateforme data et viennent alimenter les données de fabrication de l’ERP Sage X3 Aéro by 4CAD mis en oeuvre par le jeune avionneur.
L’intégration à la plateforme de CAO d’un PDM/PLM issu de l’acquisition de l’éditeur Arena par PTC, simplifie ces échanges de données. « Ces capacités ont été très importantes pour nous, notamment dans la définition de l’Era, en phase d’avant-projet. Avec la gestion automatique des versions et branches d’évolution intégrées, le bureau d’études a pu expérimenter différentes voies. Plusieurs équipes ont travaillé en parallèle sur deux versions différentes de l’Era afin d’expérimenter les choix de voilure et de motorisation, puis les tester en simulation. Ainsi, des choix ont pu être réalisés en fonction des performances de chaque formule. »
L’efficacité de l’intégration entre Onshape et le PDM permet aujourd’hui à Aura Aero de concevoir et maintenant d’assembler ses avions sans aucun plan papier, ce qui reste très novateur dans le secteur.
Era, un changement d’échelle pour Aura Aero
Le bureau d’études, celui expérimental chargé des projets amont, la production, et au total la moitié de l’effectif de l’entreprise disposent d’accès à Onshape, soit une centaine de licences. Depuis le printemps 2024, les ingénieurs travaillent sur la conception détaillée de l’Era.
La maquette numérique a été créée et les premiers jalons ont été passés, mais c’est à un véritable changement d’échelle que va devoir faire face Aura Aero. Petit monomoteur, l’Integral représente un assemblage de 4 000 à 5 000 pièces. L’Era en comptera quatre à cinq fois plus.
David Roche
Directeur adjoint du service digital, Aura Aero
« Dès le début de l’aventure Aura Aero nous avons souhaité un SI full SaaS, sans aucune infrastructure en propre. »
De plus, concevoir un avion de ligne impose un nouveau découpage industriel : Aura Aero va devoir interagir avec de nombreux intervenants extérieurs, ce qui va constituer une évolution significative dans la façon de travailler pour le jeune avionneur : « Pour prendre un exemple, un sous-traitant est en train de fabriquer pour nous les premières pièces de voilure qui constitueront l’aile du premier prototype, explique Marc Germain, directeur du digital chez Aura Aero. Nous lui avons ouvert un compte Onshape avec un accès sur une partie de notre maquette numérique. Il dispose des dernières données et cela permet un travail collaboratif sur le modèle. »
Dans un tel scénario, l’atout de Onshape est de permettre à plusieurs personnes de travailler sur un même assemblage ou sur une même pièce, que les concepteurs soient en interne ou à l’extérieur de l’entreprise.
Basculer du programme Integral vers Era va demander une montée en puissance considérable pour Aura Aero, mais David Roche reste serein quant à la capacité d’Onshape à suivre la start-up dans sa croissance : « Nous avons des discussions constructives avec l’éditeur, notamment sur des fonctionnalités qui seront clés pour nous et qui vont faire progresser leur produit. »
Le responsable estime au final que le modèle SaaS a démontré sa pertinence dans le cas d’Aura Aero, notamment parce qu’aucune indisponibilité du service n’est venue entraver l’envol de la start-up.
Le projet en chiffres
100 licences Onshape
4 000 à 5 000 pièces pour le Aura Integral
4 à 5 fois plus pour le modèle Era à venir
L’entreprise Aura Aero
Activité : Constructeur aéronautiqueEffectif : 250 collaborateursCA (2023): 139 k€ (70 M € levés depuis la création)
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