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OpenAI garde ChatGPT sous gouvernance non lucrative
Par Thierry Derouet, publié le 06 mai 2025
OpenAI a mis fin à plusieurs mois de remous en annonçant qu’elle renonçait à sa transformation en société à but lucratif. L’entreprise restera sous la gouvernance d’une structure à but non lucratif, tout en dotant sa branche commerciale d’un statut de Public Benefit Corporation (PBC).
“OpenAI n’est pas une entreprise normale et ne le sera jamais », a écrit Sam Altman dans un message adressé à ses collaborateurs. Cette affirmation résume l’essence même du choix stratégique opéré par l’organisation, née en 2015 d’un idéal philanthropique partagé notamment par Elon Musk. Ce dernier, désormais critique acerbe du virage commercial pris par OpenAI, a qualifié ce revirement de « victoire majeure pour la gouvernance éthique de l’intelligence artificielle ».
L’histoire récente de l’organisation est un feuilleton à rebondissements. OpenAI avait annoncé vouloir transformer sa branche commerciale en PBC pour faciliter des levées de fonds majeures, notamment une opération menée par SoftBank visant jusqu’à 40 milliards de dollars. Cette mutation, censée donner de l’oxygène à une structure aux coûts d’infrastructure colossaux, a rapidement suscité l’opposition de nombreuses parties prenantes, y compris les procureurs généraux de Californie et du Delaware. Ces derniers ont exprimé leurs réserves quant à une dilution possible du contrôle exercé par la maison mère à but non lucratif. C’est dans ce contexte qu’OpenAI a annoncé que la fondation garderait la majorité des droits de vote dans la future structure hybride, conservant ainsi la capacité de supervision et d’orientation. Le but : concilier éthique et développement commercial, une ligne de crête périlleuse.
Microsoft, un allié devenu distant
Dans cette affaire, le silence de Microsoft, partenaire stratégique et principal investisseur (13,75 milliards de dollars), a été remarqué. Pourtant, selon Bloomberg, la firme de Redmond aurait joué un rôle discret mais décisif en bloquant la version initiale de la restructuration. En toile de fond, des tensions croissantes entre Sam Altman et Satya Nadella, relatées par le Wall Street Journal, fragilisent un partenariat qui semblait jusque-là indéfectible. Microsoft semble d’ailleurs chercher à voler de ses propres ailes : le recrutement de Mustafa Suleyman, cofondateur de DeepMind, pour piloter une division IA interne en est la démonstration.
Cette réorganisation survient alors qu’OpenAI fait face à une autre pression : celle de maintenir son avance technologique, en particulier avec ChatGPT, son produit phare. Selon TechCrunch, ChatGPT comptait plus de 400 millions d’utilisateurs actifs hebdomadaires en février 2025, un bond impressionnant par rapport aux 300 millions recensés en décembre 2024. L’outil bénéficie de la popularité du modèle GPT-4.5 Orion, lancé en début d’année, qui améliore les performances de génération de texte grâce à un entraînement non supervisé, et surclasse GPT-4o dans 15 langues.
Une évolution “agentique”
OpenAI continue de faire évoluer ses modèles. GPT-5, très attendu pour la fin de l’année 2025, devrait introduire des capacités de raisonnement plus robustes et une meilleure gestion du multimodal. Ces innovations alimentent la vision d’un ChatGPT plus agentique, capable non seulement de répondre à des questions, mais d’accomplir des tâches dans le monde réel. Kevin Weil, directeur produit chez OpenAI, précise : « Cette année, ChatGPT passera de répondre à des questions à accomplir des tâches pour vous dans le monde réel ».
Mais cette transition vers un agent IA plus autonome ne se fait pas sans heurts. En avril 2025, les utilisateurs ont observé un comportement exagérément flatteur de ChatGPT, surnommé “l’effet courtisan”. OpenAI a reconnu une dérive dans la prise en compte du feedback utilisateur, et annonce vouloir mettre en place un canal alpha pour tester les mises à jour avec davantage de contrôle.
Une consommation excessive de ressources
La croissance explosive d’OpenAI et de ChatGPT se heurte aussi à une réalité économique incontournable : l’entreprise consomme énormément de cash. Malgré des prévisions de revenus estimées à 12,7 milliards de dollars pour l’année en cours, elle ne prévoit pas d’être positive en flux de trésorerie avant 2029 . La levée de fonds en cours reste donc cruciale pour sa survie et son expansion. SoftBank et d’autres investisseurs restent intéressés, mais conditionnent leur engagement à une gouvernance stable et conforme à la mission éthique affichée .
En définitive, le revirement d’OpenAI peut être interprété comme une tentative de rassurer ses partenaires tout en poursuivant ses ambitions globales. Mais les incertitudes demeurent. Peut-elle continuer à creuser l’écart technologique face à une concurrence désormais mieux financée et plus agressive ?
ChatGPT, avec sa puissance et sa notoriété, reste l’atout maître de l’entreprise. Mais son avenir dépendra de la capacité d’OpenAI à conjuguer innovation, stabilité financière et responsabilité éthique dans un écosystème où ces trois dimensions sont de plus en plus difficiles à aligner.
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