GARTNER SUPPLY CHAIN TOP 25 - 2025

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Classement Gartner 2025 : la supply chain française s’impose, l’IA joue les chefs d’orchestre

Par Laurent Delattre, publié le 19 juin 2025

C’est l’un des classements qui inquiètent le plus les entreprises qui y sont classées. Cette édition 2025 du “Gartner’s Supply Chain TOP 25” révèle des transformations profondes dans l’écosystème des chaînes d’approvisionnement mondiales, portées par l’intelligence artificielle agentique, les opérations autonomes et une gestion renforcée des ressources hydriques. Quels en sont les autres enseignements ?

Le classement Gartner Supply Chain Top 25 constitue bien plus qu’un simple palmarès. Cette évaluation annuelle identifie et analyse les organisations démontrant une excellence durable dans la gestion de leurs chaînes d’approvisionnement. Depuis vingt-et-un ans, il sert de mètre étalon à la communauté industrielle. Gartner analyse chaque année un panel issu des Fortune Global 500 et Forbes Global 2000, retenu à partir d’un seuil de 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires et excluant les entreprises sans chaîne physique. À la clé : un score composite qui agrège à parts égales l’opinion des pairs et celle des analystes du Gartner (25 % chacun), auxquels s’ajoutent la rentabilité des actifs physiques (ROPA, 5 %), son évolution sur trois ans (10 %), la croissance du chiffre d’affaires (10 %), la rotation des stocks (5 %) et, désormais très visible, un volet ESG qui pèse 20 % du total.

Ce cocktail « finance + opinion » consacre à la fois la stabilité financière, l’exemplarité opérationnelle et l’empreinte sociétale des chaines d’approvisionnement des grands acteurs internationaux.

Au-dessus du classement annuel trône la catégorie des « Masters » : seules les entreprises ayant figuré au moins sept fois dans le Top 5 sur la dernière décennie y accèdent, preuve d’une excellence qui s’inscrit dans le temps et d’efforts qui perdurent.

Le palmarès n’est pas qu’une affaire de chaines d’approvisionnement : il est devenu un indicateur avancé de la transformation numérique et de la cyber-résilience des entreprises qui y figurent. Il est donc à la fois utile et instructif aux DSI parce qu’il révèle les tendances technologiques et organisationnelles qui façonnent l’avenir des chaînes d’approvisionnement et met en exergue les meilleures pratiques adoptées par les leaders du secteur.

Trois tendances métamorphosent la supply chain

Dans son classement 2025, Gartner relève trois tendances dominantes :

L’IA agentique d’abord : évolution de la génération de contenus vers la délégation de décisions, elle nourrit la prévision de la demande et l’optimisation des niveaux de stock et de commandes sans intervention humaine. Pour Gartner, elle impact également la sélection des fournisseurs, l’IA évaluant en continu les fournisseurs selon des métriques de performance, d’analyse des coûts et de fiabilité, en tenant compte des conditions de marché et des facteurs géopolitiques.

Vient ensuite l’extension de l’automatisation vers de véritables opérations autonomes. Alors que l’automatisation traite des processus isolés, les opérations autonomes synchronisent de multiples activités, générant des améliorations substantielles de productivité. Ces systèmes intègrent des capacités d’auto-surveillance, d’auto-régulation et d’optimisation continue, libérant les employés des tâches routinières et améliorant la sécurité en limitant le travail dans des zones dangereuses. Selon Gartner, 38 % des entreprises prévoient d’utiliser l’automatisation intelligente pour la logistique, la distribution ou la production ; 33 % souhaitent l’appliquer à la gestion contractuelle et aux paiements ; 19 % visent l’amélioration des ventes et négociations contractuelles grâce aux capacités autonomes, le tout dans un horizon de trois ans.

Enfin, l’eau devient un actif stratégique : les meilleurs intègrent la disponibilité hydrique dans leurs schémas d’implantation et déploient des boucles de recyclage ou de désalinisation pour sécuriser la continuité d’activité. Selon CDP, 20% des entreprises signalent des risques hydriques significatifs dans leur chaîne d’approvisionnement. L’importance stratégique de l’eau s’étend à travers divers secteurs industriels, impactant les chaînes de valeur dans l’agriculture, la manufacture et les centres de données en raison de ses rôles dans la culture, la production et le refroidissement.

« Les leaders se distinguent cette année en intégrant l’IA avancée, en développant des opérations autonomes et en gérant les ressources avec rigueur », résume ainsi Simon Bailey, vice-président analyste chez Gartner.

Ce que révèle le tableau d’honneur 2025

Schneider Electric conserve sa couronne pour la troisième fois consécutive ! Le groupe français a lancé un nouveau parcours de transformation de trois ans baptisé “Impact Supply Chain”, articulé autour de quatre piliers : les personnes, la planète, les clients et la performance. Cette approche holistique s’accompagne d’avancées significatives en automatisation industrielle, intégrant des technologies avancées comme l’IA générative qui mêle cas d’usage remontés du terrain et arbitrage stratégique central.

NVIDIA signe la progression de l’année, propulsée deuxième. L’entreprise californienne tire parti de ses propres technologies d’IA pour permettre la rapidité et l’agilité qu’exige sa chaîne d’approvisionnement mondiale complexe. NVIDIA prévoit d’utiliser ses technologies avancées d’IA, de robotique et de jumeaux numériques pour concevoir et exploiter de nouvelles installations, tout en sécurisant des capacités à long terme avec des fournisseurs clés pour l’orchestration de son écosystème.

Cisco Systems complète le podium à la troisième place démontrant son leadership dans l’orchestration de la production à travers un réseau mondial. L’entreprise illustre son engagement ESG avec 90% de ses fournisseurs, en termes de dépenses, ayant fixé un objectif de réduction des gaz à effet de serre en 2024. Cisco utilise des technologies innovantes dans sa chaîne d’approvisionnement, notamment l’IA et l’apprentissage automatique pour la qualité des produits, ainsi que l’IA causale pour la précision des prévisions.

AstraZeneca obtient la quatrième place grâce à une réduction de 67% du délai entre développement et production et un temps de cycle de 98% grâce à une transformation manufacturière continue. L’entreprise pharmaceutique a créé une solution directe patient de nouvelle génération pour améliorer le processus d’essais cliniques décentralisés et pilote la gestion de l’eau à travers sa chaîne de valeur par l’évaluation des risques et la résolution collaborative de problèmes.

Johnson & Johnson ferme le TOP 5. Selon Gartner, ses divisions médicaments et technologies médicales se démarquent grâce à l’excellence numérique, l’amélioration des processus et l’innovation. L’entreprise utilise des cartes de chaînes d’approvisionnement et des jumeaux numériques pour identifier les améliorations de conception et les compromis supportant les futurs cycles de vie des produits, tout en obtenant la certification International Water Stewardship Standard pour sa gestion de l’eau.

Le reste du classement soulève également des remarques

Ainsi, le palmarès 2025 confirme aussi un étonnant ancrage français : outre la pole position de Schneider Electric, on notera la remarquée sixième place de L’Oréal (6ᵉ) qui industrialise son centre de fulfillment intelligent et gagne 5 places au classement, et la dixième place de Danone (plus forte progression, le groupe était 22ème en 2024) qui généralise l’autonomous planning et déploie à grande échelle ses outils d’optimisation et de GenAI orientés prévisions et fret bas carbone. L’Hexagone deviendrait-il la référence européenne en matière de supply chain ?

Du côté européen, Nestlé gagne 2 rangs (désormais 11ᵉ) en capitalisant sur l’automatisation « lights-off » de ses usines, tandis que Heineken, portée par ses programmes d’eau circulaire, passe de la 24ᵉ à la 19ᵉ place.

Le cru 2025 accueille quatre nouveaux venus – Novartis (16ᵉ), General Mills (17ᵉ), Sanofi (21ᵉ) et GSK (24ᵉ) – tous dopés par des chaînes de valeur pharmaceutiques ou agroalimentaires tirées par l’agentic AI et la supervision en temps réel des risques fournisseurs. Leur arrivée chasse Nike, Inditex, Dell Technologies et Pfizer, absents cette année probablement en raison de performances financières ou ESG jugées insuffisantes.

Intel glisse de dix rangs et ferme désormais le classement (25ᵉ), signe que la tension persistante sur les semiconducteurs fragilise son indicateur ROPA. Coca-Cola (14ᵉ) et Walmart (13ᵉ) abandonnent respectivement six et quatre places, la première absorbant le coût de sa transition vers « Cola 3000 », le second achevant la robotisation de ses docks. Enfin Microsoft prend aussi le bouillon et perd 5 places probablement handicapée par les impacts négatifs de ses investissements IA sur ses objectifs climatiques.

Les « Masters » constituent la caste à part du classement Gartner : pour y rester, il faut avoir figuré parmi les cinq meilleurs scores composites au moins sept fois sur les dix dernières éditions (2015-2025). C’est un indicateur de constance plus que de simple performance ponctuelle. Pas de nouveau venu cette année : Amazon, Apple, Procter & Gamble et Unilever conservent leur statut, preuve que leur avance reste structurelle. Amazon reste le référent de l’automatisation centrée client. Apple se distingue par sa quête d’efficacité manufacturière, visant une réduction de 50% de sa main-d’œuvre d’assemblage d’ici 2030 grâce à la robotique. P&G démontre une maturité organisationnelle exemplaire avec sa stratégie “Supply Chain 3.0” qui harmonise exécution retail, productivité et innovation disruptive. Unilever repousse les frontières avec son système UMS (Unilever Manufacturing System) et son modèle “Factory to Consumer” atteignant 90% d’automatisation d’autant que l’entreprise intègre également cinq objectifs centrés sur l’éco-responsabilité dans sa stratégie, notamment la gestion de l’eau en zones de stress hydrique.

Il résulte de la lecture croisée de ces trajectoires un signal qui doit aujourd’hui interpeler tous les DSI (alors que les chaînes d’approvisionnement modernes constituent l’épine dorsale numérique des entreprises, orchestrant flux physiques et flux d’informations à l’échelle planétaire) : la performance supply chain s’écrit désormais au futur de l’IA, de l’autonomie et de la durabilité, et c’est bien à la fonction numérique, à la DSI, de bâtir l’infrastructure qui les reliera.



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