OpenAI DevDay 2025 : Notre analyse de toutes les annonces

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OpenAI DevDay 2025 : Ce qu’il faut en retenir…

Par Laurent Delattre, publié le 13 octobre 2025

OpenAI n’est plus un simple laboratoire d’IA, mais un constructeur de systèmes complets. Entre Stargate, ChatGPT Apps et AgentKit, elle tisse son propre « AI web » d’infrastructures, d’outils et d’usages. Durant son DevDay 2025, la firme de Sam Altman a démontré que l’IA ne se greffe plus sur le numérique : elle en devient la structure même.

OpenAI est bien plus qu’une startup de l’IA et un pionnier de l’Intelligence Artificielle générative. Avec sa vision à long terme, sa perception des changements en cours, l’entreprise dirigée par Sam Altman est en train de redessiner le paysage du numérique. Elle n’hésite pas à affronter les géants bien installés en réinventant leurs business par l’IA : OpenAI fait trembler Google sur la recherche Web, s’attaque aux piliers de Microsoft que sont LinkedIn, Bing ou encore Office, inquiète Tik Tok avec son app Sora sur iOS, menace le concept même d’applications SaaS avec ses agents IA, etc.

Parallèlement, derrière son pharaonique projet Stargate, OpenAI se construit une infrastructure énergétique et matérielle digne des géants du cloud, tout en gardant la main sur la couche applicative. OpenAI ne se contente plus de développer des modèles, elle s’assure de contrôler toute la chaîne, du silicium jusqu’aux usages, sécurisant l’accès aux composants avec des accords titanesques signés avec Nvidia et AMD avant, pourquoi, de concevoir ses propres accélérateurs.

Et son évènement DevDay 2025, qui s’est tenu la semaine dernière, n’a fait que conforter cette impression. Une conférence entièrement dédiée aux développeurs et sans aucune annonce grand public. D’ailleurs, OpenAI avait veillé à lancer son spectaculaire modèle de génération vidéo Sora 2, quelques jours plus tôt, afin de ne pas court-circuiter ses annonces Dev. Porté par une application iOS Sora, téléchargé plus d’un million de fois en moins de cinq jours, le modèle Sora 2 a en quelques heures et, malgré son accès limité, inondé les réseaux sociaux de Deepfakes mettant en scène des gens connus dans des situations invraisemblables et violant sans vergogne les copyrights du cinéma et de l’animé. OpenAI a d’ailleurs profité de son DevDay 2025 pour officialiser l’API d’accès à Sora 2 via son Cloud. Concrètement, cela signifie que des applications tierces pourront proposer des vidéos générées à la volée, avec un niveau de réalisme qui inquiète Hollywood mais qui ouvre aussi des perspectives inédites pour la publicité, l’éducation ou le divertissement. Les DSI qui envisagent d’intégrer Sora 2 dans leurs pipelines business ou marketing devront se montrer très vigilants sur les processus de contrôle et de vérification mais aussi implanter des garde-fous adéquats pour éviter toute dérive.

DevDay est donc avant tout un événement pour bâtisseurs. Et OpenAI a rappelé que sa plateforme est un terrain de jeu conçu « par et pour les développeurs », avec 4 millions de devs actifs, 800 millions d’utilisateurs hebdomadaires sur ChatGPT, et 6 milliards de tokens par minute sur l’API. Une façon aussi de rappeler que la diffusion de l’IA passera par ceux qui construisent les applications, orchestrent les agents IA et connectent les données.

ChatGPT, de Chatbot à Plateforme d’Interactions

Sans aucun doute, le point culminant du DevDay 2025 a été la transformation de ChatGPT en un environnement applicatif : ChatGPT va héberger des Apps IA. Grâce au nouvel Apps SDK, les développeurs peuvent désormais créer de véritables applications interactives à l’intérieur de l’interface de ChatGPT. Ce ne sont pas des « plugins » à l’ancienne, ou des GPTs limités dans leur degré d’intégration, mais de véritables applications conversationnelles, découvrables au fil du dialogue et capables d’afficher des interfaces interactives dans la conversation (cartes, playlists, formulaires, présentations…). Lors d’une démonstration live, un utilisateur pouvait suivre un cours sur Coursera, demander à ChatGPT d’expliquer un concept, puis générer une affiche avec Canva et explorer des biens immobiliers via Zillow, le tout sans quitter la conversation ni ChatGPT. Pour Sam Altman, cette évolution est un véritable changement de paradigme : « Nous passons de systèmes auxquels on peut demander n’importe quoi, à des systèmes auxquels on peut demander de tout faire pour vous. »

Dit autrement, ChatGPT n’est plus seulement un assistant conversationnel, mais un point d’entrée vers le web commercial et logiciel, une interface universelle vers toutes formes de services et logiciels. Pour certains, cette capacité à héberger, exécuter et intégrer des applications au sein même de l’assistant IA fait de ChatGPT une sorte d’OS de l’IA, un environnement où l’on pourrait « commencer sa journée » et naviguer entre services sans jamais sortir du chat.

« Les apps apparaissent naturellement quand elles sont utiles », explique l’équipe produit, « mais vous pouvez aussi les invoquer par leur nom ». OpenAI veut ainsi réduire le « frottement » qui existait entre l’intention, la recherche d’une app, l’ouverture d’une interface et l’exécution d’une tâche.

Pour les développeurs, c’est une opportunité de distribution inédite : accéder directement à une base de plus de 800 millions d’utilisateurs hebdomadaires, une base qui ne cesse de gonfler. Mais c’est aussi une dépendance accrue à l’écosystème OpenAI, qui se positionne désormais comme un intermédiaire incontournable entre services et utilisateurs.

Pour concrétiser cette vision, OpenAI a lancé un « Apps SDK » (en preview) qui permet de coder la logique et l’UI tout en s’appuyant sur MCP (Model Context Protocol) comme standard ouvert de connexion aux données et outils. Des partenaires pilotes – notamment Zillow, Spotify, Canva, Booking.com, Expedia, Figma, Coursera – illustrent la diversité des scénarios de telles ChatGPT Apps où l’on réserve un hôtel, conçoit un Powerpoint, ou explore des annonces immobilières sans quitter la fenêtre de chat.

Côté déploiement, les ChatGPT Apps seront d’abord disponibles en dehors de l’Union Européenne (dont les règlements RGPD, DMA, et DSA refroidissent toujours les ardeurs américaines), avec un App store et un modèle de monétisation qui seront annoncés « plus tard cette année » ainsi qu’avec un protocole d’« agentic commerce » pour l’achat in-chat.

Pour les DSI, cette arrivée d’Apps avec autosuggestion par ChatGPT soulève une importante question de gouvernance : comment encadrer permissions, journalisation, conformité, data minimisation, et paiements in-chat ? OpenAI promet des contrôles granulaires et des guidelines, mais l’appropriation en entreprise passera par des politiques d’accès et d’audit dignes d’un app store professionnel. On attend de voir les outils d’administration qui seront mis à disposition dans les versions « Teams » et « Enterprise » de ChatGPT.

AgentKit : simplifier la création d’Agents Autonomes

Des apps aux agents, il n’y a qu’un pas. L’automatisation avancée a été l’autre grand thème de ce DevDay. OpenAI a lancé AgentKit, une suite complète d’outils conçue pour permettre aux développeurs de construire, déployer et optimiser des agents autonomes du prototype à la production.  

Jusqu’ici, la création d’agents était un processus fragmenté et difficile, nécessitant des outils d’orchestration complexes, des connecteurs personnalisés et des pipelines d’évaluation manuels. AgentKit répond à ce défi par une solution intégrée reposant sur cinq composants. Le premier est l’Agent Builder, un canevas visuel de type glisser-déposer pour concevoir la logique des flux de travail multi-agents et configurer des garde-fous personnalisés, permettant une itération rapide grâce au support du versioning.

Le deuxième composant, ChatKit, est un toolkit destiné à embarquer des interfaces utilisateur de chat personnalisables dans n’importe quel produit. Il simplifie l’expérience développeur en gérant les réponses en streaming et en affichant la logique de pensée du modèle, ce qui est essentiel pour la transparence de l’IA.

Troisième composant, le Connector Registry sert de panneau d’administration centralisé pour gouverner et connecter les agents en toute sécurité aux données d’entreprise (comme Google Drive ou Microsoft Teams), assurant ainsi la conformité et la sécurité des données.  

Le quatrième pilier, crucial pour l’adoption en entreprise, est l’extension des outils d’Évaluation (Evals for Agents). La fiabilité des agents autonomes est le principal goulot d’étranglement de la confiance, car ils prennent des décisions critiques. Les outils Evals de l’AgentKit introduisent le Trace Grading, qui permet une analyse et une évaluation étape par étape du processus de décision de l’agent, transformant ainsi un processus probabiliste en un flux de travail vérifiable. Cette auditabilité renforce la confiance. AgentKit va jusqu’à proposer l’Automated Prompt Optimization et le support de l’évaluation des modèles concurrents, démontrant une ambition d’OpenAI de devenir la norme d’évaluation pour l’ensemble du marché.  

Enfin, le dernier composant de ce SDK pour agents se nomme « Guardrails ». C’est une couche de sécurité, publiée en open source, qui permet de filtrer les échanges, de détecter les jailbreaks, de renforcer la fiabilité, et de pointer tout contenu touchant à la propriété intellectuelle.

L’introduction d’AgentKit n’est pas une simple nouveauté, mais une manœuvre stratégique pour créer un écosystème fermé autour des solutions d’OpenAI. En positionnant AgentKit comme « plateforme intégrée » avec un Admin Console, des connecteurs et un RFT maison, OpenAI joue la carte de l’intégration verticale et de la vitesse d’itération là où d’autres misent sur l’interopérabilité frameworks/open source. Les DSI y verront un arbitrage classique : vélocité et cohérence out-of-the-box d’un côté, portabilité et « vendor mix » de l’autre. Le mouvement s’inscrit dans une bataille des SDK d’agents où chacun avance ses pions. Pour OpenAI, son nouveau SDK rend beaucoup plus facile le développement sur sa pile que l’intégration de solutions fragmentées concurrentes, comme Google ADK ou le Claude Agent SDK d’Anthropic. Microsoft, qui a lancé il y a peu son « Microsoft Agent Framework » adopte finalement la même stratégie qu’OpenAI. Le paradigme de développement est en pleine mutation, passant de l’écriture de code à « l’orchestration des agents intelligents ». Et l’on voit déjà poindre une guerre des SDK pour agents.

Selon OpenAI, « ce qui prenait des mois d’orchestration complexe se fait en quelques heures ». Au-delà du discours, la proposition répond aux vrais écueils qui faisaient échouer les POC jusqu’ici : manque de versioning de workflows, évals artisanales, front-ends coûteux à bâtir, sécurité/guardrails hétérogènes. AgentKit intègre des Guardrails open source (détection de jailbreak, masquage de PII, politiques) et ouvre la voie au Reinforcement Fine-Tuning (RFT) sur o4-mini et, en bêta privée, sur GPT-5. En clair, OpenAI veut standardiser l’« usine logicielle » des agents : design, exécution, mesure, amélioration continue.

GPT-5 Pro et Codex

Au-delà des plateformes logicielles, OpenAI a poursuivi l’amélioration de ses modèles fondation et de ses outils d’ingénierie logicielle.

Le modèle GPT-5 Pro débarque enfin sur l’API, se positionnant comme la version élite du modèle GPT-5, optimisée pour le raisonnement le plus difficile, avec une fenêtre de contexte de 400.000 tokens. GPT-5 Pro offre la capacité de raisonnement la plus élevée mais aussi la plus lente et la plus onéreuse (15 dollars par million de jetons en entrée et 120 dollars par million de jetons en sortie). Un prix très élevé qui régule ainsi mécaniquement la demande, garantissant que les ressources de calcul les plus rares d’OpenAI soient allouées aux tâches à forte valeur ajoutée qui exigent cette fiabilité maximale, GPT-5 standard, mini et nano, couvrant d’autres compromis coût/latence.

Au passage, signalons que deux autres modèles font leur apparition dans la plateforme API d’OpenAI : gpt-realtime-mini est un nouveau modèle vocal 70% moins onéreux que le modèle jusqu’ici disponible et gpt-image-1-mini est un nouveau modèle de génération d’images 80% moins onéreux que le modèle gpt-image.

OpenAI a également officialisé la GA de Codex, son compagnon de développement désormais disponible « partout où vous codez » : IDE, terminal et cloud, unifiés par le compte ChatGPT. Au passage, l’outil s’est enrichi d’utiles nouveautés : intégration Slack pour déléguer des tâches directement depuis un canal, Codex SDK pour embarquer l’agent dans ses propres workflows, et de nouveaux outils d’admin (contrôles d’environnements, monitoring, analytics). Surtout, Codex repose sur GPT-5-Codex, une variante spécialisée qui permet à OpenAI de revenir dans la course aux meilleures IA codeuses dominée par Claude d’Anthropic et Gemini 2.5 Pro de Google.

Pour OpenAI, Codex n’est plus seulement un assistant, mais un collaborateur critique, un coéquipier qui écrit, refactorise, teste, commente, et s’insère dans les chaînes CI/CD. Et pour enfoncer le clou et démontrer que Codex est un outil de productivité Dev sans équivalent, OpenAI dévoile ses statistiques internes : ses ingénieurs fusionnent 70 % de pull requests de plus par semaine grâce à l’outil, qui examine désormais presque toutes les revues de code pour détecter les problèmes critiques.

Au final, ce DevDay 2025 dévoile le sillon stratégique que tente de tracer la jeune pousse star de l’IA. En amont, elle cimente sa base énergétique et GPU via Stargate, avec des partenaires industriels capables d’absorber des cycles d’investissement colossaux. Au milieu, elle unifie l’expérience développeur : Apps dans ChatGPT pour la distribution et l’UX, AgentKit pour l’industrialisation des agents, GPT-5 Pro pour les cas critiques, Codex pour la fabrique logicielle. En aval, elle prépare un futur où l’IA ne s’ouvre plus dans une app mais s’incarne possiblement dans des devices dessinés par Ive. Des devices qui restent encore une grande énigme. Sam Altman et Jony Ive ont réaffirmé collaborer à « une famille d’appareils » qui s’éloignent des formes traditionnelles PC/smartphone. « Nous voulons des objets qui nous rendent plus heureux », a glissé Ive, tandis qu’Altman promet « la chose la plus cool que le monde ait jamais vue ». Mais rien n’a réellement filtré et on ignore toujours à quoi ressembleront ces fameux appareils. Même si l’on comprend bien désormais qu’ils seront animés par un OS dénommé ChatGPT. En trois ans, le Chatbot d’OpenAI a bien changé et devient une couche universelle où l’on code, où l’on cherche, où l’on vend, où l’on opère et où l’on réalise toutes nos interactions numériques.



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