Les API ont dévoré le logiciel et ouvert les systèmes d'information pour les rendre interopérables.

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API, cet étrange acronyme qui valait 1000 milliards

Par Laurent Delattre, publié le 18 janvier 2023

Le logiciel dévore le monde, disait Marc Andreessen en 2011. Mais en dix ans, les API ont dévoré le logiciel. Ces interfaces logicielles sont devenues des interfaces business, qui permettent de libérer de la valeur à grande échelle et sont à l’origine des plus grands modèles de plateformes ou d’écosystèmes digitaux.

Par Mehdi Medjaoui, CEO et cofondateur d’Alias

Des sociétés avec pour seuls produits des API, comme Stripe ou Twilio, se sont valorisées jusqu’à 100 Md€ en moins de dix ans. Certaines comme AWS, Shopify ou Expedia sont devenues des « plateformes-empires » grâce aux API. Mais qu’est-ce que ces organisations « APIsées » ont appliqué que d’autres n’ont pas encore compris ?

Bienvenue dans l’API Economy !

Le Prix Nobel d’économie Jeremy Rifkin l’avait prédit en 2003 : notre ère est « l’âge de l’accès ». Aussi bien pour nos biens de consommation que pour le reste, nous préférons avoir un service plutôt qu’un produit. Airbnb, Uber, etc. : depuis 20 ans et grâce aux capacités d’organisation du numérique, notre société préfère utiliser plutôt que posséder. Le logiciel, le cloud et les infrastructures numériques ont suivi la même tendance. Et ce grâce aux API.

En effet, SaaS, PaaS, IaaS, BPaaS, DaaS… tous les termes suffixés en aaS pour as-a-service sont en fait des modèles où l’on préfère consommer du logiciel fait par quelqu’un d’autre plutôt que de le faire ou le manager soi-même. Cela représente plus de 1 000 Md€ chaque année, selon le dernier rapport Gartner.

Pour cela, les API permettent d’interagir avec un autre programme de manière automatisée et programmable. Ainsi, n’importe quel logiciel peut être consommé par un autre, en interne de l’entreprise ou via le web. Cela crée une nouvelle division du travail numérique où chaque société peut proposer au marché un jeu de données ou un logiciel métier sur lequel elle s’est spécialisée, et être directement ou indirectement rémunérée.

Un état d’esprit API pour penser plateforme

« Le médium est le message », prophétisait le journaliste Marshall McLuhan en 1961. Et dans son livre, il démontrait que, quand une nouvelle technologie bouleverse une industrie, alors elle caractérise le monde qui va avec. En effet, Gutenberg a-t-il inventé l’imprimerie ou, en rendant les livres accessibles aux masses, ce qui était derrière, c’est-à-dire la littérature, l’expansion de la religion, de la connaissance, etc. ?

Les API, par leurs développements récents et leur standardisation, permettent aux systèmes informatiques de la même entreprise, ou de deux entreprises différentes, de se connecter à des coûts plus faibles de plusieurs ordres de grandeur comparés à l’ère des services web et du SOA. Les API sont plus simples, plus standardisées, plus sécurisées, plus rapides, plus ouvertes, plus documentées, plus « self-service ».

Dans un marché où les coûts et les temps d’intégration sont à risque, les entreprises qui sont plus accessibles via leurs API font la différence dans les discussions d’intégration et de partenariat, et cette facilité de consommation est cruciale. Les directions IT vont préférer aller vers des offres plus directement consommables, même si elles sont moins complètes pour le moment.

Il en est de même pour la stratégie de plateforme. Économiste du MIT et auteur du livre Platform Revolution, Marshall Van Alstyne le démontre dans une étude sur dix ans : les entreprises qui ont adopté des stratégies de plateformisation basées sur des API ouvertes ont en moyenne obtenu 68 % de revenus supplémentaires et généré 38 % de profits supplémentaires par rapport à leurs concurrents.

Ce n’est pas forcément le meilleur qui gagne, mais celui qui est le plus consommable et le plus accessible en termes d’intégration. C’est ce que le secteur IT n’a pas vu venir, et là où des acteurs plus petits ont renversé des industries entières. Car, rappelons-le, dans l’informatique comme dans la nature : ce n’est pas le gros qui mange le petit, c’est le rapide qui mange le lent.

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