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De la PDP aux agents IA : Cegid muscle ses solutions métier

Par Thierry Derouet, publié le 25 juin 2025

À l’occasion de l’événement Cegid Connections Entreprise, Guillaume Rejou, Vice-Président Product Marketing, déroule la feuille de route d’un éditeur résolument tourné vers l’action. Facturation électronique, IA intégrée, reporting extrafinancier : Cegid revendique une stratégie pragmatique, alignée sur les besoins des DSI comme sur la complexité du terrain.

Le décor est posé dès les premières minutes. « Cegid, ce n’est plus seulement Lyon », lance Guillaume Rejou, en souriant. La mue géographique du groupe n’est pas anecdotique. À Boulogne, les anciens locaux de Talentsoft — intégrés depuis leur rachat — sont devenus un pôle parisien majeur pour l’éditeur. « Aujourd’hui, le site de Boulogne pèse presque autant que le siège lyonnais. Et ce n’est pas qu’un symbole : c’est aussi une réorganisation autour de nos grands métiers. » RH, ERP, finance : les anciennes business units ont été fondues dans une entité unique, capable d’adresser les ETI comme les grands comptes avec une logique de plateforme.

L’événement Cegid Connections Entreprise s’inscrit dans cette recomposition. « C’est notre rendez-vous annuel pour montrer les orientations de fond, les innovations, et faire le point sur les projets. Mais surtout, c’est un moment de vérité pour nos clients. »

Une réforme mal comprise, des injonctions brouillées

Il fallait bien en venir au sujet qui agite toutes les directions administratives et informatiques : la facturation électronique. Et ici, Guillaume Rejou ne ménage personne. « Il y a eu trop de marketing autour de la PDP, cette plateforme de dématérialisation partenaire, comme si elle allait tout régler. »
Le discours techniciste, qui n’était rien d’autre qu’un bouton magique, nous a induits en erreur. « Certains DAF ont cru qu’une simple mise à jour ERP suffirait. C’est faux. Ce projet est d’abord un chantier métier. »

Cegid a fait le choix de développer sa propre PDP — un investissement lourd, mais assumé. « Oui, nous sommes l’un des rares éditeurs à le faire. Ce n’est pas pour la beauté du geste, mais pour maîtriser toute la chaîne, de bout en bout, et pour accompagner nos clients au plus près. »

Mais la réalité du terrain est complexe. Trop souvent, les entreprises n’ont pas pris la mesure de la tâche. « Il faut faire un état des lieux des processus de facturation, auditer la qualité des données, comprendre l’hétérogénéité des systèmes. Sinon, les rejets de factures vont se multiplier. »

Guillaume Rejou détaille : « Nous recommandons une cartographie complète des circuits de validation, l’identification des flux spécifiques — comme les factures annuelles, les achats ponctuels à l’étranger ou les commandes interfiliales — et une revue des données clés, notamment les identifiants, les libellés et les codes TVA. Dans bien des cas, ce travail révèle des gisements d’optimisation qui dépassent largement le cadre de la réforme. »

Guillaume Rejou
Vice-Président Product Marketing

Cegid

Beaucoup de DSI savent que c’est un sujet métier, mais n’ont pas les bons éléments de langage pour embarquer les directions financières. Il faut parler de bénéfices, de maîtrise du risque fiscal, de capacité à préserver les délais de paiement et à fluidifier les relations fournisseurs.»

Autre difficulté : le dialogue DSI/DAF. « Beaucoup de DSI savent que c’est un sujet métier, mais n’ont pas les bons éléments de langage pour embarquer les directions financières. Il faut parler de bénéfices, de maîtrise du risque fiscal, de capacité à préserver les délais de paiement et à fluidifier les relations fournisseurs.»
Mais il est vrai que le report de la réforme n’a pas aidé. « Cela a généré une baisse de tension, alors même qu’il aurait fallu enclencher les projets. Aujourd’hui, on est à moins de 18 mois de l’échéance, et beaucoup trop d’acteurs sont encore dans le flou. »

Co construction, annuaire et crash-test politique

Sur le front réglementaire, Guillaume Rejou reconnaît quelques avancées. Cegid fait partie des éditeurs sollicités pour tester l’annuaire central. « Les retours sont bons. Nous serons prêts dès juillet pour permettre à nos clients de s’y inscrire. »
Mais il prévient : « Le pic de demandes viendra à la rentrée. Et en septembre 2026, certains ne seront tout simplement pas servis. »

Le report initial — mal expliqué — a créé une ambiguïté entre la réception et l’émission des factures. « Ce découpage méthodologique n’a pas été compris. Finalement, tout le monde se retrouve au même point de convergence. »

Si le sujet de la PDP appelle à la rigueur, celui de l’IA appelle à la précision. Et surtout à sortir de l’effet de mode. « On a arrêté les POCs. Ce temps-là est révolu. »

Adieu les “POCs” : place aux agents IA utiles

Cegid travaille depuis plus de deux ans sur l’intégration de l’IA dans ses solutions, mais avec une approche ciblée. « On parle ici d’agents intelligents spécialisés, capables de répondre à des problématiques précises. Pas de grand modèle généraliste qui promet tout et ne fait rien. »

Concrètement, ces agents sont construits autour de chaînes d’orchestration métier : pilotage de la paie, relances client, analyse de conformité fiscale, détection d’anomalies de TVA, consolidation extrafinancière… Ils peuvent interagir entre eux via des protocoles conversationnels, et opèrent localement ou dans le cloud selon les besoins.

Chez Cegid, on parle ici d’agents intelligents spécialisés, capables de répondre à des problématiques précises. Pas de grand modèle généraliste qui promet tout et ne fait rien. 
Chez Cegid, on parle ici d’agents intelligents spécialisés, capables de répondre à des problématiques précises. Pas de grand modèle généraliste qui promet tout et ne fait rien. 

« Chez certains clients, on a industrialisé des chaînes d’agents pour traiter automatiquement les demandes de congés, générer les bulletins, croiser avec les données RH, valider les absences, et alerter les managers. D’autres entreprises utilisent déjà des agents pour suivre les délais de paiement fournisseurs et alerter en cas de dérive. »

Le ton se fait plus vivant, presque enthousiaste. « Un gestionnaire peut aujourd’hui gérer un arrêt maladie à la voix. Notre solution CGPay Ultimate détecte automatiquement le collaborateur, contrôle la cohérence, calcule les IJSS et sort le bulletin de paie. Et tout ça, en langage naturel. »

L’exemple frappe. Et Guillaume Rejou l’assume : « Un enfant de dix ans pourrait faire la paie de sa mère. Ce n’est pas une provocation. C’est une illustration du niveau de simplification qu’on atteint. »

Mais là encore, pas de triomphalisme. « Ce n’est pas pour remplacer les collaborateurs. C’est pour leur redonner du temps. Le vrai progrès, c’est de pouvoir aller chercher ses enfants à 17 h. »

L’IA intégrée, pas surfacturée

Cegid a aussi tranché sur le modèle économique : pas question de vendre l’IA comme une option. « Elle est intégrée nativement dans nos solutions. Comme une évolution fonctionnelle. Comme du réglementaire. »

Guillaume Rejou cite Microsoft et Copilot : « Quand ils ont vendu Copilot en option, ils ont eu 5 % d’adoption. Quand ils l’ont intégré à Office 365, avec une hausse tarifaire globale, ils sont passés à 95 %. Ce n’est pas une question de technologie, mais d’usage. »

Même logique chez Cegid : les capacités d’IA sont incluses dans la feuille de route, dans les montées de version. « L’important, c’est que ce soit simple, accessible, sans surcoût bloquant. »

CSRD : des investissements bridés, mais pas abandonnés

Autre sujet brûlant : la directive CSRD et la réforme du reporting extrafinancier. Là aussi, Cegid avait pris les devants. « Nous avions développé un connecteur pour traduire les données issues de l’ERP en indicateurs extrafinanciers. Mais le projet omnibus a changé la donne. » Guillaume Rejou ne cache pas sa frustration. « J’ai investi. J’ai structuré une offre. Et puis, tout est décalé. »

Le connecteur CSRD de Cegid permettait notamment d’agréger des données Scope 1, 2 et 3, de les structurer selon les normes EFRAG, et de les préremplir dans des rapports conformes. « Ce n’était pas qu’un tableau Excel maquillé. On vise une vraie automatisation de la chaîne de reporting, intégrée dans l’ERP. »

Malgré le flou actuel (NDLR : Au moment de l’entretien, les nouveaux textes n’étaient pas tombés), Cegid n’abandonne pas : « On continue à informer nos clients, à les préparer. Ce n’est pas du temps perdu. On voit bien que la demande reste vive, surtout chez les groupes cotés et les entreprises à fort impact. »

Il insiste sur l’enjeu métier : « La direction financière a désormais la responsabilité du pilotage extrafinancier. Et elle attend des outils fiables, traçables, industrialisés. Nous serons au rendez-vous. »

Un changement de paradigme au service de l’utilisateur

Au fond, c’est toute une vision du rôle de l’éditeur qui transparaît. « Avant, c’était à l’entreprise de s’adapter à la solution. Aujourd’hui, c’est à la solution de s’adapter à l’utilisateur. Sans développement spécifique, sans effort inutile. » Ce renversement, Guillaume Rejou le revendique. « L’IA permet de descendre au plus près de l’utilisateur final. Pas pour l’asservir à un outil, mais pour que l’outil épouse ses usages.

Et demain ? L’IA, invisible, mais partout

Il conclut avec un sourire. « Dans trois ans, on ne parlera plus d’intelligence artificielle. Elle sera devenue comme le Saas : une évidence. »

Mais derrière cette banalisation apparente, c’est un changement profond qui s’opère. « Ce qu’on vit, c’est le retour du bon sens. L’IA ne remplace pas l’humain. Elle libère du temps, de la valeur, de la sérénité. »

Et si cette promesse tient, alors oui, le logiciel aura vraiment tenu parole.


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