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La culture du présentéisme a la peau dure

Par Marie Varandat, publié le 05 août 2020

On croyait que la période de confinement allait tout changer et que les entreprises allaient capitaliser sur les mesures et les moyens mis en place dans l’urgence pour porter un nouveau regard sur l’organisation du travail. Que nenni !

Par Marie Varandat

Sitôt l’obligation de rester chez soi levée, les entreprises françaises ont majoritairement obligé leurs employés à retourner au bureau, quitte à déployer des trésors d’ingéniosité pour réorganiser l’espace et le présentéisme afin de respecter les distanciations sociales et les horaires décalés dans les transports en commun.

Pourtant on le sait : entre les pertes de temps dans les transports, les problèmes de mobilité durable que cela peut poser, le coût non négligeable de l’immobilier pour les entreprises sans oublier les nuisances et autres distractions au bureau… la culture du présentéisme coûte cher. Mal silencieux, elle associe la valeur du travail au nombre d’heures passées au bureau. Mais arriver le premier et partir le dernier est-il réellement un signe de productivité ? Champions du présentéisme avec 200h de plus que les Français en moyenne par an, les Japonais produisent 29% moins par personne que la France (source OCDE) ! À l’adage « le temps, c’est de l’argent » ne vaudrait-il pas mieux préférer « la motivation et l’implication, c’est de la productivité » ?

D’autant que directe ou indirecte, cette pression du présentéisme a aussi des effets sur le bien-être des collaborateurs. Combien coûte un burn-out ? Et plus généralement, combien coûte l’absentéisme au travail ? Il coûte très exactement 107,9 milliards d’euros par an en France, soit 4,7 % du PIB, selon une étude de l’institut Sapiens.

Et n’allez pas croire que ces absences sont dues à la fainéantise des Français. Pour l’étude, elles sont dans 99 % des cas liées aux conditions de travail dégradées, à une organisation du travail défaillante ou encore des défauts de management de proximité. Le mal-être est tel que 48% des répondants d’un récent sondage réalisé par OnePoll en collaboration avec GoTo by LogMeIn seraient prêts à accepter une baisse de salaire pour demeurer en télétravail. Au passage, 77% estiment aussi que ce serait le meilleur moyen pour « aider l’environnement ».

Bien entendu, les entreprises ne sont pas toujours responsables de cet état de fait. Victimes du regard des autres et de la culture ambiante française, beaucoup de collaborateurs se mettent la pression tout seuls.
De la même façon, tous les métiers ne sont pas adaptés au télétravail et tous les Français ne sont pas forcément de bons candidats au travail à la maison.
Comme l’a souligné Satya Nadella, CEO de Microsoft, l’idée n’est pas de passer d’un dogme à l’autre avec tout le monde en télétravail, ni même tout le temps en télétravail.

Donner la liberté aux collaborateurs de choisir, en revanche, devrait être le nouvel état d’esprit des entreprises qui ont appris du confinement et des attentes de leurs collaborateurs. Et ce, sans infantilisation des Français avec des logiciels espions embarqués dans leur PC qui surveillent si la souris bouge ou à quelle heure a été envoyé le premier et le dernier mail (les coupables se reconnaîtront).

Les Français ne sont pas des enfants, il faut les traiter en adultes responsables, capables d’accomplir les tâches qu’on leur confie dans un délai imparti, charge à eux de trouver la meilleure organisation entre leur vie privée et leur vie professionnelle.

 

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