RH
L’IA déjà à l’origine de suppressions massives d’emplois dans la tech
Par Xavier Biseul, publié le 08 décembre 2025
Accenture, Salesforce, Oracle, HP ou Microsoft ont engagé des plans sociaux, justifiant la destruction de milliers d’emplois par les gains de productivité apportés par l’IA. Est-ce un simple « réajustement » des effectifs ou le début d’une tendance de fond ?
Les nuages s’accumulent au-dessus de la tête des salariés de la tech. Ces dernières semaines, les acteurs du secteur multiplient les plans sociaux. Début septembre, Marc Benioff, PDG de Salesforce, annonçait vouloir supprimer 4 000 postes au sein du support client. Quelques semaines plus tard, c’était au tour de Julie Sweet, patronne d’Accenture, de déclarer s’être séparée de 12 000 consultants. Un peu plus tôt dans l’année, IBM aurait, selon plusieurs médias américains, licencié environ 8 000 employés. Oracle taille également dans ses effectifs sans qu’aucun chiffre officiel n’ait été communiqué. HP a annoncé fin novembre 2025 un vaste plan de restructuration prévoyant la suppression de 6 000 postes d’ici 2028, soit environ 10 % de ses effectifs mondiaux. En France, Microsoft supprimera 10 % de ses effectifs, soit environ 200 emplois.
Ces dégraissages massifs ont pour point commun d’être justifiés, plus ou moins explicitement, par les gains de productivité liés à la généralisation de l’intelligence artificielle. Ils contredisent le discours martelé par ces mêmes fournisseurs de technologies. Selon eux, l’IA ne remplacerait pas l’homme mais l’« augmenterait ». En automatisant les tâches répétitives, elle lui permettrait de se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée.
Cette approche que « vendent » ces géants de la tech au marché, ils ne se l’appliquent donc pas à eux-mêmes. Dans le cas de la direction d’Accenture, il s’agit ainsi de se séparer des consultants dépassés. À savoir « des personnes dont nous pensons qu’elles ne pourront pas apprendre les compétences nécessaires ».
Se présentant comme le « client zéro » de ses technologies, Salesforce fait, lui, la promotion de l’IA agentique. Dans une nouvelle organisation du travail, les agents IA deviennent des collègues virtuels travaillant de concert avec les collaborateurs en place. Dans le cas d’IBM, ces agents virtuels ont pris le travail de plusieurs centaines d’employés de fonction RH, s’est félicité son PDG, Arvind Krishna. En l’occurrence, c’est la technologie maison, AskRH, qui est mise en œuvre. Chez HP, le plan vise très officiellement, selon le communiqué de presse, à « faire progresser la satisfaction des clients, l’innovation produits et la productivité par le biais de l’adoption et l’activation de l’intelligence artificielle. » HP met en avant que ses nouveaux PC intégrant des modèles génératifs ont « augmenté la productivité de 16 % », ce qui justifie selon la direction de pouvoir « faire plus… avec moins de monde ». Une note interne d’Amazon signée du CEO, Andy Jassy, rappelle que « l’IA générative va réduire le nombre total des effectifs dans les années à venir » et permettra selon lui de « réduire davantage la bureaucratie, simplifier des niveaux hiérarchiques et réaffecter des ressources. »

Les premiers plans sociaux d’une longue liste ?
Ces plans sociaux ne seraient que les premiers d’une longue liste. Après Bill Gates, John Chambers, ancien PDG de Cisco, prédit, dans une interview accordée à Fortune, que l’IA supprimera des emplois à une vitesse inédite, bien supérieure à ce qui s’est produit avec la vague internet. Le sénateur américain et ancien candidat à l’élection présidentielle, Bernie Sanders estime, lui, que l’intelligence artificielle pourrait supprimer cent millions d’emplois aux États-Unis dans la prochaine décennie.
Face à ce « grand remplacement » de l’homme par la machine, l’IA va-t-elle contredire la théorie de la « destruction créatrice » chère à Joseph Schumpeter et développée plus récemment par notre nouveau prix Nobel d’économie, Philippe Aghion ? À savoir que chaque cycle d’innovation commence par détruire des emplois puis contribue à en créer plus qu’elle n’en supprime.
Au-delà du monde de la tech
Le phénomène ne se limite pas en tout cas aux géants de la tech. Selon une enquête mondiale conduite par le cabinet de conseil RH LHH, près d’un dirigeant sur deux (46 %) déclare déjà avoir réduit ses effectifs en raison de l’intelligence artificielle. Sans en donner a priori la motivation réelle puisque seules 12,4 % des personnes licenciées attribuent leur départ à cette technologie. Laissées dans l’ignorance, elles mettent aussi plus de temps à retrouver un emploi que la moyenne.
L’IA modifie également les critères de recrutement. À contre-courant du jeunisme souvent reproché au secteur IT, des chercheurs de Stanford ont ainsi montré que l’emploi des jeunes développeurs (22-25 ans) a diminué aux États-Unis de près de 20 % entre son pic fin 2022 – lancement de ChatGPT – et juillet 2025, tandis que le recrutement des profils expérimentés, mieux à même de vérifier et valider le code généré par l’IA, augmentait dans des proportions similaires. Reste à savoir comment devenir senior sans passer par la case junior ?
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