Drones contre turbulences : la revanche des robots dans les conduits d’aération

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Maîtriser la navigation de drones dans les conduits d’aération

Par Charlotte Mauger, publié le 11 décembre 2025

Si les drones répondent à toujours plus de cas d’usage en intérieur, les espaces très confinés échappent encore à leur zone de vol en raison des turbulences qu’ils créent eux-mêmes. En dressant une carte des effets aérodynamiques et en utilisant un algorithme d’apprentissage pour guider les drones, des travaux menés notamment par l’Inria changent la donne jusque dans des conduits d’aération auparavant inaccessibles.

Longtemps réservés aux seules inspections en extérieur, les drones trouvent progressivement leur place dans des environnements plus confinés : égouts, galeries minières, tunnels. Ces environnements difficiles d’accès ou présentant un risque humain, bénéficient d’appareils conçus pour résister aux chocs, par exemple protégés par une cage qui les ramène en position de vol après collision.

Mais dans des conduits plus étroits (de moins de 50 cm de diamètre), les effets aérodynamiques deviennent dominants : les flux d’air créés par les rotors des drones eux-mêmes se répercutent sur les parois, les déstabilisant et rendant les images qu’ils envoient inexploitables. « À la différence des égouts ou des mines, on ne peut plus négliger ces effets aérodynamiques dans des conduits d’air avec d’aussi petits diamètres », précise Jean-Baptiste Mouret, directeur de recherche de l’Inria.

Avec ses collègues de l’Inria et d’autres chercheurs du CNRS, de l’Université de Lorraine et d’Aix-Marseille Université, il a réussi à comprendre ces turbulences et à faire voler un drone dans une zone qui échappait jusqu’ici aux drones : les conduits d’aération.

« Jusqu’à présent, la recirculation de l’air dans ces environnements était mal connue », poursuit Jean-Baptiste Mouret. Son équipe s’est attachée à mesurer les forces qui s’appliquent sur le drone dans différents conduits en fonction de la position du mobile. Cette cartographie des effets aérodynamiques a permis aux chercheurs d’identifier une zone où les forces répercutées sur le drone sont plus faibles, à 10 cm de la base des conduits d’environ 40 cm de diamètre. « Ce n’est pas au centre que le drone a les meilleures conditions de vol. À cet endroit-là, il y a un flux descendant qui s’applique, ce qui lui demande davantage d’énergie pour voler en restant à la même altitude », éclaire Jean- Baptiste Mouret.

Un algorithme pour stabiliser le drone

Une fois cette question résolue, pour imposer un vol à hauteur constante dans le conduit, il restait aux chercheurs à mettre en place un système de localisation. Or, celle-ci reste un obstacle majeur dans un environnement sombre. En particulier pour un drone léger, qui ne peut pas embarquer une caméra pourtant nécessaire a priori pour le traitement d’images en temps réel. « Nous avons mis en place une solution simple mais originale », explique Jean-Baptiste Mouret. Plutôt que des caméras, leur drone embarque des capteurs laser. Un algorithme d’apprentissage automatique léger se sert de leurs données pour évaluer en permanence la position du drone en temps réel et la corriger, sans dépendre de ressources de calcul externes.

Schéma des forces s’appliquant en chaque point dans un conduit de 40 cm de diamètre sur un drone.

Ces travaux ouvrent la voie à de nombreux cas d’usages immédiats dans les bâtiments industriels, métros et bureaux d’entreprises. Les conduits d’aération y sont nombreux et essentiels à la qualité de l’air, au chauffage et à la climatisation. En levant les obstacles liés à leur étroitesse, les drones pourraient permettre notamment un suivi régulier de « l’état de santé » des systèmes de ventilation.

Des promesses apparaissent aussi concernant la cartographie de l’existant. « Les conduits ne sont pas toujours bien documentés sur les plans des bâtiments. Ce type de drone peut, tout simplement, servir à savoir si ces conduits débouchent et où », suggère Jean-Baptiste Mouret. Ils peuvent également servir à documenter la présence d’objets ou de détérioration des conduits, ou encore à y amener un capteur (un détecteur de gaz par exemple) facilement.

« La navigation des drones dans ces conduits recèle beaucoup de potentiel. Les recherches sont aujourd’hui très actives et on pourrait voir déployés des drones couramment dans les entreprises », imagine déjà le chercheur.

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