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” Nous sommes entrés dans l’ère des écosystèmes “

Par La rédaction, publié le 05 mars 2017

Déjà engagé sur l’innovation depuis des années, l’électricien et spécialiste des automatismes a annoncé fin 2016 une nouvelle version de sa plateforme destinée à accueillir de nouvelles applications IoT. Un pas de plus dans sa transformation numérique ? Cyril Perducat nous éclaire.

Schneider Electric a annoncé fin 2016 une nouvelle version d’EcoStruxure, sa plateforme dédiée aux applications IoT pour les marchés des bâtiments, des infrastructures, de l’industrie et des centres de données. Est-ce le signe d’une mutation de votre modèle d’industriel vers celui d’une société de services ?

Schneider Electric continuera à produire et à commercialiser des équipements matériels, des onduleurs, des armoires électriques… Mais au lieu d’être proposés en tant que seuls produits avec des options de maintenance, ces équipements seront couplés et même intégrés dans des solutions hybrides composées de matériels, de logiciels et de services. La couche logicielle améliore la disponibilité et la maîtrise du risque, par exemple pour l’alimentation d’une salle d’opération dans un hôpital, optimise l’exploitation, ou encore est à la base de services de confort liés à l’éclairage, par exemple. Les données, en particulier, sont à l’origine d’une nouvelle génération d’outils. Tous nos équipements en recueillent naturellement un flux important. L’analyse de ces informations est déjà la base de services de maintenance et d’alertes, et fait également l’objet d’offres spécifiques comme Asset Performance Management as a Service. Elle apporte également une valeur ajoutée aux offres de gestion intelligente de l’énergie qui sont amenées à s’étendre.

Comment intégrez-vous dans votre structure industrielle la couche logicielle liée à la nouvelle génération d’applications IoT ?

En fait, Schneider est déjà un éditeur de logiciels depuis 1995. Dès cette époque, nous avons accéléré le développement de logiciels couplés à nos équipements. Il s’agit bien sûr d’informatique industrielle. À ce jour, plus d’un million de produits sont connectés et, globalement, les objets connectés, l’IoT, représentent 45 % de notre chiffre d’affaires. Placer l’IoT au cœur de notre proposition de valeur repose donc sur une démarche initiée depuis des années. Il s’agit plutôt maintenant d’intégrer des technologies comme le cloud et l’intelligence artificielle pour étendre l’offre. Cette transformation repose sur plusieurs piliers, internes d’abord, mais aussi sur des acquisitions et sur le développement d’écosystèmes. Le rachat d’Invensys, spécialisé dans l’intelligence prédictive, en 2014, va dans ce sens. Côté interne, la direction de la transformation numérique comprend 300 collaborateurs implantés en France, en Chine et aux États-Unis. Une force de frappe qui accompagne ces nouveaux usages.

Pouvez-vous illustrer les modes de collaboration mis en place avec la DSI ?

La DSI, qui représente 2 500 collaborateurs au niveau du groupe, est un acteur majeur de la transformation. De son côté, elle a déjà initié sa mue depuis au moins 10 ans. Rappelons que Schneider Electric a été un des premiers gros clients de Salesforce, un pari à cette époque qui s’est révélé comme étant le bon choix. Sur le terrain, des équipes réunissant des membres de la DSI, de mon équipe et aussi des métiers œuvrent à définir les fondations communes des nouvelles offres et les processus métiers spécifiques. Notre activité est basée sur quatre métiers majeurs : Industrie, Bâtiments, IT et Grid. La définition des fondations communes à toutes ces activités se concrétise notamment par EcoStruxure, notre plateforme horizontale commune qui traverse nos offres. Elle peut être instanciée pour chaque métier, pour la gestion des bâtiments par exemple avec l’ajout des spécificités métiers, mais demeure une plateforme commune. Ces offres impliquent la participation de la DSI de par l’impact sur le système d’information, mais aussi sa connaissance des partenaires IT. En résumé, la DSI remplit son rôle de facilitateur de la transformation et nous travaillons de concert sur tous les projets.

Vous évoquez des écosystèmes. Quels sont-ils et comment les développez-vous ?

Le plus important est d’abord celui qui inclut nos partenaires. Notre réseau en compte environ 8 000 dans le monde dont 2 500 intégrateurs industriels. Ce sont souvent des entreprises de taille moyenne. Notre plateforme EcoStruxure n’a pas vocation à se substituer à toutes ces entreprises dans la relation client, mais au contraire à faciliter la mise en place et l’exploitation de nouveaux services par nos partenaires. Il s’agit par exemple de leur permettre d’étendre les offres de support avec des solutions de maintenance connectées. La mise au point de tous ces nouveaux services est « drivée » par les métiers. Et leur développement passe par l’animation du réseau. Un autre écosystème important concerne nos liens avec le monde académique pour rester à la pointe de la recherche dans notre domaine. Nous participons à de nombreux programmes de recherche, menés dans le cadre de l’Agence nationale de la Recherche ou du programme européen H2020, mais aussi ailleurs dans le monde. Par exemple, nous avons mené en 2015, pour Soho China, un projet qui avait pour objectif de réduire de 30 % la consommation d’énergie dans des bâtiments. À partir du traitement des données issues de 792 points (température, consommation électrique, etc.), l’utilisation de la couche logicielle fournie par Schneider Electric s’est déjà traduite par des économies sensibles. Parallèlement, nous sommes impliqués dans le développement de start-up à travers un programme d’innovation ouverte. En complément de ses équipes de R&D, Schneider Electric a mis en place des programmes d’open innovation sur de nouveaux marchés.

Vous avez également noué des partenariats avec des acteurs de l’IT, en particulier avec Microsoft. Cette association impactera-t-elle votre modèle économique global ou celui de la plateforme EcoStruxure ?

Non. Microsoft est effectivement un partenaire privilégié. Un choix qui découle entre autres de sa capacité à gérer des données partout dans le monde. Quand la réglementation l’impose, ce qui ajoute de la complexité aux projets, cet acteur permet d’avoir des données localisées dans toutes les régions du monde. La plateforme Azure héberge entre autres notre plateforme EcoStruxure. Et des composants de Microsoft pourront être utilisés dans le cadre des applications IoT conjointement à des composants développés par Schneider Electric, mais aussi par de nombreux autres fournisseurs. Mais en dehors de ce cadre, cet éditeur, comme tous les autres acteurs de l’IT avec qui nous travaillons, reste un fournisseur. De notre côté, notre métier est de transformer ces données pour en extraire de la valeur, tout en respectant la réglementation. En particulier, les données demeurent la propriété des clients. Ces constats ne nous empêchent pas de travailler ponctuellement avec cet éditeur sur des opportunités commerciales.

La montée en puissance de l’IoT comme de ces écosystèmes pose la question de standards et de normes. Quelle est votre approche sur ce sujet ?

Nous poursuivons la ligne que nous avons toujours suivie, à savoir respecter des standards ouverts. Une démarche confortée par le contexte international de l’IoT. Aucun acteur du marché, quelle que soit sa taille, ne peut couvrir toute la chaîne, du capteur ou « endpoint » à l’intelligence artificielle, en passant par toutes les couches réseaux. Pour éviter d’être piégé dans des standards propriétaires, nous optons pour l’ouverture. Dans cette optique, Schneider Electric est active au sein de l’Industrial Internet Consortium, du Thread Group, et d’autres organismes pour accélérer l’adoption d’architectures et de normes adaptées à l’IoT, notamment pour les secteurs des automatismes pour l’industrie et l’habitat. L’existant est variable en fonction des domaines d’activité. Les pratiques en cours dans la construction et la gestion des bâtiments reposent déjà partiellement sur le respect de normes. Ce qui devrait faciliter l’adoption de standards par tous les acteurs. Ce constat n’est pas valable pour le marché du résidentiel.

Que privilégiez-vous aujourd’hui comme axe de développement ?

Pour étoffer EcoStruxure, nous avons lancé plusieurs programmes d’innovation, dont l’un dans la Silicon Valley. Ces initiatives se traduisent déjà par la mise en place de nouveaux services. Des start-up comme Planet Ecosystem, Digital Lumens et Ohm-Connect ont commencé à intégrer leurs solutions IoT sur EcoStruxure. Au-delà de cette seule plateforme, nous sommes bien sûr particulièrement intéressés par les potentialités de l’intelligence artificielle. 50 personnes de mon équipe travaillent sur ces sujets, sur l’analyse de toutes les sources de données, internes ou externes, pour croiser tous ces signaux et les transformer en valeur métier. Il s’agit de développer les services de demain.

Propos recueillis par Patrick Brébion

 

CYRIL PERDUCAT

• DEPUIS 2014 Directeur général IoT et transformation numérique, Schneider Electric (Boston)

• 2007-2014 Responsable de l’innovation et de la cohérence des systèmes, Schneider Electric (Paris)

• 2003-2007 Directeur de la stratégie et du développement, Schneider Electric (Chine)

• 2001-2003 Directeur général de Schneider Suzhou Drives Co. Ltd, Schneider Electric (Chine)

• 1998-2001 Responsable manufacturing, Schneider Electric (Chine)

• 1995-1997 Directeur marketing, Schneider Electric (Paris)

• 1990 École nationale supérieure des Arts et Métiers (Ensam Paristech), Paris

 

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