Gouvernance

Quel rôle pour l’IT dans les entreprises qui deviennent des « Tech Companies » ?

Par Antoine Gourévitch, publié le 01 octobre 2018

Dans beaucoup d’entreprises traditionnelles, la direction informatique vit une situation paradoxale. Alors que le modèle digital donne une place stratégique à l’innovation technologique, celle-ci ne participe pas toujours au développement des nouveaux produits et services à forte valeur ajoutée. En cause, le manque d’agilité d’une fonction encore trop souvent organisée en silo.

Au plus près des besoins en constante évolution des utilisateurs, les business units se sont saisies de cette compétence. Sous l’impulsion du directeur digital, elles adoptent des méthodes inspirées des start-up et conduisent des projets de la conception à la production. Dans le même temps, la fonction informatique reste souvent concentrée sur sa mission classique de gestion des infrastructures et de régulation, abandonnant aux unités opérationnelles la responsabilité de l’innovation technologique. Or, les entreprises deviennent de plus en plus des entreprises “high-tech”.

À la veille d’une nouvelle vague technologique portée par l’intelligence artificielle, l’Internet des objets et la robotique, la compétitivité des entreprises repose plus que jamais sur de puissants logiciels, véritables colonnes vertébrales de l’activité digitale et sur un management performant des data. Demain, la technologie sera embarquée dans les process de production ainsi que dans les produits et services développés au sein d’un large écosystème. Il s’agit donc d’un moment décisif pour la fonction informatique. Pour accompagner la digitalisation des entreprises et conserver une place stratégique, nous pensons qu’elle doit, elle aussi, se transformer, repenser son organisation, ses méthodes de travail et ses relations avec les entités opérationnelles. On voit déjà se dessiner de nouvelles configurations chez les pure-players du digital. Airbnb s’appuie ainsi sur une « architecture en piles ». Cette approche permet de réduire significativement les coûts d’intégration de l’outsourcing. À la base de la “pile”, la gestion des infrastructures, des plateformes et des logiciels standards est entièrement externalisée dans le cloud. Au sommet se trouvent les technologies à forte valeur ajoutée comme l’analyse prédictive des data ou les algorithmes de recherche sur lesquels l’entreprise développe et concentre ses ressources internes.

Nous avons identifié quelques enjeux prioritaires de la transformation de la fonction informatique. L’organisation en silos doit évoluer vers un management agile, coopératif et transversal. De plus en plus d’entreprises créent, au sein du département informatique, de petites équipes d’ingénieurs qui travaillent étroitement avec les business units. Ces « task forces » conçoivent et développent des produits ou des services sur-mesure. La banque en ligne ING a mis en place et structuré une organisation agile. Les « tribus », composées de 150 personnes au maximum, fixent les grands objectifs stratégiques et allouent les budgets nécessaires à leur exécution. Les « escadrons » prennent le relais. Ces petites équipes pluridisciplinaires sont capables de mener de manière autonome un projet digital de bout en bout à la manière d’une start-up. Dans chaque discipline, des “coordinateurs” assurent la gestion des talents. Car la bataille des compétences représente un autre levier crucial de la transformation de la fonction informatique. Rester dans la course technologique exige de recruter et de fidéliser les expertises les plus rares et les plus pointues.

Enfin, pour réussir sa transformation, la fonction informatique doit appliquer une gouvernance rigoureuse, en éditant des règles strictes applicables en interne et, plus largement, dans l’écosystème de l’entreprise. C’est particulièrement vrai en matière de sécurité informatique, de garantie du fonctionnement de l’infrastructure ou de la gestion de données. C’est l’heure des choix pour les directions informatiques. En se transformant, elles deviendront un maillon fort de la chaîne de valeur digitale.

Par Antoine Gourévitch, directeur associé senior BCG

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