Gouvernance

Quand SAP tente de se rabibocher avec ses utilisateurs

Par Thierry Derouet, publié le 15 février 2024

SAP donne rendez-vous en 2040 pour en finir définitivement avec le On Prem de ses clients historiques qui détiennent encore une dette technique lourde à porter. Tout en s’engageant à continuer, hors le cloud, à innover. Quitte à passer par une voie hybride. Avec au bout du tunnel l’offre RISE. Un mal pour un bien ?

Il en va ainsi de la vie entre utilisateurs et éditeurs. Parfois, ça passe, parfois ça casse. Depuis ces derniers mois, le torchon brule entre les utilisateurs francophones de SAP et l’éditeur de Waldorf. Notamment les clients historiques « sur site ». Les griefs sont nombreux. Et parmi ceux-ci, de nombreuses interrogations perdurent sur l’offre RISE de l’éditeur, sur la pérennité des innovations dont va bénéficier l’offre On Prem comme sur la valeur métier d’une IA générative dont SAP a vanté les bénéfices.

Si par voie de communiqué de presse, nous apprenions qu’une avancée avait été réalisée le 5 février dernier « lorsqu’un dialogue entre SAP France et l’USF avait mené à une communication plus rassurante de SAP, promettant de continuer l’innovation pour les clients on premise », aujourd’hui nous avons droit à une toute autre tonalité de la part de l’USF. Avec le sentiment qu’avant même d’avoir entamé la moindre discussion, tout était joué d’avance. Il faut dire qu’à la décharge du président de l’USF, Gianmaria Perancin, SAP n’a plus d’yeux que pour ses nouveaux clients qui depuis trois ans ont délaissé l’offre On Prem en faveur de l’offre d’hébergement RISE ou GROW de l’éditeur. Que dire à celles et ceux qui ont fait de SAP ce qu’il est devenu ? Nous sommes là dans une pièce de Marivaux avec le mari qui ayant trompé sa femme ne comprend pas pourquoi elle ne lui adresse plus la parole. À la différence près que les membres de l’USF qui restent fidèles à leur « On Prem » ont plus que jamais besoin d’une preuve que basculer dans le cloud, le vrai, et non à ce que SAP pointe comme un succédané, à l’image de ce qui est poussé notamment par OVHCloud, va leur apporter de la valeur métier. Mais pour l’heure, l’impression de ne proposer qu’un ravalement de façade est au sein de l’USF, un sentiment qui perdure.

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Chez SAP, après avoir tonné du canon et loué trop tôt les vertus d’un cloud, au portage trop lourd, comme d’une IA générative qui va devoir être maitrisée par l’ensemble des métiers concernés, on tente de faire œuvre de pédagogie. Mais dans les faits, tout est histoire de gros sous. Et d’incertitudes. Tout va tellement trop vite. L’éclaircie vient quand même de chez SAP, qui tente ces derniers mois d’infléchir son discours.

Côté code spécifique, chez SAP on essaye de démontrer que l’accompagnement – devant le travail et les compétences que cela requiert – est bien pris en compte : « Nous disposons de centres de portage qui automatisent ce processus bien au-delà d’une simple mise à jour documentaire. Cette automatisation est une partie de notre effort pour industrialiser et faciliter la transition pour nos clients. Néanmoins, cette évolution requiert une explication approfondie et des assurances, car elle modifie le mode de fonctionnement traditionnel auquel nos utilisateurs sont habitués. Nous encourageons l’adoption de modèles hybrides, conservant les éléments centraux en mode on-premise tout en migrant les aspects spécifiques vers le cloud. Cela représente un changement significatif qui demande une adaptation et une compréhension mutuelles. »

2040, c’est la date jusqu’où il sera possible de maintenir « S4 » à demeure. Au-delà, le déluge ? Non, le cloud ? Pour Orlando Appell, COO de SAP France, il est temps au-delà des nuages qui se sont amoncelés d’apporter une éclaircie : « Nous souhaitons rassurer nos clients sur le fait que nous continuons à innover pour les solutions on-premise. Notre objectif est de fournir de l’innovation à tous nos clients, qu’ils choisissent le cloud ou non. »

SAP sonne la fin du On Prem en 2040

Mais de quelle innovation parlons-nous ? Elle est là la question. Orlando Appell  se veut rassurant : « au-delà des annonces et des intentions initiales, nous suivons une feuille de route claire. Nous privilégions des processus individualisés, où le retour sur investissement de l’utilisation de l’intelligence artificielle générative est manifeste. Nous avons entamé ce processus avec SuccessFactors, et comme démontré lors de notre évènement SAP Sapphire, nous abordons maintenant les processus clés, tels que les finances ou la logistique, avec des principes déjà établis : le matching automatique de factures, le réapprovisionnement automatique de stocks basé sur des analyses statistiques historiques, etc. »

Les interrogations que porte avec elle l’IA générative ne sont pas oubliées par SAP : « L’adoption du génératif marque une évolution significative, et nous allons procéder étape par étape. Ne vous attendez pas à une mise à jour soudaine de l’ERP. Nous adoptons une approche graduelle, démontrant les avantages des composants que nous intégrons. Le cœur de notre innovation repose sur le fonctionnel. »

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Pour SAP, plus question d’obliger ses utilisateurs à basculer vers le cloud pour bénéficier des innovations : « Nous proposons des modèles hybrides où les clients peuvent choisir d’adopter certaines innovations dans le cloud tout en conservant leur ERP on-premise. »

Qu’est-ce qui bloque avec l’USF ? Le modèle d’affaires qu’impose la bascule dans le cloud ? Orlando Appell assume que « SAP évolue d’un modèle de maintenance continue, appliquant une logique de 22% de frais sur les licences on-premise » vers un engagement « à offrir un service complet où il s’agit de faire fonctionner les opérations des clients de manière efficace où les contrats avec SAP dans l’environnement cloud ont une durée déterminée – trois, cinq, ou sept ans au maximum, mettant fin à la pratique des contrats à durée indéfinie. »

Un changement culturel également chez SAP

Chez SAP, cette approche introduirait également pour eux « une obligation de maintenir une haute qualité de service et d’attention envers les clients, marquant un changement significatif par rapport à l’identité précédente de l’entreprise. » Tout en constatant que « ce pivot nécessite également un changement culturel majeur au sein de SAP. » Et d’avouer que chez eux la pression pour renouveler les contrats est élevée : « une performance médiocre en matière de services, de soutien, ou d’innovation peut rapidement ouvrir la porte à des concurrents ».

Malgré les promesses de SAP pourtant maintes fois renouvelées, l’USF conserve sa vigilance : « les utilisateurs attendent des preuves concrètes de l’engagement de SAP à ne laisser aucun client de côté, notamment concernant les innovations, la roadmap, et les solutions pour les fins de maintenance. Les retours sur RISE sont encore limités, laissant des questions sur sa valeur métier ouverte. » Et l’USF de lancer une Commission RISE, ouverte à tous ses membres, visant à approfondir l’analyse et le partage sur l’offre.

Loin d’un divorce et d’en appeler au décommissionnement, l’USF espère renouveler une confiance perdue après 4 années où la communication est proche d’un dialogue de sourds. Mais dans un contexte où les tensions sont plus que palpables bien au-delà du seul sujet SAP, n’est-ce pas logique ? Le temps est ici nécessaire pour bousculer, ce qui ne devait plus l’être.


SAP privilégie l’EUCS au SecNumCloud

« SAP ne remplit pas encore tous les critères d’un cloud souverain complet »

Orlando Appell, COO de SAP France

En dépit de l’absence d’une solution de cloud souverain propre à SAP, Orlando Appell, COO de SAP France, expose comment l’entreprise répond aux besoins cruciaux de ses clients en matière de réglementations et de sécurité des données. Il met en exergue la capacité de SAP à offrir des alternatives stratégiques qui, tout en s’inscrivant dans la conformité européenne, apportent une valeur ajoutée indéniable.

« Actuellement, bien que nous ne proposions pas d’offre de cloud souverain, nous offrons des solutions complémentaires répondant aux exigences de nos clients, y compris ceux soumis à des obligations réglementaires strictes, » affirme Orlando Appell.

Il souligne l’importance de l’option de gestion de clés privées de SAP : « Nous proposons notamment une option de gestion de clés privées, permettant aux clients de contrôler l’encryption de leurs données de bout en bout. » Cette initiative est comparée aux solutions de Thalès, offrant aux clients le pouvoir de gérer eux-mêmes la sécurité de leurs informations.

Le COO de SAP France mentionne également l’option « EU Access » : « En outre, nous avons mis en place une option “EU Access”, assurant que seuls des représentants basés dans l’Union européenne interviennent dans le suivi de production et le support. » Cette mesure spécifique est une réponse directe aux préoccupations des clients qui veulent garantir une gestion européenne de leurs données.

Ces mesures, selon Orlando Appell, « constituent des éléments d’une stratégie visant à protéger les données de nos clients dans un contexte européen. » Tout en reconnaissant que la solution actuelle de SAP ne remplit pas tous les critères d’un cloud souverain complet, il souligne les progrès significatifs vers une protection renforcée des données des clients dans le respect des cadres réglementaires européens.

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