Gouvernance
Sophie Yannicopoulos (Adobe) : « La confiance en soi est la clé pour transformer les obstacles en opportunités »
Par Thierry Derouet, publié le 19 juillet 2024
Sophie Yannicopoulos, directrice générale d’Adobe France, est une figure emblématique du leadership féminin dans le secteur de la technologie. Avec une carrière impressionnante et une passion pour le B2B, elle milite pour une plus grande visibilité des femmes dans ce domaine, prônant la confiance en soi, l’apprentissage continu et le mentorat. Inspirante et résiliente, elle s’efforce de transformer les obstacles en opportunités.
Lors d’un déjeuner d’affaires où elle était la seule femme parmi une dizaine d’hommes, Sophie Yannicopoulos a lancé avec humour : « Comment on fait ? Une femme, un homme, une femme, un homme ? Eh bien, comme je suis la seule femme, je vais donc me placer en bout de table. »
Cette anecdote, bien que légère, illustre parfaitement l’esprit de Sophie : elle utilise l’humour pour briser la glace et s’affirmer dans un monde majoritairement masculin.
Le parcours de Sophie Yannicopoulos, directrice générale d’Adobe France, est jalonné d’expériences au sein de géants de la technologie tels qu’EMC, Salesforce et Splunk. Avec une vision claire et une détermination sans faille, elle éclaire la voie de nombreuses professionnelles dans le secteur de la technologie. Tout a commencé par une quête d’indépendance financière. « Lorsque j’ai quitté l’école de commerce, on m’a conseillé de me tourner vers la technologie, car il y avait d’innombrables opportunités. » Ce choix pragmatique s’est rapidement transformé en une passion pour la technologie. « Ce qui m’a plu, c’est vraiment d’être dans un apprentissage continu des technologies. » Sophie a rapidement maîtrisé une myriade de sujets, de l’observabilité des réseaux au stockage et à la sécurité.

Mais ce qui fait vibrer Sophie, c’est l’accompagnement métier : « J’ai beaucoup aimé le monde du B2B, au-delà de la tech, c’est-à-dire l’immense écosystème qu’il y avait dans le B2B. » Elle s’épanouit dans cette richesse et cette diversité, apprenant chaque jour quelque chose de nouveau. « Quand on commence à rentrer dans la tech, on se rend compte qu’on est un composant d’un immense écosystème pour le client » confie-t-elle.
La confiance en soi, sa marque de fabrique
Sophie Yannicopoulos se distingue par son approche de « leadership positif ». Après une formation en coaching de dirigeants à HEC, elle a intégré les principes de coaching dans son management, mettant l’accent sur la sécurité psychologique de ses équipes : « Le coaching, c’est ce que j’appelle le leadership positif, identifier les points forts des personnes et les mettre en avant pour les mettre en sécurité. » Elle croit fermement à l’importance de reconnaître et de développer les points forts de chacun, créant ainsi un environnement où ses collaborateurs peuvent s’épanouir pleinement. « Ce qui est le plus important pour moi, c’est que mes équipes se sentent en sécurité psychologique. À partir de là, elles peuvent exprimer qui elles sont, comprendre leurs points forts et déployer le meilleur d’elles-mêmes. »
Ses conseils pour les femmes dans la tech
Sophie constate que de nombreuses femmes travaillent dans la technologie, mais manquent de visibilité. Elle s’efforce donc de mettre en lumière ces talents féminins pour encourager d’autres femmes à rejoindre le secteur. « Lorsque j’accompagne de jeunes femmes aujourd’hui, je souhaite les rendre plus visibles. Il y a beaucoup de femmes dans la technologie, mais elles ne sont pas assez mises en avant. » Selon elle, il est crucial de montrer des exemples positifs et de communiquer sur les réussites féminines pour attirer davantage de femmes dans la technologie. « Le fait de les mettre en lumière permet d’attirer plus de femmes », affirme-t-elle. Et de souligner qu’Adobe est un exemple en la matière : « Chez Adobe, au global, nous avons plus de 35 % de femmes. Et au niveau management, 29 % des postes sont occupés par des femmes. »
Encourager les jeunes filles à aimer les maths
Pour Sophie, l’éducation initiale des jeunes filles est un levier essentiel pour les inciter à s’intéresser aux sciences et aux technologies. « J’étais plutôt douée en mathématiques et en logique », reconnaît-elle. Elle souhaite démystifier les mathématiques et les sciences, en les présentant comme des disciplines passionnantes et pleines de possibilités. « Nous devons expliquer aux jeunes filles qu’elles n’ont pas besoin d’être des “matheuses” pour réussir dans la technologie. La technologie, c’est aussi beaucoup de créativité et de logique. » Sophie souligne également l’importance de la communication et de la représentation. « Les campagnes de communication réussies, comme celles de l’armée pour attirer les jeunes, montrent qu’il est possible de changer les perceptions et d’attirer davantage de filles vers les filières scientifiques. »
Leadership et culture d’entreprise
La culture des entreprises américaines, telles qu’Adobe, a façonné son parcours de manière significative. « Le fait d’être dans une entreprise de technologie donne de l’espoir. Les entreprises américaines sont moins questionnées sur le milieu social ou le niveau d’études, ce qui m’a vraiment profité. » Sous sa direction, Adobe France se distingue par une attention particulière à la diversité et à l’inclusion. « Mettre des femmes à des postes clés aide à augmenter ce pourcentage, car elles deviennent des rôles modèles. »
Formation continue et employabilité
Sophie Yannicopoulos est convaincue que la formation continue est essentielle pour rester compétitif dans le secteur de la tech. « Nous avons en permanence des formations pour être à la page sur les nouvelles technologies, améliorer notre leadership et rendre notre management attractif pour les jeunes talents. » Chez Adobe, cette approche est intégrée dans le modèle économique de l’entreprise, qui est passé de la vente de logiciels en boîte à un modèle d’abonnement. « La formation continue permet de rester employable et de s’adapter aux évolutions rapides du secteur. » Elle évoque également la possibilité de se reconvertir, une option de plus en plus viable grâce aux programmes de formation continue. « Pour les femmes en reconversion, il est crucial de comprendre les codes de l’entreprise. »
L’IA Générative : une révolution en marche
Sophie Yannicopoulos voit un potentiel immense pour les femmes dans les nouvelles technologies, notamment dans l’IA générative. « C’est un nouveau sujet hyper intéressant qui nous amène sur des chemins inexplorés. Il serait bien que ce soit un sujet pris en charge par les femmes. » Adobe a mis un point d’honneur à intégrer cette technologie de manière éthique et transparente. « Nous avons pris plus de temps que d’autres pour sortir Firefly parce que nous voulions assurer la sécurité et la traçabilité de nos outils. »
La révolution de l’IA générative chez Adobe est conçue pour protéger les créatifs et garantir la transparence. Cette technologie, bien que complexe, est un outil puissant pour augmenter la productivité et libérer du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée. « L’IA générative est un copilote qui aide les créatifs à être plus efficaces, sans enlever la part de créativité humaine. Nous avons également cofondé la Content Authenticity Initiative avec notamment le New York Times afin de lutter contre la désinformation et favoriser ainsi la transparence des contenus en ligne. »
Vie personnelle et engagement familial
Au-delà de son impressionnant parcours professionnel, Sophie Yannicopoulos est aussi une mère. Elle est maman de deux filles, l’une ayant récemment obtenu son bac et entrant en école de commerce. « On est rarement le rôle modèle de ses enfants », dit-elle en riant.
Ses parents, tous deux médecins, auraient préféré qu’elle suive une carrière plus traditionnelle. « Ils auraient préféré que je sois médecin, c’est plus rassurant pour eux que de me voir partir dans un monde de tech qu’ils ne comprennent pas forcément. » Cependant, ils respectent son choix et reconnaissent son succès dans un domaine qu’elle sait être exigeant. Et ici peu importe que l’on soit un homme ou une femme.
5 questions posées à Sophie Yannicopoulos
1. Quelle est la qualité professionnelle que vous appréciez le plus ?
La capacité à se dépasser pour placer la barre toujours plus haut.
2. Quel est le défaut que vous trouvez le plus rédhibitoire dans le milieu professionnel ?
Le manque de créativité et d’adaptabilité dans un monde qui bouge en permanence.
3. Quel est votre plus grand accomplissement professionnel ?
Avoir réussi à garder un équilibre entre ma famille (mon mari depuis 23 ans et mes 3 enfants), mes passions (le développement personnel, le yoga et le sport en général) et mon travail, malgré une charge de travail intense et une exigence de performance qui ne s’arrête jamais !
4. Quelle est votre plus grande ambition dans votre carrière ?
Continuer à prendre soin de mes clients, mes équipes, mes partenaires dans la durée, surtout dans les contextes difficiles.
5. Quel conseil donneriez-vous à un jeune professionnel entrant dans votre secteur ?
La tech est un domaine d’apprentissage continu. Il demande beaucoup de résilience et d’engagement. Pour tenir dans la durée, il faut garder un cœur ouvert, apprendre en permanence et faire attention à son energie (alimentation, sommeil et sport).
