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Suicides : Steria a aussi connu une série noire en 2008

Par La rédaction, publié le 19 octobre 2009

Deux suicides sur le lieu de travail et trois tentatives, Steria a connu une multiplication de gestes désespérés au cours du premier semestre 2008. La Cour d’appel de Versailles vient de débouter la direction de la SSII qui n’approuvait pas le recours à un cabinet spécialisé.

L’énumération de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 14 octobre dernier fait froid dans le dos. Deux suicides de salariés sur leur lieu de travail, deux tentatives de suicide d’un employé à son domicile, une troisième tentative d’une collaboratrice au travail… Steria a connu au cours du premier semestre 2008, une série noire qui rappelle – actualité oblige – celles de France Télécom et de Renault.

Le rapprochement n’est d’ailleurs pas neutre. L’objet du litige qui opposait la direction de Steria à son CHSCT d’Issy-les-Moulineaux porte sur l’intervention du cabinet Technologia, voulu par le second, refusé par le premier. Un cabinet spécialisé en prévention des risques professionnels actuellement sous les feux des médias. Technologia est non seulement intervenu au Technocentre de Renault, mais il a aussi réalisé le questionnaire sur le stress au travail qui vient d’être envoyé aux 102 000 salariés de France Télécom. Un document de 174 questions que l’on peut retrouver sur le site de Libération.

Mise en place d’une cellule psychologique après le second drame

Cette approche d’envoi en nombre, première étape de la méthodologie de Technologia, a aussi été proposée aux CHSCT de la SSII. La direction de Steria s’y est opposée. Il fait, selon elle, doublon à un baromètre interne, initié il y a cinq ans. Baptisé Stereo, ce sondage annuel bâti sur un QCM permet aux 19 000 employés du groupe, dont 6 000 en France, de noter de 1 à 5 un certain nombre d’items sur les conditions de travail et le bien-être en entreprise. « Cette enquête, qui obtient 80 % de réponses, a débouché sur 250 actions pour le seul Hexagone. Cela va de la pose d’une bombonne d’eau dans le couloir au développement du télétravail », précise François Praddaude, DRH de Steria France. Les managers bénéficient par ailleurs d’une sensibilisation à la gestion du stress dans le cadre du programme de formation Magellan.

Après le second suicide d’août 2008, la SSII décide toutefois de renforcer son dispositif. Comme les précédents, ce geste désespéré n’a pas été reconnu par l’assurance maladie comme accident du travail, en dépit d’un courriel adressé la nuit précédant le drame, dans lequel le salarié exprime, selon le rapport du CHSCT, le « sentiment d’être dépassé ». Il suscite néanmoins un vif émoi et une cellule psychologique est mise en place auprès de la famille du défunt et de ses collègues.

Après Stereo, le programme ZEN IT

A la rentrée 2008, Steria retient le cabinet Présence Psychologique sur appel d’offres. Baptisé en interne ZEN IT, le programme qui va se mettre en place consiste à mener des entretiens en face à face auprès d’un échantillon représentatif de 250 salariés choisis par le cabinet. Une approche qualitative complémentaire de Stereo. Cet état des lieux a été effectué cet été. Suivront, prochainement, des restitutions auprès de la direction et de tous les salariés, puis la mise en œuvre d’un nouveau plan d’action. Une approche qui va donc à l’encontre des souhaits du CHSCT d’Issy-les-Moulineaux de faire intervenir Technologia, plus à même, selon lui, de s’attaquer aux racines du mal. « La direction n’agit que sur la gestion du stress et non sur la prévention des risques », estime Hocine Chemlal, délégué syndical central CGT et secrétaire du CHSCT.

Le CHSCT d’Issy-les-Moulineaux finit malgré tout ajourd’hui par obtenir gain de cause sur le terrain juridique, les quelque 3 000 salariés du siège social recevront le questionnaire de Technologia. « Nous avions décidé d’attaquer ce CHSCT pour éviter la disparité de traitement entre les employés d’Issy et ceux des autres sites en France », rappelle François Praddaude. Au-delà de Steria, on notera que la médiatisation du cas France Télécom offre aux CHSCT la possibilité d’interpeller plus facilement leurs entreprises sur la question de la souffrance au travail. C’est ce qu’indique sur son blog la CFDT de Cortal Consors. Le syndicat de cette filiale de BNP Paribas entend ainsi déclencher une expertise sur les risques psychosociaux au sein du département informatique.

Renault : le suicide d’un informaticien jugé pour « faute inexcusable »

Sylvie T., veuve d’un ingénieur informatique de Renault qui s’était suicidé en octobre 2006, assigne aujourd’hui la marque au losange pour « faute inexcusable » devant le tribunal de Nanterre. Après avoir obtenu de la CPAM la reconnaissance de ce suicide comme accident de travail, elle cherche, selon ses déclarations à l’AFP, à établir la responsabilité du constructeur automobile. Elle ne réclame qu’un euro symbolique de dommages et intérêts. En revanche, si Renault est condamné, le groupe devra se substituer à l’assurance maladie et verser une rente mensuelle à la veuve et à son fils. Antonio, 39 ans, s’était défenestré du 5e étage du bâtiment principal du Technocentre de Guyancourt, là où sept employés ont mis fin à leurs jours depuis 2005.

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