Les cookie walls d'un point de vue juridique

Gouvernance

Le cadre juridique des ‘cookie walls’

Par Pierre-Randolf Dufau, publié le 07 juin 2023

Face à l’émergence de plus en plus prégnante sur le web de l’utilisation des « cookie walls » et en l’absence de vote du Règlement E-privacy en cours d’adoption depuis janvier 2017, la Cnil continue de faire office en France de guide via la publication de lignes directrices et recommandations.


Par Cassandre Mariton & Héloïse Hacker, PRD Avocats


Pour mémoire, l’article 82 de la Loi informatique et libertés issu de la Directive E-privacy de 2002 impose le recueil préalable du consentement de tout internaute avant toute action tendant à accéder ou stocker des informations se trouvant sur l’équipement terminal : informations connues sous le nom de traceurs ou, plus communément, cookies.

La validité de ce consentement s’analyse au regard de quatre critères cumulatifs dictés par l’article 4 du RGPD, soit un consentement 1) libre, 2) spécifique, 3) éclairé et 4) univoque. Il appartiendra à l’éditeur, responsable de traitement, et/ou au sous-traitant, responsable conjoint, d’obtenir et de garder la preuve de ce consentement.

Mais qu’en est-il des cookie walls ? Le cookie wall, ou mur de traceurs, est une pratique consistant à conditionner l’accès à un site internet à l’acceptation par l’internaute de traceurs sur son terminal. Cette pratique fut interdite dans un premier temps par la Cnil via des lignes directrices, puis elle fut finalement validée par un arrêt du Conseil d’État du 19 juin 2020 rappelant à la Cnil son défaut de pouvoir législatif.
La Cnil prit acte de la décision et réactualisa ses lignes en décidant que « la pratique dite de “cookie wall” est susceptible de porter atteinte, dans certains cas, à la liberté du consentement ».


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Cette liberté du consentement est centrale dans le contrôle de légalité de la pratique des cookie walls. C’est sous cet angle que la Cnil a publié, en mai 2022, « des premiers critères d’évaluation » prévoyant que la légalité de la pratique dépend de « l’existence d’alternative(s) réelle(s) et satisfaisante( s) proposée(s) [par le site] en cas de refus des traceurs » par l’internaute, les conséquences d’un tel refus devant alors lui être explicitées.

L’alternative proposée par le site se trouvant être souvent financière – on parle alors de « pay wall » –, la Cnil précise qu’en l’absence de possibilité de fixer un plafond, ce montant s’appréciera au regard de la limite du « raisonnable ». Selon elle, il s’agira de se poser la question suivante : la contrepartie financière est-elle de nature à priver l’internaute d’un véritable choix ? Si elle répond par la positive à cette question, notamment en cas de montant trop élevé, elle considérera que le consentement n’est pas donné librement. Ainsi, il appartiendra à l’éditeur de justifier la contrepartie financière notamment au regard de son modèle économique et de la rentabilité du site. La Cnil va plus loin en proposant à l’éditeur de publier directement cette analyse sur le site.

En outre, la Cnil indique que l’alternative doit revêtir un caractère réel et équitable et être facile d’accès, ajoutant ainsi que l’éditeur doit rester vigilant et ne pas tomber dans le déséquilibre avec l’internaute, notamment en cas de position d’exclusivité ou de dominance du marché.

En attendant un accord interinstitutionnel européen sur le Règlement E-privacy obligeant les éditeurs de navigateur à paramétrer un consentement centralisé des cookies en vue de lutter contre « la lassitude du consentement aux cookies », il faudra continuer en tant qu’éditeur et internaute à prendre son cookie en patience…


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