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SNCF Voyageurs : comment TGV a fait de l’IA générative un accélérateur d’innovation
Par Alessandro Ciolek, publié le 18 décembre 2025
Interviewés sur le plateau IT for Business au salon FOST, Damien Wattez, directeur IA et Innovation de TGV, et Alexandre Cormeraie, Digital Evangelist AI et Innovation, dévoilent la stratégie IA du groupe SNCF.
Zéro slide, zéro phase de réflexion prolongée. Chez TGV, quand un cas d’usage IA émerge, on code un MVP dans la foulée et on en fait des démos aux équipes. « Les changements de paradigme sont tels qu’il faut réellement être dans l’exemple avant tout », explique Damien Wattez. Cette philosophie, l’équipe l’applique depuis les débuts de GPT-3, quand les modèles commençaient tout juste à générer du code. Résultat : une direction IA et Innovation qui fonctionne en mode lean, avec seulement deux prestations externes en deux ans et demi d’existence.
Trois axes, une même logique d’accélération
La stratégie IA de TGV s’articule autour de trois piliers. L’IA au quotidien d’abord : gestion des contrats, traitement des appels d’offres, génération automatique de modules de formation. La relation client ensuite, avec des chatbots et des assistants vocaux. Et enfin, l’efficacité dans le développement de services numériques, axe sur lequel l’équipe concentre ses efforts les plus visibles.
9 milliards de tokens et une équipe sans développeurs
L’équipe n’attend pas que les développeurs testent les nouvelles technologies. Ce sont les product owners qui s’en chargent : « Des gens qui ont compris la stratégie de l’innovation pour TGV et qui savent où il faut amener les produits », précise Alexandre Cormeraie. Dès qu’un nouveau SDK sort, ils l’intègrent directement dans l’écosystème. (Sur cette bascule “autonomie des métiers / plateformes agentiques”, voir aussi : Plateformes agentiques : l’autonomie des métiers, nouvelle frontière du no-code.)
C’est cette organisation qui a permis au groupe d’adopter les MCP (Model Context Protocol) sans délai, là où une structure classique aurait relancé un cycle complet de développement. Les 9 milliards de tokens consommés via Cursor traduisent cette intensité. « On a vraiment essuyé les plâtres sur les complexités qu’on pouvait avoir à vibe coder », reconnaît Alexandre Cormeraie. « On sait comment faire des projets depuis la page blanche, intervenir sur du code existant, et même maintenir des projets en production grâce à l’IA générative. »
L’IA vocale pour optimiser les missions des équipes terrain
Dès décembre 2023, l’équipe connectait les API OpenAI aux systèmes de réservation pour tester des achats de billets avec la voix. Aujourd’hui, l’assistant vocal développé sur base open source et customisé en interne pour le français peut vérifier les horaires en temps réel, informer sur les perturbations et prendre des rendez-vous en gare.
Côté relation client, son rôle dépasse l’automatisation des requêtes simples. « Il vient en première étape pour prendre en charge les questions les plus classiques, pour que nos collaborateurs au téléphone puissent traiter les sujets complexes ou les situations très perturbées », explique Damien Wattez. L’assistant joue ainsi un rôle de tampon : « Il va permettre de calmer en premier niveau certains clients qui peuvent être stressés ou énervés, et donc en partie protéger nos collaborateurs. »
Un ROI qui se mesure en prestations évitées
Les directions IA et Innovation sont habituellement « très onéreuses, avec beaucoup de prestations externes », rappelle Alexandre Cormeraie. Celle de TGV a pris le contre-pied : en deux ans et demi, seules deux missions ont été confiées à des agences. Tout le reste a été développé en interne grâce au développement assisté par IA. Au-delà des économies, l’IA générative offre satisfaction : « On devient vraiment plus rapide et plus qualitatif. En général, on n’a pas les deux », souligne Damien Wattez. La capacité à itérer, à tester davantage de pistes, à produire des modules de formation plus rapidement change concrètement le quotidien des équipes métiers. « Petit à petit, on embarque les personnes en démontrant tout de suite la valeur concrète, et du coup on démystifie le sujet. »
(Et côté gouvernance/sécurité, l’envers du décor existe aussi : les serveurs MCP, cette “porte ouverte” invisible sur les réseaux.)
D’ici 2 à 4 ans : le voyageur augmenté
Les voyageurs TGV passent en moyenne deux heures et demie à bord. « Ces voyageurs actifs, passifs, qui sont dans nos trains, ils attendent de faire quelque chose, mais souvent ils ne font pas grand-chose », observe Alexandre Cormeraie. C’est sur ce temps captif que TGV veut se positionner.
La vision à deux-quatre ans est ambitieuse : des voyageurs équipés de lunettes de réalité augmentée, accompagnés d’une IA personnelle dans leur téléphone ou leurs lunettes. Dans ce contexte, réserver un billet sera délégué aux agents IA. La mission de TGV sera alors de s’intégrer dans l’univers digital du voyageur pour lui proposer des expériences à valeur ajoutée pendant son trajet. « L’expérientiel, c’est la relation de demain par le digital », conclut Alexandre Cormeraie.
(Sur le même sujet “parcours client” dans le ferroviaire, en miroir : Eurostar met sur les rails un parcours client unique.)
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