

RH
Comment resouder le binôme RH-IT
Par Xavier Biseul, publié le 14 octobre 2025
Face au renouvellement accéléré des technologies, les RH se sentent légitimement dépassés par la complexité des métiers de la tech. Ce décrochage a des conséquences négatives sur le recrutement et les parcours de carrière des collaborateurs de la DSI. Adrien Nortain, CTO de Zenika, appelle donc à revoir le contrat passé entre la DRH et la DSI.
Il y a vingt ans, les relations entre la DSI et la DRH étaient simples. La première demandait à la seconde de recruter des « développeurs » aux contours de poste bien bordés. Depuis, le renouvellement accéléré des technologies a changé la donne, avec une hyperspécialisation des métiers. « Aujourd’hui, il faut savoir distinguer un SRE d’un DevSecOps, un architecte cloud d’un ingénieur MLOps, un product owner d’un engineering manager », avance Adrien Nortain, CTO de l’ESN Zenika.
La nomenclature du Cigref version 2024 compte ainsi 52 descriptions de profils métiers dont chacun peut jouer plusieurs rôles distincts. « Le poste d’expert DevOps revêt, par exemple, différentes réalités, illustre Adrien Nortain. Il peut intervenir sur l’automatisation des processus ou la modernisation de l’architecture technique. Et selon le stade dans le cycle de vie d’un projet, une organisation aura besoin d’un ingénieur ou d’un architecte DevOps. »
Dépassés par ces subtilités et la complexification des métiers de la tech, « les DRH ont progressivement délégué aux DSI la sélection des profils, voire la rédaction des fiches de poste ». Un désengagement lourd de conséquences selon le CTO. Les profils tech ne sont plus évalués selon une culture RH basée sur les compétences comportementales comme l’adaptabilité, le leadership, le sens du collaboratif. Par ailleurs, « les managers techniques se retrouvent à piloter seuls des recrutements sans accompagnement structuré ».
S’il ne leur demande pas de savoir coder, « les RH ne peuvent plus se permettre de ne pas comprendre les métiers pour lesquels ils recrutent ». Ne pas savoir distinguer un développeur front d’un ingénieur cloud, ou ce qui relève de l’effet de mode – blockchain – d’une tendance lourde – cloud, IA, cybersécurité – constitue, à ses yeux, un angle mort dangereux.
Adrien Nortain
CTO de Zenika
« Les RH ne peuvent plus se permettre de ne pas comprendre les métiers pour lesquels ils recrutent. »
Au recrutement volumique et industrialisé, réalisé par des recruteurs RH généralistes, il oppose un modèle qualitatif, plus lent et coûteux, mobilisant des recruteurs acculturés aux métiers de l’IT voire issus de la tech. Il voit d’ailleurs émerger dans certaines DSI des « tech talent partners », des « HR business partners » ou des binômes RH / lead tech sur les postes critiques.
Ce serait d’autant plus profitable que ce manque de vision RH ne s’arrête pas au recrutement. Le parcours d’intégration, puis les programmes de gestion des talents, par trop génériques, en souffrent aussi. À la question « quelle est la prochaine étape de mon évolution professionnelle ? », on renvoie souvent l’informaticien à la fameuse « échelle de carrière », basée sur des étapes de progression hiérarchique. C’est une nouvelle fois oublier les spécificités des métiers de l’IT et la valorisation de la voie de l’expertise. « Il ne faut pas s’arrêter aux trajectoires types, mais adapter les évolutions de carrière au profil du professionnel, à ses performances et ses aspirations », estime Adrien Nortain.
Là encore, le binôme DSI-DRH permet selon lui d’offrir davantage d’agilité organisationnelle. La DSI fixe des enjeux de montée en compétences par rapport à ses priorités technologiques, puis la DRH travaille sur la définition des postures et des soft skills associées. Le CTO de Zenika prône également la culture du partage et de la veille technologique. Ce modèle d’organisation apprenante doit notamment permettre aux profils exécutants, gérant le legacy et donc peu confrontés aux innovations technologiques, de briser le plafond de verre qui les enferme.
À LIRE AUSSI :

À LIRE AUSSI :
