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OVHcloud Summit 2025 : l’Europe de l’IA prend la parole
Par Laurent Delattre, publié le 25 novembre 2025
L’OVHcloud Summit 2025, tenu la semaine dernière à Paris devant plus de 2 000 participants, a été le théâtre d’une série d’annonces visant à redorer l’image d’innovateur de l’hébergeur européen avec notamment en vedette de l’IA et du quantique.
Cette année, la grande conférence d’OVHcloud s’inscrivait dans un contexte de remaniements stratégiques et de retour aux commandes d’Octave Klaba, qui a repris la direction opérationnelle pour piloter un nouveau plan stratégique quinquennal et redonner de l’élan à la croissance du groupe. Un retour motivé par les résultats décevants du groupe entré en Bourse en 2021. OVHcloud traverse une zone de turbulences avec une croissance en berne (seulement 9% sur l’exercice 2025) et des ambitions revues à la baisse pour l’année en cours entre 5 et 7% de croissance. Le précédent plan stratégique lancé lors de l’IPO n’a pas tenu ses promesses et il est temps de redresser la barre. Pour Octave Klaba l’Europe vit « trois chocs » : une prise de conscience politique née du retour de Trump et de sa politique protectionniste, une volonté d’autonomie technologique fruit du séisme post-rachat de VMware par Broadcom et la révolution de l’IA générative qui bouleverse toute la Tech (et interroge sur l’ampleur des investissements avec une question clé « qui va payer ? »). Et pour le fondateur de retour au poste de pilotage, ces éléments imposent à OVHcloud d’endosser un rôle de leader européen pour soutenir l’économie numérique.
Le fondateur ne cache pas son objectif : faire d’OVHcloud un fournisseur cloud et IA capable d’accompagner l’ensemble des acteurs économiques européens, en combinant souveraineté, productivité et écosystème partenaire. Il a clairement annoncé son engagement sur le long terme en déclarant qu’il était « revenu pour au minimum cinq ans », signe d’une volonté d’exécution serrée accompagnée d’un plan d’investissements ambitieux pour 2026–2030.
OVHcloud a articulé ses annonces autour de quatre axes : priorité à l’inférence (notamment avec SambaNova), jumeaux numériques professionnels via OmisimO et l’agent SHAI, un programme d’accompagnement des éditeurs SaaS pour l’agentique, et une offre Quantum-as-a-Service européenne. De quoi s’inscrire dans une dynamique d’innovation tout en jouant des cartes différentes de celles des hyperscalers américains.
Une stratégie d’inférence à contre-courant
Plutôt que de foncer tête baissée dans la course aux GPU comme ses concurrents et notamment comme les Neoclouds, OVHcloud adopte une approche plus singulière mais également plus pragmatique. « Nous n’avons pas la preuve que cela serait rentable sur le long terme », explique Octave Klaba avec une franchise désarmante concernant les investissements massifs dans les cartes graphiques Nvidia. « La vérité concernant les GPU H100 achetés il y a trois ans, c’est qu’ils ne valent pratiquement plus rien. Au bout de 36 mois, vous avez perdu 80% de la valeur » insiste le fondateur. Une analyse cash qui justifie la prudence d’OVHcloud face aux investissements pharaoniques de ses concurrents dans les dernières générations de processeurs Nvidia. Le groupe roubaisien fait le choix de se positionner uniquement sur l’inférence – l’exécution des modèles d’IA – et non sur leur entraînement, laissant ce terrain coûteux aux géants américains.

Cette stratégie s’incarne dans un partenariat stratégique avec SambaNova, startup californienne qui développe des puces reprogrammables (les Reconfigurable Dataflow Units ou RDU), spécialement conçues pour l’inférence rapide. « Nous avons testé Cerebras, Groq et SambaNova. C’est cette dernière qui offre le meilleur rapport performance-prix-empreinte carbone », détaille le PDG. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : là où il faudrait 9 racks Groq ou 4 racks Cerebras, un seul rack SambaNova suffit pour délivrer une capacité équivalente, avec une consommation moyenne de 10 kW contre 130 à 140 kW pour les solutions Nvidia comparables. De quoi faire tourner des modèles comme Llama 4 Maverick à plus de 100 tokens par seconde, et jusqu’à 1000 tokens pour des modèles plus légers. Objectif fournir des inférences rapides et rentables qui améliorent le time to first token et le débit par token pour des assistants IA plus rapides. « L’IA est désormais au cœur de la stratégie d’OCHcloud, et nous comptons jouer entièrement notre rôle de fournisseur d’innovations » insiste Octave Klaba.
OmisimO et SHAI : le pari des jumeaux numériques professionnels
Au-delà de l’infrastructure pure, OVHcloud mise sur l’IA agentique avec OmisimO (annoncé l’an dernier), son assistant conversationnel et agentique désormais enrichi et dopé par SHAI, son agent de codage open source qui s’exécute en local ! Objectif : permettre à chaque entreprise de créer son « jumeau numérique professionnel ». « L’idée, c’est qu’un commercial puisse demain automatiser toute sa routine matinale – consultation du CRM, envoi d’emails, planification d’appels – en quelques minutes au lieu d’y passer des heures », illustre Octave Klaba.

OmisimO se présente comme un environnement centralisé dans le shell où les équipes peuvent concevoir des agents capables d’automatiser des tâches métier, de simuler des comportements complexes, de tester des scénarios et suivre l’exécution en conditions proches de la production. L’idée est de fournir aux entreprises un cadre sécurisé et souverain pour expérimenter l’IA agentique, tout en gardant la maîtrise de leurs données et de leurs flux d’information.
La plateforme vise à rendre la création d’agents plus accessible en s’appuyant sur un agent de codage, lui aussi « maison » et open source. SHAI, c’est son nom, est capable d’exécuter des commandes, de lire et d’écrire du code, de corriger des erreurs et d’automatiser des workflows complexes sans passer par une interface graphique lourde. Pensé pour les développeurs qui travaillent en ligne de commande, il s’intègre dans les environnements existants et peut fonctionner en mode « headless », ce qui le rend compatible avec des pipelines CI/CD ou des serveurs distants. Sa philosophie est celle d’un outil minimaliste mais puissant, écrit en Rust pour garantir robustesse et performance, et ouvert à plusieurs modèles d’IA afin de donner aux utilisateurs la liberté de choisir leur fournisseur. SHAI ne se limite pas à répondre à des questions : il peut véritablement prendre en charge des tâches de développement, qu’il s’agisse de créer un site web, de convertir des fichiers ou de déboguer une commande shell. Il agit comme un collègue virtuel, toujours disponible pour épauler les développeurs dans leurs projets, et s’inscrit dans la stratégie plus large d’OVHcloud visant à proposer des outils souverains et extensibles pour l’IA et le cloud.
Le quantique européen entre en scène
L’autre grande annonce du Summit 2025 concerne le lancement d’une offre quantique s’appuyant sur une machine Orion « Beta » de 100 qubits de Pasqal, première pierre d’un service qui devrait compter huit machines d’ici 2027, dont sept hébergées en Europe.
Un positionnement hautement stratégique car le marché est encore embryonnaire et que les applications quantiques industrielles ne seront pas là avant quelques années.

L’initiative vise à rapprocher la recherche et l’industrie des capacités de simulation et d’optimisation quantique. Mais cette offre Quantum-as-a-Service veut aussi répondre à une demande apparemment croissante d’entreprises souhaitant expérimenter le calcul quantique. Et OVHcloud veut faire valoir l’argument de la souveraineté d’autant que la plupart des recherches quantiques ont un caractère très concurrentiel et pourraient s’avérer critiques à l’avenir pour l’Europe. « L’informatique quantique va redessiner les nouvelles frontières économiques grâce à une puissance de calcul et de simulation inédite. OVHcloud se positionne à l’avant-garde de ces révolutions et entraîne tout l’écosystème. », souligne Octave Klaba. Voir OVHcloud soutenir les acteurs français que sont Pasqal, Quandela, Alice & Bob et C12 serait une excellente nouvelle pour ces deeptechs et pour la R&D quantique nationale.
Programme pour les éditeurs SaaS
Le vaste programme « Get your SaaS ready for AI » propose d’accompagner les éditeurs de logiciels et solutions SaaS à intégrer l’IA agentique dans leurs solutions grâce à un accompagnement structuré mêlant formation, partage de code, hackathons et intégration dans la marketplace OmisimO. L’idée est de créer un écosystème collaboratif où les éditeurs SaaS peuvent expérimenter, apprendre et déployer des fonctionnalités IA sans repartir de zéro. Les formations proposées couvrent les aspects techniques et pratiques de l’agentique, tandis que le partage de code et les hackathons favorisent une dynamique communautaire et accélèrent l’adoption de bonnes pratiques.
L’intégration au marketplace OmisimO constitue un autre pilier du programme. Elle permet aux éditeurs de rendre leurs solutions compatibles avec l’environnement d’orchestration d’agents d’OVHcloud, et de bénéficier d’une visibilité accrue auprès des entreprises qui cherchent à automatiser leurs processus métier via des jumeaux numériques professionnels. Cette approche vise à réduire les barrières à l’entrée pour les éditeurs, en leur offrant un cadre technique et commercial déjà structuré.

Dit autrement, le programme « Get your SaaS ready for AI » est un accélérateur de transformation pour éditeurs de solutions logicielles alors que l’IA est en train de totalement réinventer le fonctionnement des logiciels.
Au final, ce OVHcloud Summit a donné un avant-goût de la nouvelle dynamique qui anime le groupe et du nouveau plan stratégique « Step ahead in every cloud » qui sera dévoilé début 2026 avec l’ambition affichée de faire d’OVHcloud un leader européen incontournable.
Mais, contrairement à ses concurrents qui brûlent des milliards dans la course à l’IA, le groupe nordiste fait le pari d’une approche mesurée, centrée sur les besoins réels des entreprises européennes, sur la sécurité et sur la carte de la souveraineté plutôt que sur une compétition technologique effrénée.
Tony Estanguet, triple champion olympique et président des JO de Paris 2024, a rappelé en introduction que « dans tout projet complexe, l’ambition et la créativité sont créatrices de valeur ». Et le groupe espère revenir dès l’an prochain à une croissance à deux chiffres grâce à ses innovations. Il a d’ailleurs profité du Summit 2025 pour annoncer une victoire et une extension. La victoire, c’est celle d’un accord d’hébergement signé par LCH SA, la chambre de compensation basée à Paris, pour migrer une partie de ses services vers un environnement qualifié SecNumCloud d’OVHcloud, illustrant la montée en puissance de ses offres certifiées auprès des secteurs régulés.
L’extension, c’est celle de l’ouverture d’une région cloud 3‑AZ à Berlin, marquant une étape importante pour renforcer la souveraineté et la résilience en Allemagne et en Europe afin de conforter la place de leader européen du cloud d’OVHcloud. « Il faut construire des géants européens, pas des champions nationaux », affirme Octave Klaba, rappelant que la souveraineté se gagne à l’échelle et par l’exécution. Pour les DSI, OVHcloud propose des alternatives crédibles : des régions européennes, des offres SecNumCloud, des accélérateurs d’inférence et un accès quantique. Le défi pour OVHcloud sera d’aligner ses promesses avec une exécution commerciale et opérationnelle sans faille, de convertir les démonstrations en contrats industriels et d’accompagner les clients dans la montée en compétences nécessaires à l’IA agentique et quantique. Oui, le groupe vit bien un moment charnière.
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