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Cloud hybride : comment déployer en 6 points votre stratégie
Par La rédaction, publié le 02 janvier 2023
Cloud hybride : vous n’allez pas pouvoir vous en passer !
Les jeux sont-ils faits ? Assurément, à en croire les différentes études qui, depuis 2018 surtout, confirment année après année le succès du concept d’hybridation – celui des différents clouds, privés et publics – auprès des entreprises.
Parmi les plus récentes, l’« Enterprise cloud index » de l’éditeur de logiciels de gestion d’infrastructures hyperconvergées Nutanix nous apprend, en ce début 2022, que « les déploiements multicloud vont représenter 64 % des déploiements cloud des trois prochaines années, le choix du multicloud hybride étant jugé idéal par 83 % des répondants ». Des résultats établis sur la base d’un échantillon mondial dans lequel les DSI américaines étaient quelque peu surreprésentées. Plus près de nous, une étude d’IDC menée en 2021 portait sur la situation en Europe : « Les hyperscalers représentent 29 % de la dépense mondiale en serveurs en 2020, et cette part va encore augmenter. Mais dans le même temps, les DSI veulent aussi retrouver en interne la même expérience.
« 63 % des entreprises en Europe consacrent plus de 20 % de leurs budgets à bâtir leur cloud hybride »
Reynald Fléchaux, analyste senior, idc
Même dans des secteurs réputés « méfiants » à l’égard du cloud, les lignes bougent. « La dynamique du marché du cloud dans le secteur bancaire est importante. Celui-ci représentera 20 Md€ de CA en France et une croissance annuelle de 20 % jusqu’en 2025, et même de 25 % pour le cloud public », estime Éric Baudet, senior analyst pour PAC Teknowlogy Group. L’hybridation est ici obligatoire, dans la mesure où nombre de données critiques ne peuvent tout simplement pas être hébergées hors l’entreprise pour des raisons non pas techniques, mais de sécurité.
Quant à la récente étude mondiale d’IBM à l’automne dernier, elle révèle que « 30 % des personnes interrogées ont déclaré utiliser plusieurs clouds privés et publics en 2021 – contre 23 % en 2019 –, faisant du cloud hybride l’architecture informatique dominante ». Le constructeur d’Armonk en déduit que le marché du cloud est bel et bien entré dans l’ère hybride et multicloud, mais souligne au passage que les préoccupations concernant la dépendance à l’égard des fournisseurs, la sécurité, la conformité et l’interopérabilité demeurent.
Un problème de définition
On pourrait s’étonner de l’écart entre les 83 % de réponses validant les approches hybrides de l’étude Nutanix, et ce 30 % calculé par IBM. Deux explications à cela. La première est que si le cloud hybride est une destination, il n’est pas encore une réalité pour beaucoup. La seconde est que la définition même du cloud hybride n’est pas stabilisée. « Dans la plupart des entreprises, la volonté d’aller vers le cloud hybride traduit d’abord une envie de pouvoir faire jouer la concurrence entre plusieurs cloud providers publics », explique ainsi Philippe Rondel, architecte sécurité chez Orca Security.
Or, selon lui et l’ensemble des acteurs IT, ce mouvement de fond des infrastructures IT ne saurait se résumer à une simple dissémination de ressources et de services ici dans le cloud public, ici dans un cloud privé, ou encore sur les data centers on-premise de l’entreprise : « Si l’on veut caractériser le cloud hybride, il faut qu’il y ait une gestion unifiée, avec une couche d’abstraction qui permet des arbitrages et des transferts entre les différents environnements, si possible de façon automatisée et toujours avec un minimum d’adaptations. »
Jean-Marc Jacquot, DSI & RSSI à temps partagé, suggère une autre « définition » : « Il s’agit de disposer de machines virtuelles, aussi bien chez soi que chez un provider public ». Ce qui facilite une gestion commune de ces assets, et suggère des transferts de charges facilités.
Un voyage en plusieurs étapes
Le multicloud serait donc tactique, avec souvent deux cloud providers publics dans la boucle pour faire jouer la concurrence. Du best of breed en quelque sorte, pour choisir le meilleur des mondes. L’hybridation demande une stratégie plus élaborée qui amènera une réduction du nombre de solutions et d’environnements à gérer, pour des gains à plus long terme, surtout en matière d’agilité.
Agnieszka Bruyère, ex vice-présidente des activités cloud chez IBM EMEA et VP Cloud Growth & Public Sector chez Oracle, a vu l’évolution chez les clients : « Cela fait dix ans que l’on constate déjà des utilisations de clouds publics en complément de l’IT classique, pour gérer les débordements. Cette hybridation initiale a été très tournée vers les infrastructures, pour les calculs comme pour le stockage. »
Désormais et selon elle, les entreprises cherchent à élargir ces pratiques, notamment à destination de leurs équipes DevSecOps, dont la production s’appuie sur la conteneurisation pour s’affranchir des contraintes d’environnements, et propose de façon « cloud native » les API sécurisées qui permettront une exploitation ultérieure agnostique dans des environnements hybrides.
Cet aboutissement est encore rare. La plupart des entreprises ont d’abord à franchir des paliers successifs, dont le premier consiste généralement à transporter, sans les transformer, les applications et les données dans un cloud, privé ou public, en tirant parti des ressources de calcul, de réseau, de stockage. « Ce mouvement de “lift and shift” se fait certes à moindre coût, mais les gains ne sont pas considérables », estime Daniel Gonzalez, directeur des alliances et solutions de l’intégrateur Insight. « Le second niveau, plus ambitieux, voit une adaptation du patrimoine applicatif pour tirer parti des services d’environnements virtualisés, et garantir plus de disponibilité, de sécurité et d’agilité, poursuit-il. Enfin, le troisième niveau consiste à la fois en une production nouvelle d’applications adaptées, mais aussi en une modernisation de l’existant, par conteneurisation et réécriture dans des architectures de micro-services. »
Daniel Gonzalez résume l’ensemble d’une formule choc : « Le lift and shift satisfera les financiers. L’adaptation / migration contentera les DSI qui amélioreront ainsi les SLA. La modernisation répondra au besoin des métiers. » Chez Accenture France, Laurent Stéfani, directeur exécutif et responsable du cloud souverain, préfère évoquer trois « horizons », plus ou moins proches on l’aura compris : « Le premier horizon c’est celui des économies. Le second, celui de l’optimisation dans le cloud. Le troisième, enfin, est celui de l’innovation, avec l’utilisation notamment des services pré-packagés proposés par les providers. Il y a un véritable continuum. »
Des besoins différents qui structurent la matrice
La cartographie du paysage actuel se complexifie donc car, à la grille de lecture chronologique s’en superpose une autre, sectorielle, avec des besoins différents selon les entreprises. Ainsi, la bascule récente des banques serait notamment due à une recherche d’agilité : « C’est le principal argument avancé, plutôt que les économies. Les outils proposés par les hyperscalers sont également de puissants drivers. De fait, même les banques songent à mettre leurs applications de core banking sur des clouds publics », explique Éric Beaudet. Responsable du socle Native Data Cloud pour Crédit Agricole Group Infrastructure Platform, Olivier Lehé confirme l’intérêt du cloud public « pour son modèle technique sous-jacent, comme pour profiter de services et d’outils performants. Nous hybridons ainsi progressivement notre cloud privé, ce dont profitent toutes les entités du groupe, puisque nous pouvons livrer plus souvent et plus vite. »
Beaucoup d’entreprises ont cependant une approche plus pragmatique. C’est notamment le cas de la plupart des start-up qui construisent leur IT à partir de briques applicatives en mode SaaS et des services d’infrastructure fournis par les cloud providers. « Celles-là n’ont du coup pas de cloud hybride à proprement parler, elles n’ont que du cloud public », constate Agnieszka Bruyère, qui cite par exemple des acteurs dans le gaming.
À une autre extrémité du spectre, on trouve les « Monsieur Jourdain » du cloud hybride, qui ont par exemple souscrit à une offre bureautique comme Office 365 de Microsoft et se retrouvent de fait avec une mixité d’environnements, l’essentiel de leur IT restant cependant sur des data centers internes. La pandémie de Covid 19 a aussi contribué à accélérer cette tendance, avec une recherche urgente de solutions collaboratives offertes à des collaborateurs brutalement éloignés de leur bureau. « Nos clients ont d’abord souhaité l’intégration des outils collaboratifs issus du cloud public à nos systèmes de télécommunication dans leurs data centers privés », explique par exemple Samuel Tourbot, head of cloud sales chez Alcatel Lucent Enterprise.
Une hiérarchisation des clouds
Les attentes fonctionnelles constituent encore un autre facteur de différenciation. Elles peuvent amener une DSI à se tourner vers tel ou tel cloud provider en fonction d’une spécialisation reconnue, par exemple l’offre d’IBM avec Watson pour les calculs lourds liés à l’intelligence artificielle et ses applications. Un choix qui se pose en alternative à une approche plus traditionnelle où la puissance de calcul requise en temps réel est assurée par des infrastructures de proximité. C’est ce que HPE propose depuis l’année dernière avec GreenLake, une formule d’infrastructure as a service installée dans les data centers de ses clients, qui bénéficient alors de la souplesse du modèle cloud en termes de trésorerie, tout en disposant d’une réserve de puissance pour leurs gros besoins de calculs. Cette solution ne s’applique d’ailleurs pas qu’aux applications d’IA. Elle peut aussi convenir à celles des entreprises qui recherchent une meilleure sécurité, et en profitent aussi pour acculturer au cloud leurs équipes de développeurs comme celles en exploitation.
Parmi les infrastructures de proximité, le edge computing suggère également de recourir à des offres physiquement plus proches des centres opérationnels, par exemple les usines du futur. « Il y a un vrai besoin de hiérarchiser les différentes offres de cloud », poursuit David Rio, directeur du marketing stratégique chez Thales DIS. De même qu’il faudra faire le tri entre les milliers de services disponibles chez les providers, parfois comparables, parfois non. « Ce tri peut se faire sur différents axes : économique, réglementaire, géographique, ou encore performance. Sans oublier les aspects contractuels et les possibilités réelles de réversibilité si l’on veut changer de fournisseur », continue Marc Bernis, account strategist chez Micro Focus.
Un voyage à ne pas entreprendre seul ?
Au final, et quoique l’ensemble des acteurs de l’IT entonnent en chœur les louanges du cloud hybride depuis plusieurs années, il faut saluer la prudence des intégrateurs, qui se veulent agnostiques et sans a priori sur le « mix produit », comprendre ici les parts relatives de chaque type d’environnement dans le résultat final. Ils ont toutes les raisons de se comporter ainsi, les nombreuses questions posées par le voyage vers l’hybridation du cloud ayant toutes les chances de leur amener de nouveaux clients en quête d’accompagnement.
Il faut dire que les questions ne manquent pas. L’enquête Enterprise cloud index de Nutanix indique ainsi que 87% des entreprises souhaiteraient une gestion plus simple des infrastructures de cloud mixtes. Car, pour l’instant, les défis demeurent de taille, avec dans l’ordre d’apparition des maux de tête : la gestion de la sécurité (49% des répondants) ; l’intégration des données (49%) ; ou encore les coûts (43%).
Notons qu’ils savent ce dont ils parlent puisque 91% ont déplacé une ou plusieurs applications vers un nouvel environnement informatique au cours des douze derniers mois, 80% d’entre eux reconnaissant au passage que ce transfert d’une charge de travail vers un nouvel environnement cloud peut être coûteux et prendre du temps. Trop ?
Il serait présomptueux d’apporter une réponse unique à ces questions compliquées. S’il apparaît que l’hybridation des environnements IT propose une solution immédiate à des DSI sur la défensive face aux financiers ou aux métiers – plus de services, de meilleurs SLA et des coûts abaissés –, il est aussi vrai qu’ils auront intérêt à ne pas se contenter d’un « voyage poussé par l’obsolescence et l’urgence », selon la formule proposée par Bertrand Raimbault, product line manager cloud et infogérance chez Thales DIS.
Les plus avancés ont déjà compris que c’est la modernisation de tout le système d’information qui est en jeu. Ce qui, on en conviendra, appelle la réflexion avant l’action, même si la destination semble déjà connue : « Face à la multiplicité des solutions cloud, nous sommes là pour offrir à chaque client la possibilité de définir sa propre stratégie. Mais nous pensons que le cloud hybride est la solution la plus équilibrée par défaut », rappelle Laurent Stéfani.
Quitte à se reconfigurer, finalement ? Après tout, c’est un peu la promesse sous-jacente d’une telle IT facile à faire voyager d’un cloud à un autre, public ou privé. C’est en tout cas la conclusion de Fathi Bellahcene, head of architecture du groupe Veepee (anciennement Ventes Privées), qui expliquait lors d’une matinale d’IT For Business comment d’importants pics d’activité quotidiens avaient poussé l’entreprise vers le cloud public. « Toutefois, rajustait-il, nous nous sommes parfois aperçus que le rapatriement en interne de certains process devenait rentable. » Ce qui démontre selon lui que la promesse d’agilité associée au cloud hybride est bien tenue. CQFD ? FRANÇOIS JEANNE
