Gouvernance

Dans les coulisses IT des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024

Par Alain Clapaud, publié le 22 juillet 2024

Près de 15 000 athlètes sont attendus à Paris pour les Jeux Olympiques et Paralympiques. Au-delà des 13,5 millions de spectateurs espérés sur l’ensemble des 63 sites où se dérouleront les épreuves, cet événement planétaire sera au cœur de l’attention de centaines de millions de personnes rivées devant leurs petits et grands écrans pendant deux fois deux semaines. Pas d’autre choix pour le Comité d’organisation des Jeux que de disposer d’une IT ultra-performante et ultra-sécurisée, agrémentée d’une bonne dose de digital.

En 2024, l’organisation d’un événement tel que les Jeux Olympiques implique énormément de digital tant en frontal à destination des fans de sport, des spectateurs et téléspectateurs, qu’en back-office. Les JO, ce sont évidemment des systèmes liés aux événements sportifs comme le chronométrage et toutes les données qui alimenteront les flux audiovisuels. C’est aussi un système d’information comparable à celui de toute entreprise, avec de la gestion financière, de la comptabilité, un SIRH. Officiellement, le Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP) Paris 2024 a été créé début 2018, quelques mois après l’annonce du choix de Paris par le Comité International Olympique (CIO).

Dans la foulée, Bruno Marie-Rose, ancien recordman mondial du 4 x 100 m et du 200 m en salle, mais aussi responsable informatique aguerri, rejoint l’aventure olympique en tant que directeur des technologies de Paris 2024. Sa mission est alors de mettre en place l’IT des Jeux, c’est-à-dire tous les moyens d’une DSI classique ainsi que tous les logiciels spécifiques à un tel événement. Un impératif : aller vite. « Tous ces projets ne pouvaient être menés comme les projets d’ERP d’il y a 20 ans qui souvent accumulent des mois et des années de retard. Quand je suis arrivé, nous n’étions encore que 30. Lors des Jeux, nous serons plus de 5 000. L’objectif numéro 1 était d’aller vite et d’accompagner cette croissance dans une approche start-up, tout en ayant une problématique de process à élaborer en même temps que nous les outillions. » En effet, « l’entreprise Paris 2024 » devait rapidement atteindre sa maturité IT, mais avec une vraie particularité : développer des processus tout en déployant les outils amenés à les porter. « Il fallait donc faire preuve d’un maximum d’agilité pour supporter cette croissance et cette hétérogénéité de profils, en s’assurant dans le même temps que ses services IT soient bien pilotés et que les fournisseurs et employés soient bien payés à la fin du mois. »

Jeux Olympiques : plus de 350 000 heures de diffusion prévues

Outre ce pilier « corporate », le Comité d’organisation doit gérer les technologies liées à l’événement en lui-même. « Ce système d’information des Jeux est notre outil industriel », résume Bruno Marie-Rose. Son périmètre commence depuis la partie purement sportive à l’intérieur des enceintes avec les écrans géants, la mesure de la performance des athlètes, le chronométrage. Dans ce domaine, l’excellence est la règle. Les moyens de communication doivent acheminer les images de toutes les caméras qui alimenteront un programme de plus de 350 000 heures de diffusion prévues, tous médias confondus. Bien sûr, aucun retard n’est permis pour classer les résultats des athlètes en vue de leur remettre les précieuses médailles. Et il s’agit bien évidemment de la partie émergée de cet iceberg, car tout un système d’information spécifique est dédié aux opérations pour assurer le transport des athlètes, des délégations officielles, pour nourrir le village olympique, etc.

13 millions de billets dématérialisés pour les Jeux Olympiques

Enfin, le troisième pilier du système d’information des JO de Paris est constitué par les applicatifs et systèmes liés à l’engagement business. Outre le site institutionnel, ce volet digital se compose d’un ensemble de sites marketing et d’engagement : Terre de jeux 2024, Club Paris 2024, et tous les sites qui vont aider le public à connaître l’événement et à générer de l’engouement autour des différentes épreuves. Enfin, pour la première fois dans l’histoire des Jeux, un système de billetterie mondial entièrement digital a été mis en place, avec pour mission de commercialiser 13 millions de billets dématérialisés. Une première mondiale.

Ce système d’information s’appuie sur un écosystème de partenaires tels qu’Orange pour le volet
télécoms, Atos pour une partie du système d’information « régalien » des JO comme la gestion des compétitions et des résultats sportifs, Cisco sur la partie équipements de cybersécurité, ou encore Atos/Eviden sur le volet SOC. En matière d’ERP, qui inclut la gestion des ressources humaines, la gestion financière, les achats, c’est DXC Technology qui fournit sa solution SaaS, tandis que Salesforce répond aux besoins du COJOP sur le volet digital et la plateforme CRM. Côté infrastructures, Alibaba Cloud a été choisi pour héberger les ressources des Jeux : son infrastructure de cloud public est complétée d’un cloud privé opéré par Atos pour enregistrer les données sensibles et celles soumises au RGPD. Parmi les autres partenaires des Jeux, Omega Timing fournit les systèmes de chronométrage, Panasonic les écrans géants et systèmes audiovisuels, Samsung les équipements téléphoniques, et Intel assiste le COJOP sur la 5G et l’équipement des cars en Wi-Fi.

Des missions transverses

En parallèle à ces trois piliers, Bruno Marie-Rose porte plusieurs missions transverses. Sur l’aspect cybersécurité, bien sûr, car les Jeux sont l’événement le plus attaqué au monde, mais aussi en termes d’optimisation de l’empreinte carbone : la consommation énergétique de l’IT est au cœur de sa stratégie, de même que le recyclage et la réutilisation des différents matériels.

L’innovation est une autre mission transverse promue par le Comité d’organisation. Toute une stratégie d’idéation et d’adoption de l’innovation a été mise en place pour que les utilisateurs métiers puissent bénéficier de nouveautés technologiques proposées tant par les grands partenaires des Jeux que par des start-up sélectionnées. Outre celles liées à la sécurité – notamment les algorithmes de reconnaissance d’images –, de nombreuses solutions vont être déployées in stadia ou sur Internet pour renforcer l’inclusion ou tout simplement accroître l’engagement des spectateurs.

La mise en place des Jeux n’est qu’une première phase. Beaucoup de membres de la DTSI vont changer de casquette au cours de l’aventure qui se terminera peu après la cérémonie de clôture des Jeux Paralympiques. Ainsi, un spécialiste ERP lié au système corporate, qui n’évoluera plus au moment des Jeux, changera d’activité. De nombreux rôles sont dans le même cas. Certains seront ainsi nommés responsables IT sur un site ou sur une compétition. Cela va représenter un enjeu de transformation interne de la DSI lors des Jeux.

Enfin, la cérémonie d’ouverture n’a pas encore eu lieu qu’il faut déjà songer à l’après-Jeux. Une stratégie d’héritage. Dès à présent, Bruno Marie-Rose réfléchit à la pérennisation de la technologie mise en place pour les Jeux – IT, cybersécurité, méthodes… – au sein du mouvement sportif, en animant notamment un club des DSI des fédérations sportives nationales.


Sommaire

1. Les applications d’une entreprise pas tout à fait comme les autres

Les Jeux Olympiques sont une formidable entreprise qui compte 13,5 millions de clients, les spectateurs sur site, et qui doit aussi gérer près de 15 000 athlètes et 45 000 volontaires lors des épreuves. Son système d’information marie des applications très spécialisées comme la billetterie, la logistique des Jeux, mais aussi les progiciels mis en œuvre par toute entreprise moderne.

2. Priorité au pragmatisme pour l’architecture du SI

Système d’information particulièrement hétérogène, l’informatique des Jeux se caractérise par un recours quasi-systématique au cloud et aux API. Étant donné son caractère éphémère, les architectes ont misé sur le pragmatisme pour éviter au maximum de rigidifier un SI au développement ultra-rapide.

3. Réseaux et télécoms : pas le droit à l’erreur !

À l’heure du tout numérique, le rôle des réseaux sera capital pour le bon déroulement des Jeux ainsi que pour leur couverture dans les médias. Seul responsable de l’ensemble des infrastructures de communication, Orange va exploiter son réseau fibre pour véhiculer les flux informatiques et les précieuses images des compétitions, avec un complément apporté par la 5G privée.

4. Un événement à haut risque cyber

En tant qu’événement de portée mondiale, les Jeux Olympiques et Paralympiques attirent l’attention d’un large public, mais aussi forcément de nombreux hackers. Chaque édition doit gérer des milliards d’incidents de sécurité plus ou moins graves, et parfois l’audace des attaquants menace l’organisation des Jeux. Paris 2024 s’y prépare activement depuis des mois et son SOC est prêt à Saint-Denis.

5. Une édition très digitale

Les Jeux de Paris auront un volet digital très développé, avec de multiples dispositifs mobiles afin d’engager les fans. L’objectif est de susciter l’engouement au niveau national comme internationalpour doper les ventes de billets et développer une forte audience sur les médias, avec des dispositifs CRM particulièrement performants.

6. Un souffle d’innovation bien dosé

Qu’on se le dise, les Jeux de Paris 2024 seront innovants ! Une cellule dédiée s’est chargée dès le début de l’aventure de trouver des nouveautés à déployer dans les stades et sur les sites gérés par le Comité Olympique. Le digital s’y taille la part du lion, notamment pour faciliter l’inclusion de tous dans cet événement unique.


Bruno Marie-Rose

Directeur des technologies et des systèmes d’information de Paris 2024

Directeur des technologies et des systèmes d’information des Jeux Olympiques Paris 2024

« Je suis arrivé il y a un peu moins de six ans comme employé numéro 2 de l’informatique, et nous sommes aujourd’hui à peine moins de 200, sans compter les experts externes fournis par nos partenaires. Au moment des Jeux, ce sera une DTSI de 5 000 personnes réparties sur l’ensemble des sites qui seront là pour piloter les opérations technologiques. Cela demande déjà beaucoup de coordination, cela en demandera encore plus au moment des Jeux. Même si on a essayé de tout prévoir, nous devrons être “One Team” et en capacité de réagir rapidement à tout ce qui pourra se passer. C’est notre enjeu principal. »

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