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Financement locatif : un marché IT sous tension mais résilient

Par Cécile Dard, publié le 26 décembre 2025

Le marché du financement locatif a reculé de 6,9 % au premier semestre 2025, selon l’ASF — une baisse qui n’épargne pas le secteur informatique. Entre prudence bancaire, concentration des acteurs et int150égration progressive de l’intelligence artificielle, le secteur poursuit sa mutation vers davantage de professionnalisation et de rigueur.


ERRATUM : Dans notre dossier de ChannelScope N°1, p.52, nous indiquons que Leasecom est une filiale du Crédit Mutuel Arkéa. Or ce n’est plus le cas depuis 2019. La rédaction de ChannelScope présente ses excuses pour cette imprécision.


Après des années de croissance soutenue, le financement locatif d’équipements professionnels a enregistré une nouvelle baisse en 2025 : –6,9 %, à 17,5 milliards d’euros d’investissements selon l’ASF (Association française des Sociétés Financières), dans la continuité de 2024. « Le marché reste sinistré », résume simplement Hervé Maron, cofondateur d’ASF Consulting.

Les défaillances d’entreprises ne ralentissent pas, d’après les derniers chiffres de la Banque de France. « À fin août 2025, le nombre de défaillances s’élevait à 67 613 en cumul sur douze mois, soit 6,5 % de plus qu’en août 2024. Le nombre de défaillances d’ETI et de grandes entreprises demeure supérieur à sa moyenne prépandémique », précise l’institution.

Dans ce contexte, les banques resserrent leurs conditions. « Elles font le ménage, ferment des lignes de crédit et réduisent les volumes. Même les bons dossiers peuvent être retoqués », poursuit Hervé Maron. « Les crises successives – pandémie, inflation, crise énergétique – ont fragilisé les trésoreries des entreprises, entraînant une multiplication des incidents de paiement. » À cela s’ajoute une instabilité politique qui paralyse les décisions d’investissement. « L’épargne des Français n’a jamais été aussi élevée, selon la Coface, freinant mécaniquement la consommation », rappelle Julien Steff, dirigeant d’Investitel.

L’IT, un moteur de stabilité

Malgré un environnement difficile, la location financière pour les équipements clés de l’IT conserve une relative vitalité. « C’est un marché en croissance, et il le restera », affirme Arnaud Rouillier, président de Mile. Longtemps en retard sur d’autres segments, l’IT s’impose désormais comme le modèle standard d’acquisition. Les besoins de digitalisation et de renouvellement des parcs informatiques soutiennent la demande, même dans une conjoncture tendue.

Laurent Desplaces, président de Leasecom, observe que « l’informatique résiste mieux que la bureautique ou l’équipement général ». Il précise que le marché du réseau reste en croissance, même faible. Cette robustesse s’explique aussi par la nature même des actifs financés. Comme le souligne Hervé Maron, « une entreprise ne peut pas se passer de son système de facturation. Elle continuera à payer pour cela ». Les financements se concentrent ainsi sur des actifs jugés stratégiques : systèmes informatiques, ERP, infrastructures critiques. Cette dynamique s’amplifie en fin d’année, portée par la fin du support de Windows 10, qui pousse les entreprises à renouveler leurs parcs.

Resserrement du marché

Partout, la même tendance s’impose : la prudence domine et les loueurs resserrent leur scoring. « Beaucoup d’acteurs limitent leur exposition, notamment sur les gros tickets », observe Julien Steff. Les défaillances d’entreprises pèsent sur la confiance. Cyril Marlaud, directeur général de Realease Capital, décrit un marché sous tension : « Les bailleurs ont réduit leur surface d’intervention, se séparant des dossiers jugés trop risqués. » L’informatique reste un pilier, mais la diversification sectorielle devient essentielle. « Si nous n’avions qu’un pied dans l’IT, ce serait très difficile », reconnaît-il.

Cette prudence s’accompagne d’un mouvement de concentration : les acteurs capables d’investir dans les outils d’analyse de risque, dans l’automatisation et dans la conformité ESG prennent l’avantage. « Certains petits acteurs auront du mal à conjuguer les investissements nécessaires, notamment dans l’IA, et la maîtrise du risque », souligne Arnaud Rouillier. Gilles Torillon, directeur général de Locam, confirme ce recentrage : « Face à la montée record des défaillances, nous avons renforcé notre sélectivité depuis 2023. C’est dans l’intérêt de tous. » Les contrats raccourcissent, les engagements se limitant souvent à trois ans plutôt qu’à cinq.

L’IA au service de la performance

L’intelligence artificielle devient un levier stratégique pour les acteurs du financement locatif. Chez Mile, par exemple, une IA basique est déjà utilisée pour le scoring, afin d’effectuer un premier tri dans les demandes de financement. En 2025, l’entreprise a étendu ces usages à l’ensemble de ses processus internes, notamment à la prospection. « Un prompt bien construit peut aujourd’hui produire en quelques secondes la synthèse d’informations qu’un commercial mettait une heure à rassembler », décrit Arnaud Rouillier. Ils ne sont pas les seuls à investir : Grenke, Realease Capital, Locam ou Leasecom exploitent eux aussi l’IA dans leurs outils de scoring et de gestion. « Cela nous permet d’être à la fois plus efficaces et plus fins dans la sélectivité du risque », confirme Gilles Torillon.

Les perspectives pour 2026 demeurent contrastées. Chez Grenke, Laurent Wittmann anticipe une croissance « modérée, de l’ordre de 6 à 7 % », portée par les équipements durables et la montée des critères ESG. Gilles Torillon, chez Locam, se veut volontariste : « Quel que soit le contexte, il y a toujours des clients à servir et des opportunités à saisir. » La reprise, si elle se confirme, devrait rester sélective et structurante. Les acteurs les mieux outillés, dotés de solutions technologiques avancées et de relations bancaires solides, seront les premiers à en bénéficier. Comme le résume Hervé Maron : « Le marché se nettoie, mais il va repartir. »

Qualease, le nouveau label qui structure la profession

Le Cercle des loueurs indépendants a lancé en septembre 2025 le label Qualease, une certification professionnelle inédite pour le secteur de la location financière. Le label repose sur quatre référentiels obligatoires : la transparence des transactions, la gestion intégrée des risques, la traçabilité du matériel loué et la gouvernance d’entreprise. Un cinquième référentiel optionnel distingue les acteurs intégrant des critères ESG.

Au total, 73 critères sont évalués par l’organisme certificateur indépendant Apave lors d’un audit d’une journée, après échanges avec les fournisseurs et les salariés. « Ce cadre manquait cruellement à la profession », souligne Arnaud Rouillier, qui fait partie des quatre premiers certifiés médaille d’or, aux côtés d’Investitel, Infibail et Efilease. « Il nous permet de justifier nos pratiques auprès des banques, elles-mêmes très réglementées. » Le label est ouvert à l’ensemble de la profession.

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