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France Télévisions met la mutualisation IT à son programme

Par François Jeanne, publié le 24 juin 2025

Avec le club TAP, les sociétés de l’audiovisuel public français ont voulu devancer les projets de rapprochement gouvernementaux, plutôt que de les subir. Une démarche de partage qui se concrétise déjà au niveau des achats, des datacenters ou du réseau haut débit. Et des sujets plus transversaux comme la cyber ou la RSE sont aussi sur la table.

La mutualisation est décidément dans l’air du temps au sein des DSI. Qu’il s’agisse d’achats groupés – voir témoignage de la Canut p.40 – ou, dans un registre plus structurel, de partager des infrastructures et des applications – voir article sur les SI bancaires dans le numéro précédent –, l’heure semble bien à la réflexion en commun… et sur la mise en commun. Et c’est la même logique qui a poussé Frédéric Brochard, directeur des technologies et des SI chez France Télévisions, à se rapprocher il y a cinq ans de ses homologues dans l’audiovisuel public, en l’occurrence les DSI de Arte, l’INA, France Media Monde, Radio France et TV5.

« À l’époque en 2019, notre ministre de tutelle avait initié une réflexion sur la constitution d’une holding pour notre secteur, à l’instar de ce qui se fait dans tous les autres pays européens, à l’exception de la Suède. Sans préjuger de l’aboutissement de ce projet de loi audiovisuel, il nous a semblé intéressant alors de prendre les devants et d’apprendre à fonctionner ensemble, sous le signe du volontariat et pas celui de la contrainte », explique-t-il. Un mix de prudence et d’anticipation donc, avec l’idée que « les plus petites structures ne devaient pas avoir peur d’être absorbées par la nôtre ».
Il faut dire que la DSI de France.TV représente environ 300 collaborateurs en interne (et le double avec les externes), quand celles des plus petites structures de l’audiovisuel public n’en comptent que quelques dizaines.

La démarche donne alors le jour au club des Technologies de l’Audiovisuel Public (TAP), qui permet d’abord de réaliser des achats groupés, dans le respect des règles de la commande publique. Mais avec une volonté déjà assumée d’organiser une convergence qui sera source d’économies, non plus seulement lors de l’achat d’une technologie, mais aussi sur la partie opérations, en partageant par exemple des infrastructures.

Les sociétés de l’audiovisuel public français se sont engagées dans une démarche d’achats groupés pour leurs besoins IT, qui s’accompagnent aussi de projets de convergence technique. Les infrastructures sont concernées, ainsi que les applications métiers.

Au-delà des achats en commun, anticiper des convergences

L’élan aurait pu se briser net lorsque, début 2020, l’épisode Covid renvoie tout le monde à la maison. « Mais nous avons continué à échanger par Teams, à partager des bonnes pratiques dans cette période compliquée. Cela a renforcé l’envie de faire ensemble. »
De fait, la première concrétisation du TAP arrive juste après, avec le choix d’un SOC commun auprès d’Airbus Defence and Space.
À l’époque, toutes les entités sauf une retiennent la même technologie. Cinq ans après, alors qu’un nouvel appel d’offres se profile, règles de la commande publique oblige, elles devraient cette fois être au grand complet. Ce qui a changé entre temps ? Sans doute que le coût supplémentaire à payer pour avoir une solution parfaitement adaptée à une configuration technique et à des expertises disponibles en interne, a fini par devenir trop important par rapport au choix d’un standard.

Après ce premier appel d’offres commun, la pratique des achats groupés monte en puissance, au point que pour la seule année 2024, leur cumul atteint presque 100 M€, dont plus du tiers en faveur de France.TV (sur un budget annuel d’investissement d’environ 60 M€). Surtout, elle permet aussi de réaliser des économies de fonctionnement. « Nous sommes ainsi quatre entreprises à partager désormais deux datacenters en miroir, opérés en région parisienne par Data4 et Thésée sur des sites évidemment distants. Leur infogérance est également sous-traitée à un prestataire unique, en l’occurrence Sopra Steria », indique Frédéric Brochard. Dans la même logique, France.TV et Radio France ont mutualisé leur réseau haut débit en France, avec plusieurs opérateurs (Orange, Colt et SFR).

Frédéric Brochard

Directeur des technologies et des systèmes d’information chez France Télévisions

« En 2019, notre ministre de tutelle avait initié une réflexion sur la constitution d’une holding pour notre secteur. Sans préjuger de l’aboutissement de ce projet, il nous a semblé intéressant de prendre les devants et d’apprendre à fonctionner ensemble. »

Les outils coeur de métier sont aussi concernés

« Plus on converge, mieux c’est », affirme-t-il, mettant en avant l’exemplarité du passage à la solution de paie Pléiades de Sopra Steria, déjà déployée chez Radio France et FMM, en cours de montée de version chez France Télévisions. Les outils cœur de métier ne sont pas en reste. Open Media, celui qui permet de gérer les conducteurs des journaux, est désormais présent chez trois des membres de l’alliance. « Cela nous donne plus de poids auprès de l’éditeur pour demander des fonctionnalités en plus, ou des ressources disponibles. »

D’autres étapes symboliques ont pu être franchies, par exemple l’été dernier pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, lorsque les équipes cyber des différentes entreprises ont partagé un plateau commun dans un immeuble parisien.

Alors que la perspective d’un regroupement des forces de l’audiovisuel public renaît, les équipes informatiques veulent garder l’avance qu’elles ont prise sur cette mutualisation. Sans brûler les étapes cependant : « Pour l’instant, si nous travaillons ensemble sur des sujets d’innovation utilisant notamment l’IA, parfois dans les mêmes bureaux, chaque collaborateur garde son employeur d’origine. Nous avons cette même logique à l’œuvre concernant la RSE. Elle a même inspiré un rapprochement analogue entre nos directions des achats respectives. »
La mutualisation est donc plus que jamais à l’antenne.


Le suivi de la flamme olympique, une idée qui fera date ?

France.TV n’est pas peu fière d’avoir été la première chaîne de télévision à proposer un suivi intégral et en direct du parcours de la flamme olympique (1 625 km, deux mois et demi), en amont des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. « Nous avons établi un nouveau standard, que nos amis américains vont peut-être vouloir imiter », souligne malicieusement Frédéric Brochard.
L’exploit a été ici surtout de proposer cette innovation avec des moyens plus que réduits. Le système mis en place repose en effet sur une connectivité 5G publique et 5G privative mobile connectée à des satellites Starlink, ainsi que des outils de production et de diffusion dans le cloud. Résultat, 93 % d’économie financière et 608 tonnes de CO2 évitées, soit 99 % de réduction sur une approche traditionnelle – type Tour de France – qui aurait reposé sur l’usage d’avions, d’hélicoptères et autres camions relais.


Le projet en Chiffres

6 sociétés de l’audiovisuel public membres du TAP

100 M€ environ d’achats groupés en 2024

1/3 de ces achats effectués par France Télévisions

L’entreprise France Télévisions

Activité : Audiovisuel public
Effectif : 9 000 collaborateurs
CA       : 2,6 Md€




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